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L’obligation d’information due à la caution relative aux défaillances du débiteur principal. Par Natal Yitcko, Avocat.
Parution : mardi 7 décembre 2021
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La réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n°2021-1192 du 15-9-2021 consacre l’obligation d’information due à la caution relative aux défaillances du débiteur principal au sein du nouveau Code civil.

Cette obligation d’information due par le créancier professionnel à la caution et relative à la défaillance du débiteur principal préexistait à la réforme du cautionnement par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : elle était imposée par l’article L331-1 ancien du Code de la Consommation qui a été abrogé.

Aux termes du nouvel article 2303 du Code Civil [1], le créancier professionnel est tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.

La sanction de l’absence d’information est double : la déchéance des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle la caution en aura été informée et une dérogation à la règle de l’imputation des paiements puisque les paiements effectués par le débiteur pendant cette période seront imputés prioritairement sur le principal de la dette.

Au regard de cette obligation d’information "dès le premier incident", cette réforme du droit des sûretés sur l’obligation d’information due à la caution relative aux défaillances du débiteur principal nous amène aux réflexions suivantes :

1. Qu-est-ce qu’un créancier professionnel ?

Le nouvel article 2299 du Code civil met à la charge de tout créancier professionnel l’obligation d’informer la caution, sans définir la notion de créancier professionnel.

Le professeur Marie Blondel, docteure en droit, enseignante-chercheuse rattachée au laboratoire d’études juridiques et politiques de CY Cergy Paris Université, dans son article intitulée : "La mise en garde de la caution enfin consacrée ?" souligne que le futur article 2299 du Code civil s’adresse au "créancier professionnel", cette expression semble en accord avec la règle jurisprudentielle préexistante dès lors que le devoir de mise en garde a toujours été réservé aux créanciers institutionnels pour préciser : "[...] qui connaît le droit des sûretés sait que la notion de créancier professionnel y est entendue largement".

Selon la cour de cassation, en matière de cautionnement, toute personne "dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale" est un créancier professionnel [2] et elle invoque le cas des créanciers professionnels se trouvant dans l’incapacité de détecter une défaillance du débiteur pour la porter à la connaissance de la caution [3].

A notre avis l’absence de définition de la notion de créancier professionnel aura pour effet d’augmenter sensiblement le contentieux d’application de cette notion sauf à ce que soit transposée la jurisprudence actuelle qualifiant de créancier professionnel toute personne

"dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale" [4].

2. Sous quelle forme le créancier sera tenu d’informer la caution ?

Aux termes du nouvel article 2302 du Code Civil, le créancier professionnel sera tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information.

Cette information peut évidemment prendre la forme d’un courrier recommandé avec AR ou par tout moyen dont le créancier professionnel doit apporter la preuve en cas de litige afin de prouver l’exécution de son obligation d’information.

3. Sous quel délai ?

Cette information doit être transmise dès la "défaillance du débiteur principal" caractérisée par un premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité.

4. Quelles sont les sanctions encourues en cas de non respect de cette obligation ?

Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période seront imputés prioritairement sur le principal de la dette.

Le créancier professionnel sera aussi tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci pourra être exercée.

Toutefois, la déchéance du créancier de son droit sur les intérêts et pénalités échus ne concerne que la période durant laquelle le créancier est défaillant ; un manquement partiel du créancier (omission de l’information pour une année) ne peut donc plus entraîner une déchéance totale du droit aux intérêts et aux pénalités, comme cela a été jugé en application de l’ex-article 2293 du Code Civil [5].

Cette information devra être également délivrée à la personne morale qui a souscrit un cautionnement envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordé à une entreprise [6] ; la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien article L313-22, al.1 du Code monétaire et financier s’agissant de l’existence d’un "concours financier" [7] devrait continuer à s’appliquer.

L’article 2303 issue de l’ordonnance n°2021-1192 du 15-9-2021 unifie le régime de l’information que le créancier doit communiquer à la caution sur l’évolution de la dette et les éventuels défauts de paiement du débiteur principal.

Les nouvelles dispositions s’appliqueront même aux cautionnements consentis avant le 1er janvier 2022 [8].

Natal Yitcko, Avocat Barreau de Paris www.yitcko-avocats.com [->natal@yitcko-avocats.com]

[1Ord n°2021-1192 du 15-9-2021, art.4 en vigueur le 1er janvier 2022.

[2Arrêt du 9 juillet 2009 de la 1ère chambre civile, n°08-15910.

[3Petites affiches n°06-Page 28 parue le 30/11/2021.

[4Arrêt du 9 juillet 2009 de la 1ère chambre civile, n°08-15910 supra.

[5Cass.1er Civ.10-10-2019 n°18-19.211 FS-PB : BRDA 22/19 inf.17.

[6Code civil art.2302, al 3 nouveau.

[7Cass.com.8-11-2011 n°10-24.171:RJDA 2/12 n°203 excluant le crédit-bail ; Cass.com.28-1-2014 n°12-24.592:RJDA 5/14 n°478 excluant la location avec option.

[8Ord.2021-1192 art.37, III.