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Le devoir d’information de l’agent immobilier en matière d’urbanisme et travaux de bâtiment. Par Pascal Bellanger, Avocat.
Parution : jeudi 23 décembre 2021
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L’obligation générale d’information en matière contractuelle fait peser sur l’agent immobilier à l’égard de l’acquéreur potentiel, un devoir de vigilance accru sur les caractéristiques du bien à commercialiser et nécessite de ce professionnel qu’il appréhende la situation de l’immeuble au regard de l’urbanisme et des garanties en matière de construction. Il devra être en mesure d’analyser ces particularités afin que l’acquéreur puisse avoir un consentement éclairé.

Après la régularisation du mandat, l’agent immobilier doit constituer son dossier de commercialisation et examiner les caractéristiques de l’immeuble à commercialiser.

Même s’il est le mandataire du vendeur, il n’en demeure pas moins qu’il a, à l’égard de l’acquéreur, une obligation de loyauté et d’information.

Celle-ci a été consacrée lors de la réforme du droit des obligations à l’article 1112-1 du Code Civil, dont le premier alinéa dispose :

« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

L’agent immobilier, en qualité de mandataire, a la même obligation que le vendeur, c’est pourquoi, il doit fournir à l’acquéreur potentiel, toutes les informations en sa possession mais plus encore, celles qu’en qualité de professionnel de l’immobilier, il doit appréhender et solliciter de son mandant pour que la vente éventuelle soit exempte de tout vice.

Deux caractéristiques de l’immeuble à commercialiser vont devoir être examinées par le professionnel de la vente immobilière :
- en matière d’urbanisme,
- en matière de travaux de bâtiment.

A - L’urbanisme.

Le premier document à recueillir et à examiner est le plan cadastral de la parcelle sur laquelle est construit le bien à commercialiser.

Ce document n’a aucune valeur juridique probante en matière de propriété, n’ayant qu’une nature fiscale, permettant d’établir le rôle des contributions immobilières, cependant, il établit certaines caractéristiques de l’immeuble à la date de la dernière rénovation du cadastre.

Ce que doit réaliser un agent immobilier dès qu’il envisage la vente d’un bien, c’est comparer le titre de propriété et le plan du cadastre, ce qui lui permettra de mettre en évidence d’éventuelles différences entre les mentions figurant à la désignation du titre de propriété, au diagnostic préalable à la vente, ou ce que l’agent a constaté lors de la visite de l’immeuble préalable à la commercialisation et le plan cadastral.

Lorsque le titre de propriété est constitué d’un terrain nu, c’est-à-dire d’un terrain à construire, le professionnel doit demander au mandant, la remise des différents documents administratifs qui vont constituer le dossier de vente et qui comportent les caractéristiques de l’immeuble et la justification de la conformité de celui-ci, audites autorisations.

Le premier document à se faire remettre est le permis de construire, accompagné si possible du plan visé lors du dépôt de celui-ci.

L’agent immobilier pourra constater si le plan de masse coïncide avec le cadastre actualisé, ce qui devrait être la règle.

Si tel n’est pas le cas, il faut interroger le mandant sur les circonstances qui entraînent cette dichotomie.

Mais le cadastre et le plan de masse ne donnent que les assises au sol de la construction sans comporter d’indication quant à la hauteur du bâtiment ou à son aspect esthétique, c’est pourquoi l’agent immobilier devra également se faire remettre le certificat de conformité ou plus précisément de non opposition des services d’urbanisme de la commune ou de la communauté de communes concernée, un rehaussement de l’immeuble ne pouvant pas être détecté par une simple consultation du cadastre.

Si le mandant n’est pas en possession de ces pièces, elles peuvent être requises auprès des services d’urbanisme des collectivités territoriales et la réunion de ces pièces doit être un préalable à la commercialisation du produit, même s’il n’empêche pas de conclure le mandat.

En effet, la constitution du dossier avant commercialisation est un acte essentiel de la mise en vente et l’agent immobilier devra réunir ces documents, sans lesquels la commercialisation ultérieure risque d’être perturbée si une difficulté survenait lors de la rédaction de l’avant contrat voire de l’acte authentique.

