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Quelles suites judiciaires face à des faits prescrits ? Par Jérôme Navy, Avocat.
Parution : mercredi 19 janvier 2022
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Le 11 janvier 2022, une ancienne journaliste de BFMTV et de RMC déposait plainte contre Jean-Jacques Bourdin pour des faits d’agression sexuelle datant de près de 10 ans.
Qualification pénale, prescription et enquête, que dit le droit pénal ?

Les faits se seraient déroulés en octobre 2013, alors que les deux journalistes couvraient l’Open de pétanques de Calvi, en Corse.

Selon la plaignante, l’animateur phare aurait tenté de l’embrasser de force alors qu’elle se trouvait dans la piscine de l’hôtel où ils séjournaient tous les deux. Le présentateur vedette lui aurait ensuite envoyé des messages insistants, par sms et courriels, pendant plusieurs mois.

La double qualification pénale possible.

Rappelons que pour la Cour de cassation, le simple fait d’embrasser une personne sans son consentement peut parfaitement caractériser le délit d’agression sexuelle (Crim. 19 juin 2019, 18-83.523). Les faits allégués par la plaignante, s’ils étaient avérés, tomberaient donc sous le coup de la loi pénale. Hors circonstance aggravante, l’agression sexuelle, comme sa tentative, est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (art. 222-27, C. pén.).

Quant aux messages insistants, ceux-ci pourraient caractériser l’infraction de harcèlement sexuel (art. 222-33, al. 1er, C. pén.) dès lors qu’ils ont été réitérés et qu’ils ont créé à l’égard de la plaignante « une situation intimidante, hostile ou offensante ». Ce délit est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

L’ouverture d’une enquête préliminaire malgré la prescription.

Quid de la prescription, alors que cette plainte intervient près de 10 ans après les faits ? Jusqu’en 2017, la prescription des délits n’était que de trois années à compter de leur commission (art. 8, al. 1, C. proc. pén.), contre six aujourd’hui. Les faits visés dans la plainte étant intervenus en 2013, l’action publique est donc a priori éteinte depuis octobre 2016.

Est-ce à dire que cette affaire ne connaîtra aucune suite ? Non.

Le parquet de Paris a annoncé ce mardi l’ouverture d’une enquête, confiée au commissariat du XVIe arrondissement de la capitale. Comme le rappelait d’ailleurs le ministre de la Justice dans une dépêche de février 2021 (CRI M-BOAP N°2021-0023-C10), aucune disposition légale n’empêche un procureur d’investiguer sur des faits prescrits. Même face à des faits anciens, libre donc au parquet d’initier ou non une enquête préliminaire.

Une enquête interne diligentée par Altice Media.

Par ailleurs, et comme les investigations ne sont pas l’apanage de la justice, le groupe Altice Media, propriétaire de BFMTV et de RMC, a d’ores-et-déjà pris les devants, indiquant diligenter une enquête interne.

Jean-Jacques Bourdin reste bien entendu présumé innocent (art. 9, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789). En attendant d’éventuels développements, le présentateur devrait continuer à assurer son émission politique [1].

Jérôme Navy Avocat au barreau de Paris Associé du cabinet Rift www.riftavocats.fr

[1Bourdin Direct, qui rassemble chaque matin près de 730 000 auditeurs sur RMC.

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