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L’articulation des régimes de protection au sortir du congé de maternité. Par Elodie Decrop-Bossy, Juriste.
Parution : jeudi 20 janvier 2022
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Dans un arrêt récent et publié au Bulletin, datant du 1er décembre 2021, la Cour de cassation en formation plénière a eu l’occasion de réaffirmer la portée et le champ d’application de l’article L1225-4 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de la Loi 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ("Loi Travail") et dont la lecture est souvent tronquée

Dans cet arrêt [1], une salariée a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour faute grave, au sortir de son congés de maternité (du 15 avril au 17 décembre 2016), et alors même qu’elle était encore en arrêt de travail pour cause de maladie. La convocation a un entretien préalable est envoyée en date du 28 décembre 2016, lequel entretien s’est tenu le 12 janvier 2017, et s’est conclu par le licenciement de la salariée le 20 janvier 2017 [2].

La salariée demande la nullité dudit licenciement, en se fondant sur l’article L1225-4 du Code du Travail, au motif « qu’il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision ».

En première instance et en appel, la salariée a eu gain de cause. En cassation, l’arrêt est cassé et annulé par la Chambre Sociale qui a néanmoins fait preuve d’une pédagogie qu’il convient de souligner, en détaillant l’articulation subtile des régimes de protection dont bénéficie la salariée pendant la période post-natale :

1) Une protection absolue pendant le congé maternité.

Il ressort de l’article L1225-17 du Code du Travail que toute salariée, indifféremment de la nature de son contrat ou de son ancienneté bénéficie d’un congé de maternité. Pendant la période de congé maternité, la protection de la salariée est dite absolue.

Ainsi, l’employeur ne peut pas licencier la salariée, quel qu’en soit le motif, à défaut ledit licenciement encourt la nullité. La rupture ne pourra être ni notifiée, ni prendre effet pendant cette période de suspension du contrat de travail [3].

Egalement, sous l’influence du droit européen, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que l’employeur ne peut pas non plus préparer le licenciement de la salariée pendant le congé maternité [4].

Cette protection absolue dure pendant toute la période de congé maternité, soit à minima seize semaines dans le cas de la naissance d’un premier enfant : il débute six semaines avant la date présumée de l’accouchement, pour se terminer dix semaines après la date effective de celui-ci.

Cette protection s’étend au congé pathologique qu’il soit prénatal ou postnatal, mais aussi à la période de congés payés pris immédiatement après la fin du congé de maternité car les juges considèrent que ces périodes ont la même finalité et forme un tout indivisible. De même, si une salariée décide de ne prendre qu’un congé de maternité partiel [5], elle bénéficie de cette protection absolue pendant toute la durée légale.

A contrario, et comme l’ont rappelé les juges de la Haute Juridiction, la protection absolue n’est pas étendue à la période d’arrêt maladie, quand bien même celle-ci suit immédiatement la fin du congé de maternité. Puisqu’en effet, il est de jurisprudence constante que l’arrêt maladie n’empêche aucunement que soit diligentée une procédure de licenciement à l’encontre du salarié [6].

2) Une protection relative pendant les dix semaines qui suivent le congé maternité.

Au sortir de cette période de congé, la protection de la salariée demeure, mais est assouplie :

Pendant une période de dix semaines suivant l’expiration de ces périodes de suspension de son contrat de travail [7], la salariée bénéficie d’une protection contre le licenciement, dite relative.

Ainsi, l’employeur ne peut rompre son contrat de travail que pour deux motifs : soit une faute grave non liée à sa maternité ou à sa grossesse ; soit une impossibilité de maintenir le contrat étranger à la grossesse ou à l’accouchement [8].

En l’espèce, la Haute juridiction a censuré la décision des juges du fonds aux motifs que :
- Le congé maternité ayant pris fin le 17 décembre 2016, et la salariée étant en arrêt-maladie à compter de cette date, elle ne bénéficiait plus du régime de protection absolue ;
- L’employeur faisant valoir une faute grave commise par la salariée avant son départ en congé de maternité et non liée à sa maternité ou à son état de grossesse, il pouvait dès lors entreprendre une procédure de licenciement pendant la période de protection relative.

Par conséquent, la mesure de licenciement prononcée pendant cette période de protection relative n’était pas automatiquement nulle comme le faisait valoir les premiers juges.

Decrop-Bossy Elodie, Juriste

[1Cf. Cass. Soc. 1er déc. 2021, n° 20-13.339

[2Date à laquelle elle est toujours en arrêt-maladie.

[3CF. Article L1225-4 alinéa 1 du Code du Travail.

[4Voir en ce sens l’arrêt de la Chambre Sociale du 15 septembre 2010 no 08-43.299 : l’employeur avait organisé le remplacement définitif d’une salarié en congés maternité, en indiquant clairement son intention de licencier ladite salarié à son retour effectif, faute de pouvoir le faire pendant la durée du congés maternité.

[5Ndlr : d’une durée inférieure à la durée légale.

[6Cf. Cass. Soc. 26 mai 2004, n° 02-40.681 ou encore Cass. soc. 8-7-2015 n° 14-15.979.

[7Ndlr : congés de maternité - congés pathologique - congés payés pris immédiatement après le congé maternité.

[8Cf. Article L1225-4 du Code du Travail alinéa 2.