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Indemnité maximale pour licenciement sans cause du barème Macron : elle s’exprime en brut. Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.
Parution : lundi 27 décembre 2021
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Dans un arrêt du 15 décembre 2021 (n°20-18782) (https://www.courdecassation.fr/decision/61b99380ef20f6a61afc3613), la Cour de cassation affirme d’une part que l’indemnité à la charge de l’employeur du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié s’exprime en brut et non en net, d’autre part, que l’indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de notification écrite des motifs qui s’opposent au reclassement et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas.

Faits et procédure.

Monsieur X a été engagé en qualité d’ouvrier d’expédition à compter du 1er mars 1989 par la société VICAT et occupait en dernier lieu les fonctions de contremaître de quai.

En arrêt maladie à compter du 22 novembre 2016, il a été déclaré inapte à son poste de travail à l’issue d’un examen réalisé par le médecin du travail le 22 janvier 2018 et a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 5 avril 2018.

Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale.
Après que le salarié ait obtenu gain de cause en appel, l’employeur a formé un pourvoi en cassation.

1) L’indemnisation maximale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s’exprime en brut et non en net.

a) Moyen.

L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu’aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux en mois de salaire brut ;

Qu’en condamnant la société Vicat à payer à M. [X], licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement le 5 avril 2018, la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, bien que le salarié ne pouvait prétendre, au regard de son ancienneté de vingt-neuf ans dans l’entreprise et au montant de son salaire brut au dernier état de 3 168,21 euros, qu’à une indemnité maximale de 63 364, 20 euros bruts, la cour d’appel a violé l’article L. 1235-3 du code du travail ».

b) Motivation de la Cour de cassation.

Dans son arrêt du 15 décembre 2021 (n° 20-18.782), la chambre sociale casse l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy au visa de l’article L. 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018.

La Haute juridiction rappelle que selon ce texte, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaires bruts.

Elle relève que pour condamner l’employeur à payer au salarié la somme nette de 63.364,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (3.168,21 euros par mois), de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l’entreprise et de l’effectif de celle-ci, il y a lieu de fixer le préjudice à la somme nette de 63.364,20 euros en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail.

Les juges de cassation affirment qu’en statuant ainsi, alors que le salarié ne pouvait prétendre, au regard de son ancienneté de vingt-neuf ans dans l’entreprise et au montant de son salaire brut de 3.168,21 euros, qu’à une indemnité maximale de 63.364,20 euros brut, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.

c) Analyse.

La solution adoptée par la chambre sociale dans le premier moyen de l’arrêt du 15 décembre 2021 n’est pas vraiment surprenante.
En effet, le tableau contenu dans l’article L. 1235-3 du Code du travail, le Barème Macron, précise dans ses colonnes « indemnité minimale (en mois de salaire brut) » et « indemnité maximale (en mois de salaire brut) ».

De fait, c’est la solution de la Cour d’appel de Nancy qui était surprenante.

Le barème prévoit ainsi une indemnité maximale de 20 mois de salaire brut pour un salarié ayant une ancienneté de 29 ans.

Le salarié de l’espèce ayant un salaire moyen de 3.168,21 euros bruts, l’indemnité pour licenciement sans cause est de :
20 x 3.168,21 = 63.364,20 bruts

2)Non-cumul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’indemnité pour défaut de notification écrite des motifs qui s’opposent au reclassement.

a) Moyen.

L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une somme nette à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’article L. 1226-2-1 du code du travail, alors « que l’indemnité pour absence de notification écrite, avant l’engagement de la procédure de licenciement, des motifs qui s’opposent au reclassement d’un salarié déclaré inapte à la suite d’une maladie non professionnelle, ne se cumule pas avec l’indemnité octroyée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu’en condamnant la société Vicat payer à M. [B] [X] la somme nette de 63 364,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de notifier par écrit avant l’engagement de la procédure de licenciement, les motifs qui s’opposaient au reclassement, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-2-1 du code du travail.
 »

b) Motivation de la Cour de cassation.

La Cour de cassation se fonde ici sur les articles L. 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 et L. 1226-2-1, alinéa 1er, du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Elle affirme que selon le premier de ces textes, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.

Aux termes du second de ces textes, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

Les juges de cassation en déduisent qu’il résulte de leur combinaison que l’indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de notification écrite des motifs qui s’opposent au reclassement et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas.

Pour condamner l’employeur à payer au salarié une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de notification écrite des motifs s’opposant à son reclassement, l’arrêt retient, après avoir condamné l’employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la formalité prévue à l’article L. 1226-2-1 du Code du travail qui doit intervenir avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, a été accomplie postérieurement à la première convocation à l’entretien préalable.

La Cour en conclut qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle pour défaut de notification écrite des motifs qui s’opposent au reclassement sont exclusives l’une de l’autre, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.

Dit autrement, la Cour d’appel ayant octroyé 63.364,20 euros au salarié au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle ne pouvait pas, en plus, lui octroyer une indemnité au titre du défaut de notification écrite des motifs qui s’opposaient à son reclassement.

c) Analyse.

L’article L. 4624-4 du Code du travail dispose qu’après « avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie une changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail.
L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur
 ».

Par ailleurs, en cas d’inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, l’employeur est tenu d’une obligation de reclassement à l’égard du salarié.

Cette obligation de reclassement, de moyen, est réputée satisfaite dès lors que l’employeur a proposé un autre emploi au salarié inapte dans les conditions de l’article L. 1226-2 du Code du travail.

L’article L. 1226-2-1 du Code du travail précise que lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un tel emploi au salarié, il lui fait connaitre par écrit les motifs s’opposant à son reclassement.

L’employeur doit procéder à cette information avant d’engager la procédure de licenciement.

A défaut, le salarié est en droit de demander une indemnité au titre de l’absence de notification écrite des motifs s’opposant au reclassement.

Parallèlement, le non-respect de l’obligation de reclassement en soi permet au salarié d’obtenir une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, la Cour de cassation affirme que ces deux indemnités sont exclusives et ne peuvent se cumuler.

A lire aussi : Prud’hommes : les condamnations sont en brut à défaut d’indication contraire (Cass. Soc. 3 juillet 2019).

Source :

Cass. Soc., 15 déc. 2021, n°20-18.782

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum