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La détermination de l’immeuble à commercialiser par l’agent immobilier. Par Pascal Bellanger, Avocat.
Parution : lundi 20 décembre 2021
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Lors de la conclusion du mandat, l’agent immobilier doit déterminer la nature du bien à commercialiser et appréhender la consistance de celui-ci afin que soit clairement définie, dès le mandat, la chose vendue.

Au stade du mandat, après avoir déterminé la qualité du mandant, l’agent immobilier doit analyser la chose à commercialiser et son approche doit définir avec précision les caractéristiques de la chose, objet de la vente.

En effet, le mandat doit comporter la désignation du bien à commercialiser.

Si l’agent immobilier va faire figurer au mandat, l’indication de la (ou des) parcelle cadastrale, objet du mandat, il ne peut que rappeler au moins par un exposé sommaire, la désignation du bien à vendre, qu’il doit donc correctement qualifier.

S’il se contente d’une désignation a minima que la loi Hoguet du 2 Janvier 1970, n’interdit pas, il ne pourra au stade de la commercialisation que déterminer les caractéristiques du bien à commercialiser.

Il faut donc que lorsqu’il régularise un mandat, l’agent immobilier soit en mesure d’apprécier si le bien qui lui est présenté est un immeuble et la composition de celui-ci.

Le Code Civil détermine les biens qui constituent des immeubles qu’il convient donc d’examiner successivement.

1° Les immeubles par nature.

Il n’y a pas de difficulté pour les immeubles par nature, constitués de bâtiments ou de terres, qu’elles soient agricoles ou pas.

Lorsqu’il déterminera le bien à commercialiser, la désignation du bien figurant à l’acte de propriété fournit les premiers renseignements à l’agent immobilier auquel va être confié un mandat de vente.

Mais, la désignation peut être incomplète ou erronée, aussi lorsqu’il déterminera le bien mis en vente, l’agent immobilier a tout intérêt à compléter son mandat par les modifications effectuées depuis l’acte d’acquisition.

Si pour les immeubles que la loi dénomme immeubles par nature, il n’y a pas de difficulté majeure, l’agent immobilier devra toutefois s’interroger sur les éléments incorporés à l’immeuble qui sont devenus immeubles par nature ou non.

Par exemple, si une chambre froide construite en briques a été incorporée au sol, elle constitue un immeuble par nature.

Des cuves en béton dans un chais viticole ont également cette qualité.

On peut s’interroger sur des cuves inox fixées au moyen d’un système d’écrou de façon à permettre un démontage sans détérioration, mais dont le principe est celui de les fixer au sol, qui leur donne l’aspect d’être lié indissociablement au sol.

La prudence veut que l’agent immobilier lorsqu’il rédige la détermination et la désignation du bien à vendre, précise au mandat, dès qu’il rencontre une particularité, si cet élément est inclus dans le champ de la vente.

Naturellement il n’ira pas jusqu’à mentionner, les canalisations et tuyaux ainsi que les poteaux servant à l’alimentation électrique ou téléphonique de l’immeuble qui sont des immeubles par nature. Il paraît peu probable qu’un contentieux naisse à leur sujet et qu’un vendeur imagine de déménager avec l’installation électrique extérieure.

Mais il peut exister des éléments d’équipement ou de décoration plus ambiguës.

Des bas-reliefs, des boiseries incorporées à l’immeuble, tout comme un manteau de cheminée sont des immeubles par nature puisqu’ils ont été spécialement incorporés à l’immeuble et ne peuvent être séparés de celui-ci, sans porter atteinte à l’intégrité du bien.

En matière de vente de biens ruraux, il faut simplement penser s’il existe des bois et forêts à la question d’éventuelles coupes de bois de taillis, les bois coupés devenant des meubles au fur et à mesure de leur abattage.

De même pour les récoltes, les grains ou les fruits sont des meubles dès qu’ils sont détachés du sol ou de l’arbre fruitier.

Il est donc important de déterminer dans la désignation du bien lors de la constitution du dossier de vente, la question de la saison culturale en cours, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté avec un éventuel acquéreur.

Ces précisions ne vont naturellement pas être mentionnées au mandat puisque la date de la vente est par nature inconnue. Il conviendra pour l’agent immobilier d’être précis sur cette question lors de la négociation, et pour éviter toute difficulté de préciser le sort des fruits ayant nature de meubles lors de l’échange des volontés manifesté par l’offre et l’acceptation des conditions de la vente.

