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Réforme justice pénale des mineurs : qu’est-ce qui a changé ? Par Céline Cabaud, Avocate.
Parution : mardi 18 janvier 2022
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Evoquée depuis une dizaine d’années, la réforme de la justice des mineurs est entrée en vigueur le 30 septembre 2021 et a procédé à une refonte de l’ordonnance de 1945 jusqu’ici applicable.
C’est une véritable évolution du fonctionnement de la justice pénale des mineurs qui a été prévue afin d’apporter une réponse éducative plus efficace que celle proposée antérieurement.

En effet, les délais de jugement sont désormais encadrés dans le temps et la primauté de l’éducatif a été réaffirmée par la création d’une nouvelle procédure dite de mise à l’épreuve éducative.

Instauration d’une procédure pénale en trois temps et refonte des mesures éducatives.

Ce nouveau principe suit un déroulé entre trois temps, dont le point de départ est l’acte de poursuite (c’est-à-dire la convocation du mineur devant la juridiction ou le procès-verbal de déferrement).

La phase de mise en examen devant le Juge pour enfants est supprimée et le délai entre cet acte de poursuite et l’audience de culpabilité est désormais strictement encadré et compris entre 10 jours et 3 mois.

1. L’audience sur la culpabilité.

La juridiction saisie, que ce soit le tribunal pour enfants ou le juge des enfants, statue dans un premier temps sur la culpabilité du mineur.

Si le mineur est reconnu coupable, la juridiction :
- Ordonne l’ouverture d’une période de mise à l’épreuve éducative en fixant les mesures auxquelles sera soumis le mineur ;
- Fixe la date de la prochaine audience ; date qui devra être comprise dans un délai de 6 à 9 mois.

La période de mise à l’épreuve éducative est donc par la suite mise en place jusqu’à l’audience de prononcé de sanction.

2. La période de mise à l’épreuve éducative.

La période de mise à l’épreuve éducative correspond à une période d’observation du mineur qui peut comporter des mesures éducatives et des mesures de sûreté.

Peuvent ainsi être prononcés :
- Une expertise médicale ou psychologique du mineur ;
- Une mesure judiciaire d’investigation éducative (enquête pouvant porter sur les antécédents du mineur, son rapport à l’école, son développement psychologique, son environnement familial etc.) ;
- Une mesure éducative judiciaire provisoire (avec ou sans module, avec ou sans obligation ou interdiction) ;
- Un contrôle judiciaire ;
- Une assignation à résidence sous surveillance électronique.

Elle a pour objectif d’approfondir la connaissance de la personnalité et de l’environnement du mineur afin de permettre la mise en place d’un travail éducatif adapté.

A l’issue de cette période, un rapport éducatif est transmis à la juridiction avant l’audience ce qui permettra de donner un éclairage sur l’évolution du mineur au cours des derniers mois.

3. L’audience de prononcé de sanction.

Les nombreuses mesures et sanctions éducatives que prévoyait l’ordonnance du 2 février 1945 ont été profondément modifiées.

En effet, seules deux mesures éducatives distinctes existent désormais :
- L’avertissement judiciaire qui fusionne les anciens avertissement solennel,
admonestation et remise à parent ;
- La mesure éducative judiciaire qui fusionne les anciennes mesures de suivi éducatif (liberté surveillée préjudicielle, réparation pénale, placement, mise sous protection judiciaire etc.).

Une attestation de réussite éducative est également créée et peut être prononcée lorsque le mineur, durant la période de mise à l’épreuve éducative, a respecté les obligations qui lui ont été imposées et a accomplis des progrès pour améliorer sa situation.

Zoom sur les mesures éducatives judiciaires.

Ces mesures peuvent être prononcées à titre de sanction - ce sont les mesures éducatives judiciaires - mais également en amont, lors de l’audience sur la culpabilité - ce sont les mesures éducatives judiciaires provisoires.

Si différentes mesures coexistent, elles disposent toutes d’un socle commun tenant à l’objectif d’évaluation de la situation du mineur et à son accompagnement individualisé en associant ses responsables légaux.

A ce socle commun, peuvent être ajoutés différents modules :
- Le module d’insertion consistant en une orientation du mineur vers une prise en charge scolaire ou visant à son insertion sociale, scolaire ou professionnelle, adaptée à ses besoins ;
- Le module réparation se déclinant soit en une médiation, soit en une activité d’aide ou de réparation lorsque la victime donne son accord ;
- Le module santé via une prise en charge sanitaire adaptée au besoin du mineur, un placement dans un établissement de santé à l’exclusion des services de psychiatrie ou un placement dans un établissement médico-social ;
- Le module de placement, enfin, s’il est prononcé, peut permettre de confier le mineur à un membre de sa famille ou à une personne digne de confiance, à un établissement du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse ou à une institution, ou à un établissement éducatif privé habilité.

En outre, certaines obligations ou interdictions peuvent également être prononcées.

Exception à la procédure pénale en trois temps.

Il est à noter que si cette procédure en trois temps est le principe, une exception subsiste puisqu’il est possible de statuer sur la culpabilité du mineur lors d’une audience unique.

C’est le cas lorsque :
- Le mineur a commis des faits d’une faible gravité et pour lequel sa personnalité et sa situation ne nécessitent pas qu’un accompagnement soutenu soit mis en place ;
- Le mineur est connu, et le cas échéant déjà condamné, ou pour lequel un suivi éducatif est déjà en cours.

Modification des mesures d’investigation et des mesures de sûreté.

La réforme du droit pénal des mineurs a entraîné une généralisation du recueil de renseignements sociaux éducatifs et a étendu le champ d’application de la mesure judiciaire d’investigation éducative qui est systématique lors de l’information judiciaire.

Par ailleurs, il est toujours possible de prononcer des mesures de sûreté à l’égard des mineurs, notamment :
- Un contrôle judiciaire pour lequel les conditions de révocation ont été durcies pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans en matière correctionnelle ;
- Une assignation à résidence sous surveillance électronique dont la durée a été étendue à trois ans (contre deux ans sous l’empire de l’ordonnance de 1945) ;
- Une détention provisoire qui ne doit toujours intervenir qu’en dernier recours et dans le cadre de conditions très encadrées.

Consécration de la justice restaurative et place de la victime.

La victime peut désormais se constituer partie civile dès l’audience de culpabilité et est avisée de l’audience du prononcé de sanction, même s’il a déjà été statué sur l’action civile.

La réforme de la justice pénale des mineurs consacre la procédure de justice restaurative qui peut être proposée au mineur et à la victime en parallèle de la procédure pénale.

Une mesure de médiation ou de réparation peut être ordonnée tant au stade des alternatives aux poursuites que dans le cadre de la procédure de jugement (module réparation de la MEJ à titre provisoire ou de sanction).

MCC AVOCAT, Cabinet de Maître Céline Cabaud, Barreau de SAINT DENIS de la Réunion (974) https://mccavocat.com http://maitre-celine-cabaud.business.site