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Zones agricoles et naturelles : puis-je y implanter mon habitation ? Par Chloé Schmidt-Sarels, Avocate.
Parution : mardi 25 janvier 2022
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Votre parcelle est classée en zone agricole ou en zone naturelle, vous est-il possible d’y implanter votre habitation ? Et si oui, dans quelles conditions ?

Le règlement ainsi que le plan de zonage des plans locaux d’urbanisme (PLU) ou des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) peuvent délimiter sur les territoires concernés des parcelles à classer en zones dites « agricole » (A) et en zones dites « naturelles » (N).

La particularité du classement en zone A ou N réside dans la vocation desdites zones : la protection des parcelles concernées en considération de leur situation et de leurs caractéristiques (I).

De toute évidence, le classement d’une parcelle en zone A ou N y rendra la constructibilité beaucoup moins facile que dans les autres zones du PLU ou du PLUi, contrairement à la zone urbaine (U) par exemple.

Le caractère restrictif des possibilités de construire dans ces zones doit amener les propriétaires ou futurs acquéreurs à se questionner sur la faisabilité de leurs projets d’habitation (II).

NB : Il s’agira ici d’écarter l’hypothèse pour laquelle la parcelle concernée serait classée en zone A ou en zone N mais grevée d’un « secteur de taille et de capacité d’accueil limitées » au sein duquel les constructions peuvent être autorisées [1].

I / Quelles sont les parcelles pouvant être classées en zone A et en zone N ?

D’une part, peuvent être classées en zone A les parcelles, équipées ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles [2].

Attention toutefois, le classement de terrains en zone agricole ne nécessite pas forcément la présence d’une exploitation agricole [3].

D’autre part, peuvent être classées en zone N les parcelles, équipées ou non, à protéger en raison :
- Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ;
- Soit de l’existence d’une exploitation forestière ;
- Soit de leur caractère d’espaces naturels ;
- Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ;
- Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d’expansion des crues [4].

II / Quelles sont les possibilités pour implanter une habitation en zone A ou en zone N ?

Tout dépend de la situation de la parcelle, si elle supporte déjà un bâtiment qui n’est pas reconnu comme étant une habitation (A), ou si elle est vierge de toute construction (B).

A / L’existence d’un bâtiment ne bénéficiant pas de la destination « habitation ».

Il est fréquent que les propriétaires d’une parcelle sur laquelle se trouve une ancienne grange ou une ancienne étable souhaitent rénover ce bâtiment et le transformer en habitation.

A ce titre, pour être parfaitement conforme au droit de l’urbanisme, ils doivent en demander le changement de destination afin que lui soit reconnue la destination « d’habitation ».

Toutefois, il faut garder à l’esprit que, en zone A ou en zone N, l’obtention du changement de destination à fin d’habitation n’est pas aisée !

En effet, faisant application des règles du Code de l’urbanisme [5], les PLU ou PLUi ne peuvent autoriser le changement de destination en « habitation » qu’à condition que le bâtiment dont il s’agit soit expressément identifié comme pouvant faire l’objet d’un tel changement, et à condition que le changement de destination ne compromette pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site.

Concrètement, si aucun document du PLU, et notamment le plan de zonage, n’identifie spécifiquement le bâtiment comme pouvant faire l’objet d’un changement de destination en « habitation », toute demande en ce sens sera normalement rejetée [6].

Au contraire, si un document du PLU, notamment le plan de zonage, identifie spécifiquement le bâtiment comme pouvant faire l’objet d’un changement de destination en « habitation », la demande en ce sens devra être soumise à l’avis conforme de :
- La commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers si la parcelle est classée en zone A ;
- La commission départementale de la nature, des paysages et des sites si la parcelle est classée en zone N.

B / La construction d’un bâtiment à destination d’habitation.

Il arrive que des acquéreurs, ou futurs acquéreurs d’une parcelle classée en zone A ou N, l’aient spécialement choisie pour y édifier leur habitation, à distance en principe des zones plus urbanisées.

Mais avant toute acquisition définitive, il faut avoir conscience des contraintes que de tels classements impliquent.

En faisant application des règles du Code de l’urbanisme [7], les PLU ou PLUi ne peuvent autoriser en zone A et en zone N que des constructions et installations, qu’à conditions qu’elles soient nécessaires à l’exploitation agricole et forestière.

Il faudra donc, pour pouvoir construire votre habitation, que vous puissiez justifier de son caractère nécessaire au regard d’une activité agricole ou forestière.

Ce qui implique que vous disposiez vous-même de la qualité d’exploitant agricole et que vous exploitiez effectivement une exploitation en cette qualité.

A titre d’exemple, un permis de construire pour une construction à destination d’habitation peut être délivré si le demandeur justifie devoir être en permanence proche de son exploitation agricole, notamment par rapport aux soins devant être apportés à ses animaux [8].

Au contraire, par exemple, la construction d’un bâtiment seulement destiné à loger un ouvrier agricole n’est pas une construction nécessaire à l’activité agricole [9].

Mais, un autre obstacle peut être ajouté par le règlement du PLU ou du PLUi, de sorte que le nombre d’habitations pouvant être créées soit limité par exploitation agricole.

Ainsi, par exemple, le règlement d’un PLU peut limiter la construction de bâtiments d’habitation en zone A à deux bâtiments maximum par exploitation [10].

Conclusions pratiques.

Avant tout opération d’acquisition de parcelles, vérifiez leur classement par le PLU ou PLUi du territoire concerné.

Si ces parcelles sont classées en zone A ou N et que vous souhaitez y implanter votre habitation, veillez :
- A ce que le bâtiment qui y est déjà construit soit identifié par le PLU ou le PLUi comme un bâtiment pouvant faire l’objet d’un changement de destination ;
- Ou, à ce que, en application des règles du PLU ou du PLUi, vous puissiez justifier de la qualité d’exploitant agricole et du caractère nécessaire d’une construction à destination d’habitation à proximité de l’exploitation agricole ou forestière.

Gardez bien à l’esprit que si vous entendiez passer outre ces règles et implanter votre habitation en zone A ou N, alors que vous n’y êtes pas autorisé, vous vous exposerez à des poursuites pénales, fondées sur la méconnaissance des dispositions locales d’urbanisme et/ou du Code de l’urbanisme.

En cas de doutes, n’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé quant à la faisabilité de votre projet.

Chloé Schmidt-Sarels Avocate en droit public www.css-avocate.fr

[1Art L151-13 du Code de l’urbanisme.

[2Art. R151-22 du Code de l’urbanisme.

[3CAA Bordeaux, 30 décembre 2005, Commune d’Aslonnes, n° 02BX02119.

[4Art. R151-24 du Code de l’urbanisme.

[5Art. L151-11 dudit code.

[6Rép. min. n° 48989 : JOAN Q, 28 déc. 2004, p. 10474.

[7Art. 151-23 dudit code.

[8CAA Lyon, 11 juillet 2019, n° 18LY00500.

[9CE, 18 décembre 2009, Massart, n° 314082.

[10CAA Nantes, 14 décembre 2021, n° 20NT02880.