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Placement sous scellé, échantillonnage et pesée des produits stupéfiants. Par Charlotte Thominette, Avocate.
Parution : mardi 4 janvier 2022
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Lorsque des produits stupéfiants sont découverts au cours d’une enquête de police (procédure sous le contrôle du procureur de la République) ou d’une information judiciaire (procédure sous le contrôle du juge d’instruction), se posent les questions de leur placement sous scellé, de leur échantillonnage et de leur pesée.

En effet, la matière stupéfiante ayant vocation à être détruite, il convient de s’assurer de son authenticité en amont afin non seulement de garantir les droits de la défense, mais également d’éviter toute contestation lors de la phase de jugement. La méconnaissance du formalisme prévu par le Code de procédure pénale peut, dans certains cas, entrainer la nullité de la procédure.

Placement sous scellé des produits stupéfiants.

La Cour de cassation a rappelé que le placement sous scellés, qui constitue un moyen d’authentification des produits, n’est pas obligatoire et qu’en l’absence d’un tel placement, la preuve de la nature du produit est soumise au principe de la libre administration de la preuve posé par l’article 427 du Code de procédure pénale [1] [2].

Par ailleurs, si des produits stupéfiants devaient être placés sous scellés au cours d’une perquisition, l’inobservation des formalités procédurales en matière de perquisition, de saisie et de placement sous scellés « ne saurait entraîner de nullité de procédure lorsqu’aucune atteinte n’a été portée aux intérêts de la partie concernée » [3]. Il s’agit là d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation [4].

Echantillonnage des produits stupéfiants.

Le premier alinéa de l’article 706-30-1du Code de procédure pénale énonce : « Lorsqu’il est fait application des dispositions du quatrième alinéa de l’article 99-2 [5] à des substances stupéfiantes saisies au cours de la procédure, le juge d’instruction doit conserver un échantillon de ces produits afin de permettre, le cas échéant, qu’ils fassent l’objet d’une expertise. Cet échantillon est placé sous scellés ».

La Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que l’absence de conservation par le juge d’instruction d’un échantillon des produits stupéfiants fait nécessairement grief à la personne mise en examen [6]. Il s’agit d’une nullité d’ordre public, le grief étant présumé et n’ayant pas besoin d’être démontré.

Toutefois, et selon une interprétation littérale de l’article, ces dispositions ne sont applicables que dans le cadre d’une information judiciaire. L’échantillonnage de la matière stupéfiante n’est donc pas prévu dans le cadre d’une enquête de police [7].

Pesée des produits stupéfiants.

Les deux derniers alinéas de l’article 706-30-1 du Code de procédure pénale prévoit qu’ 

« il doit être procédé par le juge d’instruction ou par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à la pesée des substances saisies avant leur destruction. Cette pesée doit être réalisée en présence de la personne qui détenait les substances, ou, à défaut, en présence de deux témoins requis par le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire et choisis en dehors des personnes relevant de leur autorité. La pesée peut également être réalisée, dans les mêmes conditions, au cours de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire, ou, au cours de l’enquête douanière, par un agent des douanes de catégorie A ou B.
Le procès-verbal des opérations de pesée est signé par les personnes mentionnées ci-dessus. En cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal
 ».

Deux arrêts de principe de la Chambre criminelle de la Cour de cassation ont défini les conséquences de la méconnaissance des formalités ci-dessus [8].

Dans le cadre d’une instruction comme dans le cadre d’une enquête, la pesée des produits stupéfiants doit avoir lieu en présence de la personne qui détenait les substances ou, à défaut, en présence de deux témoins.

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 24 janvier 2007, la cocaïne appartenant au mis en examen avait été détruite alors que la pesée avait été effectuée hors sa présence et sans que deux témoins aient été requis par l’officier de police judiciaire pour y assister.

Devant la chambre de l’instruction, le concluant demandait l’annulation partielle du procès-verbal de pesée et du procès-verbal constatant la destruction de la cocaïne. La chambre de l’instruction refusait de faire droit à cette demande, considérant que

« si le poids du bloc de cocaïne ne peut être opposé à la personne mise en examen, il ressort cependant de la procédure des charges établissant qu’elle a détenu au moins 4,4 grammes, poids de l’échantillon prélevé en sa présence, sans observation de sa part, et extrait du bloc photographié, dont il appartiendra à la juridiction de jugement, au vu des éléments de la procédure, d’apprécier l’importance ».

La Chambre criminelle casse l’arrêt : la chambre de l’instruction a non seulement méconnu les textes mais s’est aussi contredite en refusant d’annuler le procès-verbal constatant la pesée effectuée hors la présence du demandeur tout en disant que le poids déterminé ne pourrait lui être opposé.

En effet, une pesée effectuée sans la présence du détenteur des produits ou de deux témoins n’est pas contradictoire et la destruction des produits stupéfiants met fin à toute possibilité d’authentifier la nature des produits dans le respect des droits de la défense.

Dans la seconde espèce, la pesée avait également été effectuée hors la présence du détenteur des substances ou de deux témoins. La chambre de l’instruction considérait que ces formalités n’étaient pas prescrites à peine de nullité et qu’il n’était invoqué aucun grief par le requérant. Les juges ajoutaient qu’au regard du premier alinéa de l’article 706-30-1 du Code de procédure pénale, la pesée ne devait avoir lieu qu’à la condition que les stupéfiants soient par la suite détruits, ce qui ne résultait pas du procès-verbal de pesée.

La Cour de cassation casse l’arrêt en commençant par un attendu de principe qui ne laisse plus place au doute : « en cas de non-respect (des) prescriptions (de l’article 706-30-1 du Code de procédure pénale) le grief de ladite personne résulte nécessairement de la destruction des substances stupéfiantes ».

Les Hauts magistrats précisent que la pesée doit être faite dans les règles en tout état de cause et peu important que le procès-verbal de pesée ne fasse pas ressortir l’intention des fonctionnaires de police de procéder ultérieurement à la destruction des stupéfiants.

Toutefois, pour que le détenteur des produits subisse un grief, il faut que ceux-ci soient effectivement détruits. Dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt, les substances avaient bien été détruites de sorte que la pesée, inopposable au mis en cause, lui faisait nécessairement grief.

Sans destruction des produits, pas de grief. C’est ce qu’a confirmé deux ans plus tard la Chambre criminelle [9] : « les prescriptions de l’article 706-30-1 ne sont applicables que dans le cas de pesée des substances saisies avant leur destruction, la cour d’appel a justifié sa décision ».

Enfin, notons que « la personne qui détenait les substances » à laquelle l’article 706-30-1 du Code de procédure pénale fait référence est la personne sur laquelle les substances ont été retrouvées et non pas la personne qui les lui remet [10].

Charlotte Thominette Avocate au Barreau de Paris [->cabinet.thominette@gmail.com]

[1Art. 427 : “Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction.
Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui”.

[2Crim.,11 décembre 2019, n°18-84.912.

[3Crim., 31 octobre 2017, n°17-80.872.

[4Crim., 17 septembre 1996, Crim., 15 juin 2000, Crim., 5 mars 2013, Crim., 18 novembre 2015.

[5Art. 99-2, alinéa 4 : “Le juge d’instruction peut également ordonner la destruction des biens meubles placés sous main de justice dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, lorsqu’il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou de nuisibles, ou dont la détention est illicite”.

[6Crim., 16 décembre 2020, n°20-83.377.

[7Crim.,11 décembre 2019, n°18-84.912, arrêt précité.

[8Crim., 24 janvier 2007, 06-88.351 et Crim., 31 octobre 2017, n°17-80.872.

[9Crim.,11 décembre 2019, 19-82.454, précité.

[10Crim., 9 janvier 2019, n°18-84.146.

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