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2022 : Régulation et crypto-actifs. Par Sarah Maubert Mendez, Avocat.
Parution : vendredi 7 janvier 2022
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Trois ans se seront bientôt écoulés depuis la publication du rapport de la mission d’information relative aux monnaies virtuelles. Le niveau de capitalisation des actifs numériques atteint aujourd’hui des records et les crypto-actifs de première génération ont été rapidement rejoints par de nouveaux actifs dont les caractéristiques ne cessent de surprendre.

Les stablecoins et les non-fungible tokens posent de nouvelles questions à un législateur qui préfère prendre son temps. Toutefois, la loi de finances pour 2022 a apporté des clarifications bienvenues qui ne manqueront pas d’éclairer les investisseurs.

Fin 2021, un nouveau rapport est venu dresser le bilan de l’évolution législative en matière de crypto-actifs.

Parmi les 27 propositions formulées en 2019, 11 ont été satisfaites et 5 le sont partiellement. La proposition n°8, soit l’élargissement du champ du report d’imposition aux apport de crypto-actifs, avait pourtant été suggérée lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2022. Le gouvernement a toutefois rejeté cette proposition, en soulignant une volonté d’harmoniser au fur et à mesure, sans précipitation.

Même combat et même issue pour la proposition n°10, qui visait à aligner le régime fiscal applicable aux actions de jetons gratuits sur le régime applicable aux attributions d’actions gratuites. Malgré un rejet, ces propositions ont néanmoins permis d’ouvrir un débat qui est loin d’être refermé. Le rapport de 2021 souligne d’ailleurs bien qu’il est à terme “inévitable de rapprocher le monde des actifs numériques de la sphère réelle, en permettant à l’argent investi dans les crypto-actifs de bénéficier à l’économie réelle”.

Une des propositions du rapport a toutefois été suivie par le projet de loi de finances pour 2022 et doit être soulignée et saluée. La proposition n°4 recommandait une clarification de la notion d’activité exercée à titre “habituel” dans la doctrine fiscale, afin de mieux distinguer les gains réalisés à titre occasionnel et ceux réalisés à titre professionnel.

L’Assemblée nationale, au cours du processus législatif, a suivi ces recommandations en adoptant une modification de l’article 92 du Code Général des Impôts. Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2023 (les opérations réalisées avant cette date restant soumises au régime actuel), la loi prévoit désormais un alignement des critères permettant de qualifier de “professionnel” l’exercice d’une activité d’achat et de vente d’actifs numériques sur ceux existant en matière boursière.

Ainsi, les plus-values réalisées dans le cadre professionnel relèveront désormais de la catégorie des bénéfices non commerciaux (“BNC”), et non plus des bénéfices industriels et commerciaux (“BIC”) comme c’est le cas aujourd’hui. Par ailleurs, les plus-values réalisées en dehors de ce cadre professionnel seront soumises à un taux forfaitaire de 12,8% (pour l’impôt sur le revenu) tout en pouvant, sur option, être soumises au barème progressif. Le législateur permet ici une harmonisation cohérente entre les activités de trading plus traditionnelles et ce qui est rendu possible dans le monde des crypto-actifs.

Une clarification bienvenue qui fait écho au constat suivant : sous l’ancien régime, certains particuliers encourent d’ores et déjà des requalifications du fait du grand nombre d’opérations réalisées. Avec l’apport de la loi de finances, la fréquence des opérations et le montant des gains ne permettront plus seulement de qualifier l’utilisateur de “professionnel”. Une sécurisation des conséquences fiscales de votre hobby du dimanche est donc désormais envisageable.

Le rapport de 2021 souligne bien évidemment les nouveaux enjeux réglementaires posés par l’évolution supersonique du marché. Le rapport rappelle que le régulateur doit aujourd’hui maintenir une position équilibrée, en encourageant les innovations, tout en protégeant investisseurs et porteurs. Mais cette position doit également tenir compte de celle des autres régulateurs. Une question ministérielle a été posée en ce sens le 14 décembre 2021 suite à la mise en place de la “Ley Bitcoin” au Salvador. La reconnaissance par ce pays de la qualité de monnaie à l’actif numérique chamboule les visions des autres pays.

En effet, le bitcoin ne répond dès lors plus à la qualification des actifs numériques puisqu’il a désormais le statut juridique d’une monnaie. Il est alors indispensable aux autres pays de se positionner et de déterminer l’attitude à adopter face aux qualifications extérieures pour éviter toute insécurité juridique aux investisseurs.

Pour conclure, cette nouvelle année 2022 sera certainement propice à de nouvelles précisions réglementaires, le régulateur n’étant pas réfractaire à ces dernières, mais souhaitant tout de même prendre son temps pour harmoniser. En matière de fiscalité également, rien ne sert de courir, il faut réguler à point.

Sarah Maubert Mendez Avocat Fiscaliste