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Télétravail obligatoire et risques en cas de non-respect. Par Kevin Bouleau, Avocat.
Parution : jeudi 20 janvier 2022
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La crise sanitaire a fait du télétravail l’un des outils privilégiés par le gouvernement dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.
Le 3 janvier 2022, le nouveau protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 a instauré une « obligation » pour les entreprises de recourir à au moins 3 jours de télétravail par semaine sur les postes télétravaillables (I).

Une étude commandée par le ministère du Travail auprès du cabinet de sondages Harris Interactive précise que seulement 60% des salariés en capacité de télétravailler ont véritablement télétravaillé sur cette première semaine de janvier 2022.

Le 16 janvier 2022, les députés ont adopté en lecture définitive le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, y intégrant une amende administrative en cas de situation dangereuse liée à la Covid-19.

Cette dernière aura pleinement vocation à s’appliquer en cas de non-respect des dispositions liées au télétravail (II).

Néanmoins, cette loi devra encore être publiée au Journal Officiel (JO) pour entrer en vigueur et ne pas faire l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel, qui examinera ce texte le vendredi 21 janvier 2022.

I. Le télétravail au moins trois jours par semaine.

Alors qu’il ne s’agissait auparavant que d’une recommandation, le nouveau protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 précise que :

« Dans les circonstances actuelles de circulation élevée du virus et de l’apparition du variant Omicron, les employeurs fixent à compter du 3 janvier et pour une durée de trois semaines, un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent. Lorsque l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent, ce nombre peut être porté à quatre jours par semaine ».

Les employeurs devront donc identifier ces postes « télétravaillables » et imposer à leurs salariés de télétravailler :
- au moins trois jours par semaine ; ou
- au moins quatre jours par semaine, dans les entreprises où l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent.

II. L’adoption d’un mécanisme d’amende administrative.

La question de la force obligatoire de ce protocole avait donné lieu à une ordonnance du Conseil d’Etat, ce dernier considérant que ce texte n’avait pas de caractère obligatoire.

Il indiquait en effet que ce protocole constituait un « ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du Code du travail » [1].

Néanmoins, en cas de non-respect de ces préconisations, l’employeur pouvait tout de même se voir reprocher un manquement à son obligation générale de sécurité [2].

De plus, l’article L4721-1 du Code du travail prévoyait déjà un mécanisme de mise en demeure par la Dreets, en cas de tel manquement :

« sur le rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail constatant une situation dangereuse, peut mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles pour y remédier, si ce constat résulte :
1° D’un non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention (…) ;
2° D’une infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité (…)
 ».

Le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire prévoit désormais une amende administrative en cas de situation dangereuse liée à la Covid-19.

En effet, ce dernier prévoit qu’en cas de situation dangereuse résultant d’un risque d’exposition à la Covid-19 du fait du non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention, la Dreets compétent pourra, sur rapport de l’inspecteur du travail et en l’absence de poursuites pénales, prononcer une amende administrative à l’encontre de l’employeur.

Cette amende administrative aura donc pleinement vocation à s’appliquer dans le cas du non-respect du télétravail au sein des sociétés.

Concernant la procédure, l’inspecteur du travail devra préalablement l’avoir mis en demeure de se conformer aux principes généraux de prévention et l’inspecteur devra avoir constaté que l’employeur n’a pas mis fin à la situation dangereuse à l’expiration du délai prescrit.

Enfin, cette amende pourra aller jusqu’à 500 euros (contre 1.000 euros annoncés initialement par le Ministère du travail) par salarié concerné par le manquement et dans la limite de 50.000 euros au total.

III. La contestation de l’amende administrative.

La décision prononçant l’amende pourra faire l’objet d’un recours hiérarchique suspensif, devant le Ministre chargé du Travail, par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai de 15 jours à compter de sa notification.

Ce dernier aura deux mois pour y répondre, faute de quoi son silence vaudra acceptation du recours.

En revanche, il est à noter que l’employeur ne pourra pas exercer de recours hiérarchique suspensif contre la mise en demeure précitée.

Enfin, et sous réserve de l’absence de censure par le Conseil Constitutionnel, cette mesure sera applicable jusqu’à une date déterminée par décret et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2022.

Maître Kevin Bouleau Avocat au Barreau de Paris Cabinet Ekipe Avocats http://ekipe-avocats.com

[1CE, 19 octobre 2020, n°444809.

[2Articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail.