Village de la Justice www.village-justice.com

Les 5 questions clés sur les heures supplémentaires. Par Zaïna Abdool Raman, Directrice juridique.
Parution : mercredi 22 décembre 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/les-questions-cles-sur-les-heures-supplementaires,41116.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La thématique des heures supplémentaires est toujours au cœur de l’actualité et particulière un sujet épineux dans de nombreuses entreprises. Quelle est la définition des heures supplémentaires ? Est-ce que l’employeur peut imposer des heures supplémentaires ? Quand un salarié reste plus tard à son poste de travail, cela est-il considéré directement comme des heures supplémentaires ?

Tant de questions, règles et jurisprudences dans la matière qu’il est essentiel de regarder de plus près les règles qui entourent ce sujet avec les 5 questions clefs sur les heures supplémentaires...

1) Comment définit-on les heures supplémentaires ?

Les heures supplémentaires sont les heures travaillées au-delà de la durée légale de travail (article L3121-28 du Code du travail). Elles sont décomptées par principe sur la semaine civile (article L3121-29 du Code du travail et article L3121-35 du code du travail), en l’absence d’accord collectif pouvant prévoir une autre période de décompte de 7 jours.

A noter : en cas de temps de travail particulier par exemple en cas d’annualisation du temps de travail, le décompte se fait différemment. Dans un tel cas, les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà du seuil annuel de 1607 heures.

L’accord peut par ailleurs prévoir un décompte hebdomadaire en plus de cette limite annuelle.

Il convient donc d’analyser le régime du temps de travail qui est applicable dans l’entreprise afin de savoir quelle est le régime du temps de travail retenu dans l’entreprise.

Attention, il faut rappeler également que les salariés en forfait jour ne sont pas concernés par les heures supplémentaires. En effet, les salariés en forfait jour sont déconnectés de toute notion d’horaire : ils doivent travailler un nombre de jours conformément à ce qui est indiqué dans la convention de forfait. Ainsi, il n’y a donc pas d’heures supplémentaires car leur temps de travail n’est pas comptabilisé en heures mais en jours.

2) Comment sont-elles rémunérées ?

A défaut d’accord collectif contraire, le taux de majoration des heures supplémentaires est de 25% pour les 8 premières heures, puis 50% pour les heures suivantes (article L3121-36 du Code du travail). Pour autant, la convention collective ou un accord d’entreprise peut déroger, y compris dans un sens défavorable à cette règle, sous toute réserve de respecter une majoration minimale de 10% (article L3121-33 du Code du travail). Il convient de rappeler qu’il faut appliquer prioritairement l’accord d’entreprise s’il existe. A défaut d’accord d’entreprise, il conviendra alors de se reporter aux dispositions de la convention collective.

Enfin, ce n’est qu’en cas d’absence de dispositions collectifs, qu’il faut appliquer la loi. Les salariés ont donc tout intérêt à se renseigner sur les dispositions applicables dans leurs entreprises. Pour cela rien de plus simple, si l’entreprise est dotée d’un CSE, il est conseillé de se renseigner auprès de vos élus. S’il n’existe pas de CSE, il est alors conseillé de se rapprocher du service des Ressources Humaines, pour connaitre les accords applicables dans l’entreprise.

3) Peut-on bénéficier d’un repos à la place de cette rémunération majorée ?

Dans certaines structures, les heures supplémentaires font l’objet d’un repos compensateur.

En effet, la loi prévoit que par accord collectif, l’employeur et les délégués syndicaux peuvent négocier sur le remplacement de la majoration en salaire par un repos compensateur équivalent. Il s’agira ici d’analyser ce qui a été mis en place dans la structure ainsi que vérifier ce qui est prévu dans la convention collective.

A défaut d’accord, et de délégué syndical, un tel remplacement est possible par l’employeur sous toute réserve que le CSE ait été consulté et ne s’oppose pas à la mise en place d’un tel repos compensateur (article L3121-37 du Code du travail).

Ainsi, la mise en place d’un tel repos est subordonnée à :
- Un accord collectif quand il y a dans l’entreprise au moins un délégué syndical
- Une décision unilatérale avec l’accord du CSE dans les entreprises où il n’y a pas de délégué syndical : ici, c’est un vrai pouvoir de blocage du CSE. En effet, de manière dérogatoire, la loi prévoit que le CSE peut bloquer la décision de l’employeur sur la mise en place d’un tel repos compensateur. Bien entendu, l’idée pour le CSE est de s’imprégner du retour des salariés : si les salariés sont favorable à la mise en place d’un repos compensateur, il convient de suivre l’avis des salariés. A contrario, si les salariés sont défavorables à un tel projet, il reviendra à notre sens suivre l’avis des collaborateurs.

4) Un salarié peut-il refuser d’effectuer des heures supplémentaires ?

La réponse est non. En effet, le salarié ne peut pas refuser des heures supplémentaires, sauf abus de l’employeur. Contrairement à une idée reçue sur le sujet, le salarié doit effectuer les heures supplémentaires demandées par l’employeur : en d’autres termes, l’employeur peut imposer des heures supplémentaires sauf abus. Par ailleurs, le refus d’effectuer de telles heures a pu être considéré comme une faute professionnelle justifiant une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave (Cour de Cassation, 26 novembre 2003, n°01.43.140).

Pour autant, la jurisprudence admet que le salarié peut les refuser dans le cas où l’employeur commettrait un abus de droit : employeur qui préviendrait le salarié à la dernière minute et salarié qui aurait refusé exceptionnellement (Cour de Cassation, 20 mai 1997, n°94.43.653) ou encore absence de paiement de telles heures (Cour de Cassation, 7 décembre 1999, n°97.42.878). Il conviendra pour le salarié d’apporter la preuve d’un tel abus. En cas de difficultés avec l’employeur sur les heures supplémentaires, n’hésitez pas à relayer cette information à vos représentants du personnel ou d’en informer l’inspection du travail en cas d’abus.

5) Un salarié peut il décider unilatéralement de faire des heures supplémentaires ?

Par principe, c’est à l’employeur de demander aux salariés de faire des heures supplémentaires. La jurisprudence affirme en effet que seules les heures demandées par l’employeur ou effectuées avec son accord même implicite donnent lieu à majoration. La jurisprudence prévoit en outre que les heures supplémentaires doivent être majorées lorsque celles-ci ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié (Cour de Cassation, 14 novembre 2018, n°17.16.959).

Ainsi, le salarié ne peut pas décider unilatéralement de faire des heures supplémentaires, il lui faudra demander à son employeur ou apporter la preuve en cas de litige que celles-ci ont été nécessaires à la réalisation de ses missions. Ainsi, un salarié qui reste plus tard sans demande de l’employeur à son poste de travail ne pourra pas réclamer le paiement des heures passées...

Dans la pratique, certaines entreprises mettent en place une procédure spécifique pour les heures supplémentaires afin d’éviter des contentieux en la matière, si le salarié ne respecte par le process applicable, il ne peut donc prétendre à la qualification des heures en heures supplémentaires.

Il faut donc être méticuleux à ce sujet : renseignez-vous sur les procédures applicables dans l’entreprise pour éviter des problématiques à ce sujet ! Enfin, en cas de contentieux, il convient de garder une trace des heures effectuées pour appuyer votre demande.

Zaïna Abdool Raman Directrice Juridique et Pédagogique Success-Consulting par Conseil CE [->infos@success-consulting.fr]