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Ma plainte est classée sans suite, que puis-je faire ? Par Stéphanie Olson, Avocat.
Parution : mardi 11 janvier 2022
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Vous avez déposé plainte pour des faits d’abandon de famille, de harcèlement, de violences morales, sexuelles ou physiques, pour escroquerie ou vol ?
Vos plaintes restent lettre morte, vous n’avez pas de nouvelles depuis des semaines, des mois. Vos plaintes sont classées sans suite.

Si vous n’avez reçu aucune réponse pour donner suite à votre plainte dans les 3 mois suivants le dépôt, on peut présumer qu’elle a été classée sans suite ou vous avez reçu un courrier vous notifiant le classement sans suite du Procureur.

Cela vous ouvre le droit de saisir directement le Tribunal ou le Doyen des juges d’instruction pour " forcer " les poursuites.

Si vous êtes victime d’un crime, la seule voie qui vous sera ouverte sera la plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des Juges d’Instruction.

Si vous êtes victime d’un délit, les deux possibilités vous sont ouvertes : citation ou plainte auprès du juge d’instruction.

Dans le cadre d’une citation directe, il n’y aura aucune enquête complémentaire, le dossier sera jugé " tel qu’il est " par le Tribunal.
Dans le cadre d’une plainte auprès du juge d’instruction, une enquête sera menée par lui, et il décidera à la fin de l’enquête s’il y suffisamment d’éléments pour renvoyer le dossier devant un tribunal correctionnel ou une Cour d’assises.
Mais avant d’entamer une de ces deux procédures, il faudra déjà regarder les motifs du classement.

Analyser les raisons du classement sans suite.

Un dossier de plainte peut être classé sans suite pour plusieurs raisons.

1/ Le Procureur de la République a pu considérer que les éléments qui constituent l’infraction ne sont pas réunis. Ou que la plainte ne relève pas du domaine pénal.

Si vous déposez plainte car vous êtes en litige avec un commerçant ou votre employeur, cela ne relève pas forcément du droit pénal, mais du droit civil.

Les faits dont vous pouvez être victime relèvent du terrain civil. Cela ne veut pas dire qu’aucune action n’est possible, il faudra saisir les juridictions civiles ou prud’homales directement.

2/ Votre plainte a pu aussi être classée car bien qu’elle relève du droit pénal, elle n’est pas suffisamment caractérisée. Cela signifie que l’infraction " existe " mais qu’elle n’est pas pour autant "prouvée". Cela peut être le cas par exemple, pour une agression dont vous auriez été victime. Vous déposez plainte, mais vous n’avez fourni aucun élément de preuve, hormis vos propres déclarations (pas de certificats médicaux, de témoins, de photographies, de sms ?)

Vous déposez plainte par exemple, car votre voisin vous aurait mis une gifle dans le hall de votre immeuble et vous aurez insulté.

Vous déposez plainte, mais aucun témoin ne peut corroborer vos propos, il n’y a pas de caméras de vidéosurveillance dans le hall, le mis en cause nie en bloc, vous êtes confrontés, et chacun reste sur sa position, vous n’avez aucune trace de cette agression (photo, enregistrement, certificat médical). Cette plainte pourrait être classée sans suite faute d’élément probant.

3/ Votre plainte a aussi pu être classée sans suite car les faits sont prescrits, cela signifie qu’ils sont désormais trop anciens pour être poursuivis. Le délai de prescription est de 1 an pour les contraventions, 6 ans pour les délits et 20 ans pour les crimes.

Si vous êtes victime d’une infraction pénale et que les faits ne sont pas prescrits, vous pouvez utiliser deux moyens pour que des poursuites soient mis en oeuvre contre le ou les auteurs de l’infraction, malgré le classement sans suite qui vous a été notifié ou face à l’inertie du commissariat en charge de votre dossier.

La plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction.

La plainte peut être déposée contre une personne déterminée, mais également lorsqu’on ne connait pas l’auteur des faits (plainte contre X)

La plainte avec constitution de partie civile doit être adressée au doyen des juges d’instruction. Cette plainte prend la forme d’un courrier recommandé reprenant l’ensemble des faits, et auquel sera joint obligatoirement un récépissé de la plainte précédemment déposée ou bien l’avis de classement sans suite.

Il est fortement conseillé de joindre immédiatement toutes les pièces utiles à la constitution de votre dossier et de les lister (mains courantes, plaintes antérieures, attestations de témoins, photographies, sms, mail, courrier, relevés téléphoniques, enregistrements etc.) et de relater les faits avec précision et de manière chronologique.

Après le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, le doyen des juges d’instruction demande au plaignant de verser une somme d’argent que l’on appelle consignation.

La consignation est fixée en fonction des revenus du plaignant. Cette consignation garantie le paiement d’une amende si la plainte que vous avez déposée se révélait abusive. Si les faits ont été inventés, sont mensongers ou clairement proférés dans le but uniquement de nuire à quelqu’un.

A la fin de l’instruction, que le dossier aboutisse à un procès ou non, cette consignation sera rendue au plaignant.

En tout état de cause, le juge d’instruction saisie d’une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d’instruire, quelles que soient les réquisitions du Ministère public. Cette obligation de mener une "enquête" ne cesse que si les faits dénoncés ne relèvent pas du droit pénal ou si les faits sont prescrits.

Le juge d’instruction après avoir reçu votre courrier et après avoir lu les réquisitions du Procureur de la République va donc décider de soit :

- Rendre une ordonnance de refus d’informer et la procédure s’arrête là.

- Ouvrir une information judiciaire

S’il ouvre une information judiciaire, il va mener le " travail " des enquêteurs de police, il vous convoquera pour être entendu, il convoquera la personne mis en cause, il mènera différentes investigations (analyse de la téléphonie, audition de témoins, expertises, perquisitions etc.)

A la fin de l’information, il pourra décider de rendre une ordonnance de non-lieu ou demander que le dossier soit jugé par un tribunal correctionnel ou une cour d’assises.

La citation directe.

Lorsqu’une plainte a été classée sans suite, la citation directe permet à un plaignant de citer directement l’auteur présumé des faits devant un tribunal correctionnel ou un tribunal de police.

La citation directe est possible pour tous délits, mais pas pour les crimes (par exemple pour un viol)

Aucun juge d’instruction ne sera saisi et l’affaire et il n’y aura pas d’enquête plus approfondie de la Police, l’affaire sera jugée en l’état.

Il est fortement conseillé de prendre un avocat afin de rédiger la citation directe et de joindre toutes les pièces probantes afin de demander la condamnation de l’auteur de l’infraction et une indemnisation de votre préjudice.

La rédaction de la citation directe peut être assez " complexe " et en cas d’erreur ou d’omission dans la citation, cette dernière sera irrecevable.

La citation directe sera délivrée par un huissier de justice à la partie adverse.

La victime doit obtenir la date de l’audience auprès du Tribunal avant de citer, car le lieu, l’heure et la date de l’audience doivent être indiqués clairement sur la citation.

C’est durant les débats devant le Tribunal que tous les éléments seront examinés, vous serez évidemment entendu et la défense également (auteur présumé des faits).

La personne mise en cause peut demander une copie du dossier au tribunal ou le consulter sur place, il peut évidemment prendre un avocat pour se défendre et l’assister.

Il peut être demandé avant et pendant l’audience par la défense (mis en cause) ou la partie civile (victime) tout acte qu’elles estiment nécessaire à la manifestation de la vérité (Une expertise, une audition de témoin etc.) mais le tribunal n’est pas tenu d’y faire droit, les parties peuvent solliciter des actes, mais cela peut être refusé par le juge. Le dossier sera alors examiné sur la base exclusivement de votre citation, des pièces que vous aurez communiquées et des pièces évidemment de la défense.

A la fin de l’audience, le tribunal rend sa décision :

- Il condamne l’auteur qui est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés. Il est sanctionné par une amende, une peine de prison ferme ou avec sursis, à une injonction de soins etc et la partie civile est indemnisée du préjudice subi et le prévenu est alors condamné à vous verser des dommages et intérêts.

- Le prévenu est relaxé, il est " innocent ", et la victime peut être condamnée à une amende pouvant atteindre 15 000 euros s’il s’avère que la citation était abusive.

Stéphanie Olson au Barreau de Paris 17, rue de Chéroy 75017 Paris [->olson.avocat@gmail.com]
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