C’est pourquoi, il convient de solliciter les pièces d’urbanisme du mandant, dès la visite de prise de contact, lorsqu’il a fait l’acquisition d’un terrain nu puis construit l’immeuble d’habitation à céder

Il n’y a pas à craindre que ces demandes soient considérées comme particulièrement intrusives par le mandant, puisqu’elles sont, au contraire, la démonstration du professionnalisme de l’agent immobilier.

Mais il ne faut pas que le professionnel se contente de la récupération des documents, il faudra aussi vérifier la teneur et s’assurer que les autorisations administratives sont conformes aux biens à commercialiser.

Dans l’hypothèse où le titre de propriété concerne un immeuble à usage d’habitation, l’agent immobilier doit également prendre en considération le fait qu’un mandant a pu faire construire une piscine, un pool House, agrémenter sa maison d’un auvent ou d’un abri, etc.… sans informer l’autorité compétente de sa construction, laquelle est devenue partiellement illégale.

Si le mandant peut prouver que sa construction a plus de 10 ans, aucune destruction ne pourrait être ordonnée par la collectivité territoriale en raison des règles de prescription, même si en pratique, la destruction d’une construction illégale est une procédure auxquelles les collectivités n’ont recours qu’avec une grande parcimonie.

Dans le cas contraire, l’agent immobilier ne peut accepter de faire courir le risque à l’acquéreur à l’égard duquel il a une responsabilité quasi délictuelle, aussi doit-il faire régulariser la situation administrative de l’immeuble, à défaut de quoi la vente risque d’échouer au niveau de l’acte authentique notarié.

Se contenter de faire figurer une désignation conforme au titre de propriété ou au permis de construire, sans mentionner les éléments de construction qui ne seraient pas réguliers constitue une faute civile a minima, voir une faute pénale.

C’est pourquoi, plutôt que de commencer à commercialiser un produit dont la validité des constructions est aléatoire, l’agent immobilier doit constituer un dossier solide quant à la validité des autorisations de construction, du moins pour celles dont la date d’édification est inférieure à dix ans.

Il en résulte que l’agent immobilier lorsqu’il débute la commercialisation d’un bien doit à minima, s’inquiéter de la conformité du bien à commercialiser au regard de l’urbanisme.

B - En matière de travaux de bâtiment.

Outre le droit de l’urbanisme, l’agent immobilier doit également vérifier la conformité de l’immeuble qu’il commercialise au droit de la construction, lorsque des travaux ont été effectués depuis moins de dix ans.

En effet, il existe en matière de construction, diverses garanties que le vendeur doit à l’acquéreur, à savoir :
- la garantie de parfait achèvement lorsque l’immeuble a fait l’objet d’une réception des travaux moins d’un an avant la vente, ce qui est extrêmement rare en pratique ;
- la garantie biennale de deux ans pour les éléments d’équipement de la construction ;
- la garantie décennale de dix ans pour les travaux de construction lorsque ceux-ci sont affectés d’un vice ou d’un désordre rendant l’immeuble impropre à sa destination ou affectant la solidité de l’ouvrage.

Ces garanties, du moins, les garanties biennales et décennales sont assurables.

Ce sont les assurances construction obligatoires qui permettent aux maîtres de l’ouvrage, ou aux différents propriétaires de l’immeuble depuis la construction, de bénéficier de garanties d’assurances.

La première assurance est l’assurance dommages ouvrage, obligatoire depuis 1978, sans pourtant être systématiquement souscrite, si le maître d’ouvrage a procédé à la construction en retenant un architecte et des artisans, sans pratiquer une construction par une entreprise générale de construction ou un pavillonneur.

En effet, lorsqu’un contrat de construction d’une maison individuelle est régularisé, l’entreprise de construction inclut le contrat d’assurance dommages ouvrage dans le dossier de financement et dans cette hypothèse, l’attestation d’assurance remise par le mandant à l’agent immobilier suffira à établir que le bien construit depuis moins de 10 ans bénéficie d’une garantie d’assurance.

