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Mettre l’engagement écologique au coeur du métier de juriste : rencontre avec Alice Elfassi de Zero Waste France.
Parution : vendredi 7 janvier 2022
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C’est un des thèmes phares du Village de la Justice pour 2022 : l’environnement, évoqué dès le 3 janvier dans notre calendrier de l’Après.
Dans cette optique, parler d’une association de défense de l’environnement au travers de son responsable juridique nous paraissait évident. Nous avons choisi Zero Waste France [1]. Créée en 1997, menée par une équipe de 11 personnes, ses membres militent pour "la réduction des déchets et une meilleure gestion des ressources" dans le cadre "d’une transition écologique globale, du respect des droits humains et d’une meilleure prise en compte des populations les plus défavorisées et des générations futures."
Comment Alice Elfassi, sa responsable des affaires juridiques, perçoit le rôle du juriste dans une structure associative militante, c’est ce que nous avons cherché à savoir.

En tant que juriste comment intervenez-vous au sein de l’association Zero Waste France ? Diriez-vous que vous êtes une juriste "engagée" ?

Alice Elfassi : « En tant que juriste de l’association Zero Waste France, j’ai trois missions principales :
- la coordination de la stratégie contentieuse et le suivi des recours en justice de l’association, souvent (mais pas toujours) en lien avec un avocat ;
- la contribution au plaidoyer de l’association, pour que nos propositions d’évolutions des textes législatifs et réglementaires concernant les déchets et le gaspillage soient à la fois ambitieuses écologiquement et cohérentes juridiquement ;
- l’appui juridique aux associations et collectifs locaux dans leurs luttes pour la réduction des déchets et du gaspillage.

"L’engagement écologique est donc au cœur de mon métier de juriste."

L’engagement écologique est donc au cœur de mon métier de juriste, et la particularité de l’exercice de ce métier en association environnementale est effectivement de pouvoir être pleinement une juriste engagée. »

V.J : Comment plus largement les professionnels du droit peuvent-ils être acteurs en ce domaine ? Qu’attendez-vous d’eux ?

A.E : « Pour orienter leur carrière vers l’engagement écologique et la défense des intérêts environnementaux, il est crucial que les professionnels du droit connaissent bien les textes et les mécaniques réglementaires mais aussi les enjeux techniques, économiques et sociaux qui sont souvent au cœur des thématiques environnementales.

On ne peut qu’espérer que dans les années à venir, les professionnels du droit soient de plus en plus nombreux à se spécialiser dans les différents domaines du droit de l’environnement, pour accompagner l’ensemble des acteurs économiques et publics vers des pratiques plus vertueuses. »

V.J : Le droit de l’environnement est-il enfin devenu un "marché" et une possibilité de carrière pour les juristes et avocats ?

"Les réglementations environnementales se sont considérablement densifiées et complexifiées."

A.E : « Oui sans aucun doute, le droit de l’environnement est actuellement un vrai marché. Ces dix dernières années, le droit de l’environnement a pris beaucoup d’ampleur, les réglementations environnementales se sont considérablement densifiées et complexifiées, ce qui amène bon nombre d’entreprises (et surtout les plus grandes d’entre-elles) et d’administrations publiques à recourir au conseil juridique d’avocats et/ou de juristes spécialisés. Cependant, pour les juristes qui souhaitent exercer le droit de l’environnement de façon militante et notamment au sein du secteur associatif, il peut être plus difficile de s’insérer professionnellement. »

V.J : Quel droit de l’environnement appelez-vous de vos vœux ? incitatif ? punitif ? Quelles grandes réformes vous paraissent urgentes et cruciales ?

A.E : « Malheureusement, les mécanismes incitatifs sont souvent insuffisants pour faire changer les pratiques des acteurs économiques et industriels, et le droit de l’environnement se doit d’être contraignant et notamment punitif pour maximiser son respect et répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grandissants qui sont ceux de notre époque.

Force est de constater qu’encore aujourd’hui une grande partie du droit de l’environnement n’est pas suffisamment respectée, et l’enjeu est avant tout celui des moyens financiers et humains de l’Administration pour contrôler efficacement son respect, les infractions environnementales étant malheureusement trop peu prises au sérieux.

"Les infractions environnementales sont malheureusement trop peu prises au sérieux."

Une réforme qui me semble cruciale serait celle de la démocratie participative environnementale, qui malgré une réglementation très étoffée (et complexe !) dans le Code de l’environnement, ne permet pas la prise en compte effective des attentes citoyennes dans la prise de décision publique concernant les projets industriels et les réglementations. »

V.J : Que pensez-vous de la création des pôles spécialisés dans les juridictions ?

A.E : « Je pense que c’est judicieux que des chambres soient spécialisées dans la protection de l’environnement au sein des juridictions, afin que les magistrats qui en font partie puissent être davantage formés au droit de l’environnement et aux enjeux environnementaux plus globalement, notamment sur leurs aspects scientifiques et techniques. »

Interview d'Alice Elfassi par Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice.