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Contenu impératif de la convention de forfait en heures. Par Myriam Adjerad et Clara Galdeano, Avocats.
Parution : mardi 18 janvier 2022
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Tel que rappelé récemment par la Cour de cassation, « la seule fixation d’une rémunération forfaitaire, sans que ne soit déterminé le nombre d’heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait » [1].

Si la durée du travail peut être forfaitisée notamment en heures, selon un forfait hebdomadaire, mensuel ou annuel, une convention individuelle de forfait doit être établie par écrit et faire l’objet de l’accord du salarié [2].

La convention en heures sur la semaine ou sur le mois peut être conclue avec tout salarié.

En revanche, la convention de forfait en heures sur l’année, ne peut concerner que les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés, ou bien les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps [3].

La rémunération des salariés soumis à une convention de forfait en heures doit être « au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée, le cas échéant, si le forfait inclut des heures supplémentaires, des majorations » d’heures supplémentaires [4].

Pour cela, la convention individuelle de forfait doit-elle préciser le nombre d’heures inclus dans la rémunération forfaitaire versée au salarié ?

Naturellement, oui.

D’une part, pour les conventions de forfait en heures sur l’année, sur le fondement de l’article L3121-64 I 5° qui impose aux accords collectifs de déterminer le contenu des conventions individuelles qui doivent « fixer le nombre d’heures […] compris dans le forfait ».

D’autre part, quel que soit le référentiel retenu, en application de la jurisprudence constante, rappelée par un arrêt du 15 décembre 2021 [5].

Dans cet arrêt, la Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel de Douai, qui a considéré que la rémunération versée devait être considérée comme rétribuant la durée légale du travail et a octroyé un rappel d’heures supplémentaires au salarié en l’absence de précision du nombre d’heures supplémentaires entrant dans la rémunération [6].

Le contrat précisait en l’espèce que « la présente rémunération a un caractère forfaitaire » sans précision complémentaire, et que la rémunération couvrait tous les aspects de l’exercice de l’activité, quel que soit le temps qui y est consacré. Ceci n’était pas suffisant.

La position de la Cour de cassation est des plus claires : en l’absence de précision du nombre d’heures supplémentaires inclus dans la rémunération forfaitaire, aucune convention de forfait ne peut être caractérisée [7].

Les conventions individuelles de forfait ne sont pas valablement conclues dans ces conditions et l’employeur peut être condamné à verser diverses sommes à titre de rappel de salaires voire au titre de repos compensateur.

La rédaction de la convention individuelle de forfait en heures, appelle à la plus haute précision et rigueur, au même titre que pour le forfait-annuel en jours.

Il est par ailleurs rappelé que le bulletin de salaire doit mentionner la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés dont la rémunération est déterminée sur la base d’un forfait en heures (hebdomadaires, mensuel ou annuel) [8].

Pour corriger cette éventuelle irrégularité, un avenant à la convention individuelle de forfait semble indispensable.

A défaut, qui peut contester cette irrégularité ?

Le salarié.

L’action d’un syndicat professionnel, qui ne peut agir en justice que lorsqu’un préjudice est porté à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente [9], est quant à elle exclue.

Un syndicat professionnel sollicitant l’inopposabilité des conventions individuelles de forfait doit être débouté de ses demandes, celles-ci n’ayant pas pour objet la défense de l’intérêt collectif de la profession [10]. Cette jurisprudence rappelée très récemment en matière de forfait-jours, est identique s’agissant des conventions individuelles de forfait en heures [11].

Myriam Adjerad Clara Galdeano Adjerad Avocats, Avocats au Barreau de Lyon [->contact@adjeradavocats.fr] https://www.linkedin.com/company/adjerad-avocats/

[1Cass. soc., 15 déc. 2021, n° 15-24.990.

[2Art. L3121-53 à L3121-55 c. trav.

[3Art. L3121-56 c. trav.

[4Art. L3121-57 c. trav.

[5Cass. soc., 26 nov. 2002, n° 01-40.360 ; Cass. soc., 4 déc. 2019, n° 18-15.963 ; Cass. soc., 15 déc. 2021, n° 15-24.990.

[6CA Douai, 18 mai 2015, n° 14/06590.

[7Cass. soc., 15 déc. 2021, n° 15-24.990.

[8Art. R3243-1 c. trav.

[9Art. L2132-3 c. trav.

[10Cass. soc., 15 déc. 2021, n° 19-18.226.

[11Cass. soc., 14 déc. 2016, n° 15-20.812.