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Violences conjugales : quelles lois pour protéger les victimes ? Par Olivier Rech, Avocat.
Parution : samedi 22 janvier 2022
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Les violences conjugales sont les violences exercées au sein du couple marié, pacsé ou en union libre. Si dans de nombreux cas il s’agit de violences physiques, elles peuvent être également de nature psychologique et prendre la forme de menaces, de pressions économiques ou de privations.
Les dommages physiques et psychologiques subis par la victime provoquent parfois un isolement social qui rend difficile l’identification des infractions.
A cet égard, les associations locales de défense des victimes sont d’un grand secours et peuvent proposer une écoute, un accompagnement psychologique et informer les victimes sur les différents outils mis à disposition par la Loi pour les protéger qu’il s’agisse d’actions civiles, pénales ou de dispositifs de téléprotection.

I. Les actions civiles.

Le référé violence.
Article 220-1 du Code civil, Loi du 26 mai 2004.

Il permet à un époux de solliciter en urgence du Juge aux affaires familiales, l’éviction du domicile conjugal du conjoint violent et l’attribution du domicile conjugal au conjoint victime.
Cette procédure qui doit être engagée par un Avocat, nécessite de pouvoir présenter les preuves des violences (certificats médicaux, plainte, attestations…).
L’impact de cette disposition légale sur le nombre de victimes de violences conjugales a été jugé insuffisant et le législateur a dû créer l’ordonnance de protection.

L’ordonnance de protection.
Article 515-9 du Code civil, Loi du 9 juillet 2010 puis Loi du 28 décembre 2019 qui élargit les conditions d’application initiales.

Contrairement au référé violence, cette disposition ne concerne pas exclusivement les époux et la cohabitation n’est pas exigée. Cette mesure concerne ainsi les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin.
La décision est rapide puisqu’elle est rendue dans les 6 jours à compter de la fixation de la date d’audience.
Les mesures que le Juge peut prendre sont nombreuses et sont valables 6 mois. Le Juge peut notamment expulser l’auteur des violences du domicile, statuer sur la résidence séparée, se prononcer sur la garde des enfants mais aussi interdire les rencontres avec certaines personnes ou de détenir et porter une arme.
L’avocat n’est pas obligatoire et la plainte pénale n’est pas une condition préalable. Néanmoins, il faudra démontrer que les violences mettent en danger la victime ou les enfants et l’assistance d’un avocat est recommandée pour constituer le dossier.

L’audience de divorce sur mesures provisoires à bref délai.

En cas d‘urgence dûment justifiée, l’époux pourra demander par voie de requête au Juge aux affaires familiales, une date d’audience plus proche. Dans ce cadre, le Juge rendra une ordonnance sur mesures provisoires qui pourra entraîner l’expulsion du conjoint violent.

II. Les actions pénales.

Les violences commises au sein du couple sont punies de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende si l’incapacité de travail qui en résulte pour la victime est inférieure à 8 jours et 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende si l’incapacité est de plus de 8 jours.

Le dépôt de plainte.

La victime pourra déposer plainte auprès des services de gendarmerie ou de police mais également par un courrier adressé directement au Procureur de la République en expliquant les circonstances des faits. Il est souhaitable d’y joindre un certificat médical faisant état des blessures et du nombre de jours d’incapacité de travail consécutif.
Le Procureur peut décider de poursuivre l’auteur, de prononcer des mesures alternatives aux poursuites (stage de responsabilisation …) ou de classer la plainte sans suite.

Les mesures de sûreté
Article 41-1 6° du Code pénal.

Avant toute décision de poursuite de l’auteur, Le Procureur de la République peut prendre différentes mesures, à savoir demander à l’auteur des faits de résider hors du domicile du couple, s’abstenir de paraître dans ce domicile ou de faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.

L’injonction d’éloignement.