2° Les immeubles par destination.

Outre les immeubles par nature, figurent également des immeubles par destination lesquels sont des meubles rattachés à l’immeuble de manière fixe dont le démontage provoquerait des dommages à l’immeuble.

La difficulté se pose principalement pour les ventes de bien en matière rurale. En effet, les matériels destinés à l’agriculture sont considérés comme des immeubles par destination par l’effet de l’article 524 du Code Civil (les pressoirs et les cuves non fixées au sol, le stock de semences ou d’engrais, d’éventuelles ruches, etc…).

Lorsqu’il vend des biens avec ses éléments d’équipement, il est important pour l’agent immobilier d’obtenir du mandant, la précision de ce qui entre dans le champ de la vente, ce qui permettra d’éviter toute revendication ultérieure d’un acquéreur, et que ne soit engagée la responsabilité civile professionnelle de l’agent immobilier.

En jurisprudence, se sont posés des questions en matière viticole pour des casiers fixés dans une réserve ayant nature d’immeuble mais également celle d’un stock de cognac revendiqué par l’acquéreur, prétention que la justice a légitimement écartée, considérant que le stock avait une nature mobilière.

En matière de logement d’habitation, le contentieux est très fourni quant à la qualité d’immeubles par destination.

En premier lieu, pour les éléments d’équipement, sont immeubles par destination :
- une installation de chauffage central et des appareils sanitaires ;
- l’installation sanitaire d’une salle de bain que les héritiers du vendeur ont enlevé en raison de leur affectation au service de l’immeuble ;
- des plaques de cheminée scellées au mur qui font corps avec la cheminée et dont l’enlèvement entraînerait une dégradation ;
- une importante bibliothèque construite aux dimensions exactes de la pièce et fixée à l’immeuble où elle a été placée.

Ces décisions ne semblent pas poser de difficulté d’appréciation pour un intermédiaire en vente d’immeuble et il semble évident qu’un veneur ne va pas quitter les lieux objets de la vente en emportant la chaudière ou la baignoire, c’est pourquoi en pratique, l’agent n’inclura pas ces éléments d’équipements dans le mandat. Mais il importe de savoir que ces questions se sont posées en Jurisprudence, aussi le moindre doute doit être levé par le professionnel lequel doit s’assurer auprès du vendeur que certains accessoires de l’immeuble entrent bien dans le champ de la vente.

N’ont pas été considérés comme immeubles par destination :
- Des boiseries qui n’adhèrent pas au mur et qui sont simplement posées sur le sol même si par endroit, elles sont unies au gros œuvre par de simples vis, dès lors qu’elles peuvent être arrachées sans aucun dommage ;
- Un trumeau de cheminée posé à une époque récente et seulement fixé au mur par quelques pitons ;
- Des tablettes de radiateurs en marbre simplement posées sur des pitons interchangeables ;
- Des portes d’évier ou une armoire à pharmacie facilement retirable.

S’agissant de biens particuliers, il conviendra que l’agent immobilier soit vigilant et fasse préciser au vendeur, les éléments pouvant être considérés comme des meubles qui seront vendus avec l’immeuble ou non. La visite préalable à la commercialisation du bien devra permettre au professionnel de déterminer avec les vendeurs, les caractéristiques de la vente et d’éviter tout souci ultérieur quant à l’étendue de la vente et des accessoires de la chose vendus conjointement avec celle-ci.

En pratique, la question se pose principalement pour la cuisine, qui peut être équipée ou simplement composée d’éléments de cuisine. Le critère de détermination afin de définir si la cuisine est immeuble par destination ou meuble est celui de la dépose sans dégrader l’immeuble. Si la cuisine est posée sur de simple pitons ou vis facilement dissociables du mur, elle conserve une nature mobilière, en revanche si les meubles de cuisine sont solidement fixés et si leur dépose risque d’endommager le mur ou la cloison sur lesquels elle est apposée, il faut la considérer comme immeuble par destination.

En second lieu, pour les objets d’ornementation, cette question est à l’appréciation des juges du fond qui doivent dégager l’intention du propriétaire de les attacher au fond à perpétuelle demeure, et ce sans que cette volonté soit douteuse.

Il s’agira d’une question examinée au cas par cas par les juges, les faits de l’espèce étant essentiels pour la solution d’un éventuel litige.