En revanche, lorsque la construction est effectuée sans maîtrise d’œuvre, avec des entreprises retenues individuellement selon des marchés de gré à gré ou lorsqu’il s’agira de travaux d’agrandissement, de réfection ou de rénovation, il est fréquent que l’assurance dommages ouvrage n’ait pas été souscrite.

Dès lors, c’est le vendeur qui devra cette garantie et le notaire ne pourra lors de la vente, comme la pratique s’était instaurée, prévoir que l’acquéreur achète en l’état, et renonce à la garantie biennale ou décennale du vendeur, ce type de clause ayant été sanctionné par la Cour de Cassation.

C’est pourquoi, lorsque l’agent immobilier constituera son dossier de vente ou régularisera le mandat, il devra informer son mandant de la difficulté et lui préciser en qualité de maître d’ouvrage, il doit une garantie décennale ou biennale, et qu’en raison du défaut d’assurance dommages ouvrage, il restera débiteur si des vices de construction sont constatés.

Cette difficulté est atténuée par l’existence des assurances décennales des entreprises de construction au titre de la biennale ou de la décennale.

En effet, lorsque des travaux sont effectués par des entreprises, celles-ci ont dû remettre au maître d’ouvrage, leur attestation d’assurance.

Pour parvenir à la vente et constituer son dossier, l’agent immobilier doit a minima se faire remettre un dossier complet des factures de la construction et des attestations d’assurance des intervenants à la construction mais il ne peut se contenter de collationner ces documents sans les auditer.

En effet, même s’il n’est pas un professionnel de la construction, il doit à tout le moins vérifier que les factures de gros œuvre, des éléments essentiels de la construction tels que le chauffage, la plomberie, l’électricité figurent bien à son dossier car s’il s’avérait que le dossier est incomplet, il risquerait de voir sa responsabilité engagée, (tout comme celle du notaire rédacteur de l’acte authentique), si un défaut d’assurance se révélait ou si l’acquéreur subissait un préjudice du fait de l’insolvabilité ultérieure du vendeur, incapable d’indemniser l’acquéreur pour un vice de construction.

Ces questions des travaux de bâtiment ou des assurances-construction, sont la cause d’un contentieux de plus en plus volumineux, la jurisprudence étant de plus en plus sévère en considération de l’intervention d’un professionnel au regard du non-professionnel qu’est l’acquéreur.

En l’absence de factures et d’assurance décennale, outre la valeur de l’immeuble qui est notablement affectée, se pose la difficulté de l’obligation de conseil et de diligences à l’égard de l’acquéreur.

Bien évidemment, cette question ne concerne pas les travaux d’entretien et il est tout à fait possible commercialement de faire noter par le mandant, que seuls les travaux d’entretien réguliers et usuels ont été réalisés.

C’est pourquoi concernant les travaux, il est incontournable lors de la prise du mandat par l’agent immobilier de faire renseigner un document interne ou d’obtenir un écrit au terme duquel le vendeur mandant précise sans ambiguïté qu’il n’a pas réalisé de travaux depuis dix ans, si tel est le cas.

Naturellement, ce document précisera que le vendeur a effectué les travaux usuels d’entretien de son immeuble, ce qui ne posera pas de difficultés au plan commercial, sachant que pour tous les éléments d’équipement tel que chaudière, pompe à chaleur chauffe-eau, machinerie de piscine, les notices techniques et contrat d’entretien seront également à remettre à l’acquéreur et qu’il sera prudent pour l’agent immobilier d’examiner ces documents lors de la constitution du dossier de vente.

En effet, la garantie contractuelle de ces appareils est par principe de cinq ans, et si une facture est postérieure à ce délai, il faut vérifier si la garantie est bien en possession du vendeur.

Il faut donc rappeler en conclusion, que l’agent immobilier lorsqu’il régularise un mandat et constitue un dossier de vente, doit non seulement appréhender le bien commercialisé mais également en déterminer l’ensemble des caractéristiques et détecter les éventuelles difficultés qu’il doit naturellement régler avant toute commercialisation pour éviter de se trouver ensuite dans des difficultés commerciales lors de la négociation ou de la finalisation des contrats consacrant la rencontre de volontés.

Pascal Bellanger Avocat au Barreau de Nîmes