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Le montant d’une créance peut caractériser une circonstance menaçant son recouvrement. Par Sébastien Bouchindhomme.
Parution : mardi 14 décembre 2021
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L’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) dispose que « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire ».

Ainsi et en application de ce texte, et en pratique selon ordonnance sur requête sollicitée auprès du juge compétent, un créancier dont la créance paraît fondée en son principe, peut à titre conservatoire, avant de diligenter une action en paiement, saisir les comptes de son débiteur ou d’un tiers ou prendre une sûreté, dès lors qu’il démontre que des circonstances sont susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance ; d’où notamment, l’intérêt de l’enquête civile, une des trois activités des entreprise de la FIGEC.

Plus avant, cette mesure non contradictoire, extrêmement efficace et dissuasive, permet au créancier qui est sur le point d’agir en justice pour le recouvrement de sa créance, de tenter de palier le risque de défaut de paiement d’un débiteur qui s’avérerait en difficulté financière, toute saisie comportant toutefois par définition, le risque d’être infructueuse, et toute sûreté pouvant s’avérer limitée dans ses effets, en raison du nombre de créanciers ayant déjà pris des sûretés sur un même bien.

Pour mémoire, pour éviter une demande de caducité de cette mesure conservatoire autorisée par le juge, éventuellement assorti d’une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, le créancier doit engager une procédure afin d’obtenir un titre exécutoire dans le mois qui suit l’exécution de la mesure conservatoire [1].

Aux termes d’un arrêt du 9 septembre 2021 [2], la Cour d’Appel de Paris, rappelle le principe constant selon lequel l’importance du montant de la créance à recouvrer, peut à elle seule, constituer une circonstance susceptible d’en menacer le recouvrement au sens de l’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution, dès lors que le débiteur n’est pas en mesure de verser aux débats des éléments de nature à garantir son créancier sur sa capacité à régler sa dette, en cas de condamnation ultérieure :

« (…) les menaces dans le recouvrement de cette créance résultent suffisamment du montant de la somme due, alors que M. [M] ne produit aucun élément sur sa situation patrimoniale attestant qu’il peut faire face au paiement de cette somme ».

En l’espèce, il s’agissait d’une créance fiscale de pas moins de 723.053 euros.

Ce principe doit être gardé précieusement en mémoire par tout créancier souhaitant optimiser ses chances de recouvrer sa créance.

En effet, nul n’est besoin de rechercher des circonstances marquantes des difficultés financières d’un débiteur, dès lors que la somme à recouvrer est importante et qu’il apparaît évident que vu le patrimoine ou le chiffre d’affaires ou le bénéfice du débiteur, le recouvrement de la créance est menacé.

Tout est affaire de proportion et de mesure entre le montant de la créance à recouvrer et les capacités de paiement du débiteur, la cour d’appel de Paris ayant pris le soin de préciser en l’espèce, que le débiteur « ne produit aucun élément sur sa situation patrimoniale attestant qu’il peut faire face au paiement de cette somme ».

Ainsi et a priori, sauf débiteur exceptionnellement fortuné, toute créance extrêmement importante, permet de solliciter du juge à titre conservatoire, des mesures de saisie ou de sûreté.

Sébastien Bouchindhomme, Délégué général de la FIGEC (Fédération Nationale de l’Information d’Entreprise, de la Gestion de Créances et de l’Enquête Civile)

[1L511-4 du CPCE.

[2Légifrance : 20/149277.