C’est ainsi qu’une statue simplement posée sur un socle a été reconnue comme immeuble par destination dans le cas d’une procédure par les Juges en 1963, mais pas en 1968 !

La volonté du propriétaire avait pu être prouvée dans le premier cas, pas dans le second.

Des vases, non scellés mais posés sur des socles, destinés à former avec ceux-ci, un ensemble ornemental dans le parc d’un château sont considérés comme des immeubles par destination.

Cette question n’a donc pas à être dédaignée par l’agent immobilier lorsqu’il régularise un mandat de vente, car il doit s’interroger sur ce qu’il voit et ce qui est particulier.

3° Les immeubles déterminés par l’objet auquel ils s’appliquent.

C’est la troisième catégorie d’immeubles visée dans le Code Civil.

C’est une catégorie pour le moins symbolique et dénuée d’intérêt pratique pour le mandataire immobilier.

Il peut s’agir de droits particuliers qu’elle tels que des droits de plantation ou d’arrachage attaché d’exploitation viticole ou encore lorsqu’il existe une source ou un droit particulier (carrière mine etc.)

Il ne s’agit pas du quotidien d’un agent immobilier aussi n’y a-t-il pas lieu de s’appesantir sur une question purement théorique.

4° Les servitudes.

La lecture du titre de propriété doit également permettre à l’agent immobilier de déterminer si le bien à commercialiser est affecté de servitudes.

Les servitudes d’urbanisme ne posent pas de difficultés car elles figureront sur le certificat d’urbanisme lequel sera sollicité avant la régularisation du compromis où la promesse de vente ce qui permettra d’assurer l’information de l’acquéreur, avant l’acte d’engagement.

En revanche, la question des servitudes de droit privé est plus délicate.

A priori, les servitudes légales ne posent pas de difficultés majeures.

La servitude d’écoulement des eaux est une servitude naturelle.

Les servitudes de passage doivent être mentionnées au titre de propriété, du moins si elles ont une nature conventionnelle.

Concernant ces dernières, lors de la prise de mandat, il convient de vérifier sur le titre de propriété, comment se réalise l’accès à la voie publique, et ce d’autant plus, si physiquement lors de la visite des lieux, cette question semble se poser.

Si une parcelle indivise a été créée entre différents voisins, Il faut simplement demander au mandant si une convention d’indivision a été régularisée (ce qui serait tout à fait exceptionnel).

S’Il s’agit d’un droit de passage, il faut simplement s’interroger sur l’obligation d’entretien du droit qui pèse a priori sur le fonds dominant.

Lorsqu’il existe une servitude de passage de canalisation, la localisation de celle-ci au plan cadastral ne sera pas évidente, sachant qu’a priori, elle figure uniquement sur les plans de bornage, lorsque la division est récente.

Une telle servitude qui par nature est invisible lors d’une visite du bien doit être communiquée au prospect avant l’offre pour éviter toute difficulté, surtout si elle ne figure pas à l’acte de propriété du vendeur et résulte de la topographie du lieu.

Cette servitude n’a pas à être mentionnée sur le mandat, mais dans le dossier de vente d’un immeuble, l’existence de servitudes pouvant ultérieurement se révéler, après acceptation de l’offre, ce qui sera source de complications pratiques.

Si une difficulté survient, l’acquéreur reprochera à l’agent immobilier, le défaut d’information d’un élément qu’il considère comme déterminant dans son engagement, la mise en cause de la responsabilité civile professionnelle de l’agent immobilier sera inéluctable et dans l’hypothèse d’un contentieux, apprécié par le juge.

Une servitude de passage de canalisation qui par nature est invisible lors d’une visite du bien doit être communiquée au prospect avant l’offre pour éviter toute difficulté.

Les servitudes de passage que ce soit pour un passage humain ou au moyen de véhicules s’induit souvent de la topographie des lieux.

Dès la première visite, l’agent immobilier s’apercevra que l’accès de l’immeuble ou l’accès par l’immeuble peut poser problème, aussi la lecture du titre de propriété sera de nature à lui permettre d’appréhender cette question dans le cadre de son obligation d’information aux acquéreurs potentiels.

C’est pourquoi, il est indispensable pour tout professionnel sérieux, avant même la conclusion du mandat, de se rendre sur les lieux et de visiter l’immeuble afin d’appréhender les caractéristiques de l’immeuble à commercialiser.

Pascal Bellanger, Avocat au Barreau de Nîmes