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Votre ex-employeur ne vous délivre pas votre attestation Pôle emploi, que faire ? Par Arthur Tourtet, Avocat.
Parution : vendredi 14 janvier 2022
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Qui dit rupture du contrat de travail dit délivrance d’une attestation Pôle emploi.
Pas d’attestation Pôle emploi, pas d’indemnités chômage et les factures impayées qui s’accumulent.

Sauf à ce que vous possédiez le patrimoine de Monsieur Lagardère, vous ne pouvez pas vous dispenser d’une indemnisation par Pôle emploi lorsque cette dernière est due.

Comment faire lorsque l’employeur refuse de vous délivrer l’attestation Pôle emploi ?

1. Allez récupérer votre attestation Pôle emploi auprès de votre ex-employeur.

L’attestation Pôle emploi est quérable et non portable [1].

Cela signifie que l’employeur n’est pas obligé de vous l’envoyer. Il doit seulement la tenir prête afin que vous puissiez venir la chercher.

Inutile de paniquer si vous ne recevez pas votre attestation par la poste. Cela peut s’expliquer par le fait que votre ancien employeur souffre de radinerie au point de vouloir économiser les frais d’affranchissement d’une lettre recommandée.

Par contre, si vous ne tentez pas de récupérer votre attestation Pôle emploi, non seulement cela va retarder l’indemnisation de vos périodes de chômage, mais de surcroît, vous prenez le risque de ne plus pouvoir demander des dommages et intérêts au titre de la délivrance tardive de ce document [2].

Bien entendu, prévenez par écrit votre ex-employeur de la date et de l’heure à laquelle vous comptez récupérer votre attestation. Gardez toujours une trace de votre passage.

Essayez de venir accompagné afin qu’une personne puisse témoigner d’un éventuel refus de délivrance de l’attestation Pôle emploi. Si vous en avez les moyens, vous pouvez vous faire accompagner par un huissier de justice, dont le constat aura une forte valeur.

2. Si votre employeur refuse de vous délivrer une attestation Pôle emploi, vous devez le mettre en demeure.

Avant de songer à une action en justice, écrivez une lettre de mise en demeure. De préférence, par lettre recommandée.

En effet, l’employeur n’a aucune raison de vous refuser l’accès à votre attestation Pôle emploi. Au contraire, il a tout intérêt à immédiatement régulariser votre situation.

Dans cette lettre de mise en demeure, vous devez demander solennellement à votre ancien employeur de vous délivrer votre attestation Pôle emploi dans un certain délai et vous pouvez évoquer l’éventualité d’une saisine du Conseil de prud’hommes s’il ne s’exécute pas dans les temps.

En toute hypothèse, la mise en demeure doit rappeler qu’en application de l’article R1234-9 du Code du travail, l’employeur est tenu de délivrer une attestation Pôle emploi dans tous les cas de rupture du contrat de travail. Même si vous avez été licencié pour une faute grave ou une faute lourde.

Cette attestation Pôle emploi doit encore être conforme à la réalité et ne pas comporter des erreurs pouvant causer un préjudice à vos droits.

De plus, vous pouvez aussi préciser qu’un retard dans la délivrance d’une attestation Pôle emploi peut faire l’objet d’une réparation devant le Conseil de prud’hommes en fonction du préjudice subi [3].

Attention, une mise en demeure n’est pas une lettre de menaces. Vous devez absolument éviter les propos grossiers ou excessifs. Adoptez le style le plus neutre possible et exposez calmement vos droits et les faits.

Si vous ne savez pas comment vous y prendre, n’oubliez pas que les avocats ont l’habitude de rédiger des lettres de mise en demeure.

Mieux, une lettre de mise en demeure rédigée par un tel professionnel aura plus de chances d’être prise au sérieux et d’atterrir dans les mains de l’avocat défendant les intérêts de votre ancien employeur.

Cet avocat adverse pourra peut-être trouver les mots qui convaincrons votre ancien patron de respecter ses obligations [4].

3. Saisissez le Bureau de Conciliation et d’Orientation (BCO) du Conseil de prud’hommes dans le cadre d’une procédure au fond.

On a l’habitude d’entendre qu’il faut saisir la formation de référé du Conseil de prud’hommes en l’absence de délivrance de l’attestation Pôle emploi.

Vous pouvez effectivement passer par cette procédure lorsque l’absence de délivrance de votre attestation relève de l’évidence.

Mais pour plusieurs raisons, il est parfois plus intéressant de passer par la procédure normale au fond et de saisir le Bureau de Conciliation et d’Orientation (BCO).

En premier lieu, le BCO peut vous délivrer provisoirement un substitut à l’attestation Pôle emploi.

En effet, L’article R1454-14 du Code du travail prévoit que le BCO peut prendre une décision provisoire qui fera office d’attestation Pôle emploi.

