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Marché public : le pouvoir adjudicateur et le recours à la négociation. Par Sarah Bouët, Avocat.
Parution : mardi 21 décembre 2021
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Dans quelle mesure le pouvoir adjudicateur a-t-il l’obligation de recourir à la négociation en matière de passation d’un marché public ?

L’article L3 du Code de la Commande publique est ainsi rédigé :

« Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d’accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code.

Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».

Plus encore, l’article R2123-5 du même code prévoit que :

« Lorsque l’acheteur prévoit une négociation, il peut attribuer le marché sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d’avoir indiqué qu’il se réserve cette possibilité dans les documents de la consultation ».

Au titre de la transparence des procédures, la jurisprudence a été amenée à préciser le fait que le pouvoir adjudicateur a l’obligation de préciser expressément dans les documents de la consultation s’il entend ou non faire usage de la négociation, la négociation constituant, selon les termes des juges du Tribunal administratif de Marseille, « l’une des caractéristiques principales de la procédure » [1].

Aux termes de cette dernière ordonnance, le Juge des référés a jugé que :

« […] le manquement qu’il invoque, lequel porte bien sur les exigences qui pèsent sur le pouvoir adjudicateur zen matière de publicité et de mise en concurrence, eu égard, d’abord, au fait que l’information donnée aux candidats quant à l’organisation ou non d’une négociation est de nature à influer sur le contenu de leur offre […] » [2]

Le Conseil d’État a fait application de ces textes et considère ainsi que :

« 7. Considérant que si le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d’une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure (…) » [3].

Ainsi, dès lors que le pouvoir adjudicateur prévoit expressément l’organisation d’une phase de négociation dans le cadre d’une procédure adaptée, il est tenu par cet engagement.

Autrement dit, la jurisprudence distingue les termes de « se réserver le droit de » et « prévoir de ».

Dans le premier cas, le pouvoir adjudicateur peut décider d’y recourir ou non, mais dans le second il a informé les candidats de ce recours et doit dès lors respecter la procédure annoncée.

D’autant que ce manquement pourrait nécessairement léser les candidats, notamment lorsque la différence entre les notes attribuée est infime.

Une phase de négociation permettrait ainsi à la candidate arrivée en deuxième position d’adapter son offre aux attentes du pouvoir adjudicateur et ainsi passer en première position à l’issue de cette phase.

Il n’est pas rare que les entreprises candidates misent beaucoup sur cette phase de négociation, laquelle permet de mieux comprendre les attentes du pouvoir adjudicateur.

En d’autres termes, l’information donnée par le pouvoir adjudicateur dans les documents de la consultation, à propos de l’existence ou non d’une négociation, revêt une importance dans l’élaboration des offres, au regard du principe de transparence et d’égalité de traitement entre les candidats.

Sarah Bouët, Avocat, Barreau de Bordeaux [->sbouet.avocat@gmail.com]

[1TA Lille 5 avril 2011, Préfet du Nord, n°1003008 ; TA Marseille, 20 octobre 2011, M. Budel, n°1106246.

[2TA Marseille, 20 octobre 2011, M. Budel, n°1106246.

[3Conseil d’État, 7ème / 2ème SSR, 18/09/2015, 380821.