La loi du 12 décembre 2005 a facilité l’éloignement du conjoint violent du domicile conjugal en rendant cette mesure possible à tous les stades de la procédure pénale.
Depuis la loi du 4 avril 2006, les mesures d’éloignement peuvent concerner le conjoint, l’ex-conjoint, le concubin, l’ex-concubin, le partenaire pacsé et ex-partenaire pacsé.
La loi facilite l’éloignement du conjoint imposé par le Procureur de la République dans le cadre d’alternatives aux poursuites, par le juge d’Instruction dans le cadre du contrôle judiciaire ou par le Tribunal correctionnel lors du prononcé du sursis probatoire (ex-sursis avec mise à l’épreuve).

Les mesures de surveillance lors de la libération des auteurs.
Décret du 24 décembre 2021, JO 28 décembre 2021, applicable au 1er février 2022.

Sortie d’incarcération :
Il est prévu qu’avant toute libération ou cessation même temporaire d’incarcération de l’auteur présumé ou condamné, la victime en soit avisée par l’autorité judiciaire laquelle appréciera l’opportunité de prononcer une interdiction de contact ou de paraître dans certains lieux ou de mettre en place un dispositif de téléprotection (Article D. 1-11-2 du Code de procédure pénale).

Maintien de la surveillance :
Le condamné à une peine d’emprisonnement ferme ou de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) voit ses obligations de l’assignation à résidence sous surveillance électronique, sous surveillance électronique mobile ou d’un bracelet anti-rapprochement, se poursuivre jusqu’à ce qu’il soit incarcéré ou que la peine soit effective ou aménagée (D 32-25-1 CPP).

Maintien des interdictions :
En cas d’incarcération, les interdictions de contact ou de paraître prononcées, demeurent applicables pendant le temps où l’intéressé est incarcéré (D 49-86 CPP).

III. Les dispositifs de téléprotection.

Le téléphone grave danger ou TGD.
Loi 4 août 2014, article 41-3-1 du Code de procédure pénale.

Ce dispositif spécifique permet à la victime en situation de danger d’alerter immédiatement les services de police et de générer une intervention en urgence avec un accompagnement renforcé et global de la victime (psychologique, juridique et social).
Il est délivré dans les situations les plus graves et sous les conditions suivantes : qu’il y ait une absence de cohabitation avec l’auteur des faits, que ce dernier ait fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’entrer en contact avec la victime, et que celle-ci consente à la mesure.

Le rôle des associations de victimes est là aussi important dans la mesure où elles interviennent souvent en complémentarité pour fournir aux services compétents, une évaluation précise de la situation de la victime, et ce, avant l’attribution du dispositif.

Le bracelet anti-rapprochement ou BAR.
Loi 28 décembre 2019 et décret du 23 septembre 2020.

Ce dispositif a pour objet de tenir à distance les victimes et les conjoints ou ex-conjoints violents.
L’auteur des violences est géolocalisé et un système d’alerte est déclenché lorsqu’il s’approche de la victime au-delà d’un périmètre fixé par le Juge. Dans ce cas, l’auteur est contacté par un service de télé-assistance et s’il n’obtempère pas ou ne répond pas, les services d’ordre interviennent.

La décision d’octroyer le bracelet peut être prise dans le cadre d’une procédure pénale (par le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention ou après le jugement de condamnation dans le cadre d’un aménagement de peine) ou civile par le Juge aux affaires familiales.

Le décret du 24 décembre 2021 susvisé (D 51 CPP) précise que l’obligation de porter un bracelet anti-rapprochement est levée durant le temps de l’incarcération mais la pose du bracelet doit de nouveau intervenir au moment de la libération de la personne détenue ou de sa sortie de l’établissement pénitentiaire sans surveillance, notamment en cas de permission de sortir.
Enfin, l’article D 49-41 modifié du CPP prévoit que le Président de la Chambre d’application des peines, saisi en appel, peut saisir le service d’insertion et de probation pour actualiser, en cas de besoin, le dossier individuel du condamné afin de prendre les mesures les plus adaptées à la situation et notamment prononcer une mesure de bracelet anti-rapprochement.

Olivier Rech, Avocat, Ancien Bâtonnier www.rech-avocat.fr [->rechavocats@orange.fr]