Cette décision devra mentionner les mêmes informations présentes sur l’attestation Pôle emploi. Il vous sera nécessaire de fournir tous les éléments permettant au BCO de délivrer une décision qui ne posera aucun souci pour faire valoir vos droits au chômage (notamment concernant le motif de la rupture de votre contrat, votre ancienneté, le montant de vos rémunérations, etc.).

Le BCO peut débloquer rapidement votre situation vis-à-vis de Pôle emploi, même si l’employeur refuse de vous délivrer une attestation.

En second lieu, Le BCO peut ordonner à l’employeur de délivrer votre attestation Pôle emploi sous astreinte.

L’astreinte vise à faire pression sur une personne condamnée afin qu’elle exécute une obligation mise à sa charge par une décision de justice.

Il s’agit le plus souvent d’une somme d’argent (le taux d’astreinte) due par jour de retard.

Plus la personne condamnée va tarder à exécuter l’obligation assortie d’une astreinte, plus la somme totale pouvant être due va être importante.

Dire que ce mécanisme est incitatif relèverait presque de l’euphémisme !

La personne condamnée dispose d’un certain délai pour s’exécuter [5].

Ensuite, l’astreinte doit être liquidée. Tant que la liquidation n’est pas intervenue, la personne condamnée au titre de l’astreinte n’a pas à payer les sommes d’argent qui se sont accumulées du fait de son retard. Néanmoins, une astreinte non liquidée peut justifier la mise en œuvre d’une mesure conservatoire, comme une mise sous séquestre ou une saisie-conservatoire par exemple [6].

Aux termes de l’article L131-1 du Code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en réserve expressément le pouvoir.

Si le Conseil de prud’hommes n’a toujours pas tranché votre litige, vous pouvez donc demander la liquidation de l’astreinte auprès du BCO [7] ou du Bureau de jugement si votre affaire est renvoyée devant ce dernier.

Dans le cas contraire, vous n’aurez pas d’autre choix que de saisir le juge de l’exécution, sauf si le Conseil de prud’hommes a expressément mentionné dans sa décision qu’il sera compétent pour liquider l’astreinte.

Pour précision, une astreinte peut être soit provisoire, soit définitive.

Lorsque l’astreinte est provisoire, elle est liquidée en tenant compte du comportement du débiteur ainsi que des difficultés rencontrées par ce dernier pour s’exécuter.

Dans le cadre d’une astreinte définitive, le taux d’astreinte ne peut pas être modifié.

Toutefois, une astreinte définitive ne peut être prononcée qu’à des conditions strictes. Elle ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Autrement, l’astreinte est provisoire par défaut.

L’astreinte, qu’elle soit provisoire ou définitive, peut être supprimée si l’obligation assortie de ladite astreinte n’a pas été exécutée pour une cause étrangère.

Dernière précision qui a son importance, une astreinte liquidée est distincte de dommages et intérêts. Les deux sont parfaitement cumulables.

En troisième lieu, devant le Bureau de jugement dans le cadre d’une procédure au fond, vous pourrez également demander des dommages et intérêts.

Si vous saisissez la formation de référé, vous ne pouvez pas solliciter des dommages et intérêts mais une provision [8].

Il est assez rare que cette provision soit égale au montant des dommages et intérêts que vous souhaitez réclamer, ce qui vous obligera à saisir de nouveau le Conseil et au fond afin d’obtenir une réparation intégrale.

Autant donc saisir directement en une seule fois le Conseil de prud’hommes

Toutefois, soyez en mesure de démontrer l’existence d’un préjudice car en l’absence de preuve en ce sens, votre future demande de dommages et intérêts pourrait ne pas prospérer [9].

Ces dommages et intérêts peuvent grandement varier en fonction des situations.

Voici quelques exemples de dommages et intérêts attribués pour retard ou refus de délivrance d’une attestation Pôle emploi :
- 3 000 euros pour deux mois de retard [10] ;
- 4 000 euros pour deux ans de retard [11] ;
- 10 000 euros pour un absence de délivrance d’une attestation rectifiée à la hausse concernant les rémunérations perçues [12].

Arthur Tourtet Avocat au Barreau du Val d\'Oise

[1Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-27.028

[2CA Douai, 29 mai 2019, n° 17/00494.

[3Cass. soc., 22 mars 2017, n° 16-12.930.

[4Il faut préciser qu’une lettre de mise en demeure rédigée par un avocat doit toujours rappeler à son destinataire la possibilité de ce dernier de consulter un avocat et l’inviter à lui faire connaître le nom de son conseil (RIN art. 8.2).

[5Au minimum, à compter du jour où la décision est devenue exécutoire (CPC exéc., art., R131-1).

[6CPC exéc., art., R131-3.

[7Le BCO peut seulement liquider les astreintes à titre provisoire (C.trav. R1454-15).

[8Cass. soc. 12 février 2014, n° 11-27.899.

[9CA Bastia, 05 février 2020, n° 18/00367.

[10CA Bourges, 10 septembre 2021, n° 19/00756.

[11CA Aix-en-Provence, 09 juillet 2020, n° 17/20300.

[12CA Chambéry, 26 mai 2016, n° 15/02088.

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