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Congés payés inclus dans la rémunération variable : la clause doit être transparente et compréhensible. Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.
Parution : vendredi 28 janvier 2022
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Dans un arrêt du 13 octobre 2021 (n°19-19.407), la Cour de cassation réaffirme qu’il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire d’un salarié lorsque des conditions particulières le justifient, à condition que la clause contractuelle le prévoyant soit transparente et compréhensible. La clause qui mentionne une rémunération « congés payés inclus » sans indiquer la répartition entre la rémunération et les congés payés ne remplit pas cette condition.

1) Faits et procédure.

M. E a été engagé le 8 février par la société Citrix Systèmes France en qualité d’ingénieur commercial.

Sa rémunération annuelle était composée d’une partie fixe de 75.000 euros et d’une part variable de 50.000 euros pour cent pour cent des objectifs atteints.

Licencié le 30 mars 2013, il a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation du bien-fondé de ce licenciement et de demandes en paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités.

Après avoir obtenu gain de cause d’une partie de ses demandes devant la Cour d’appel de Versailles le 16 mai 2019, M. E a formé un pourvoi en cassation.

L’employeur a alors formé un pourvoi incident en cassation.

2) Moyen.

L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes notamment celles à titre de rappel de salaires au titre des congés payés sur les commissions versées en 2011, 2012 et 2014, d’un solde sur indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

Il considère que si l’inclusion des congés payés dans la rémunération globale du salarié ne peut résulter que d’une clause contractuelle précisant la répartition entre la rémunération et les congés payés, l’inclusion des congés payés des commissions sur objectifs dans la seule rémunération variable peut résulter d’une clause contractuelle expresse aux termes de laquelle la rémunération variable inclut ces congés payés.

Il précise qu’au cas présent, il est constant que l’article VI du contrat de travail de l’intéressé stipule que « le salarié perçoit en outre une rémunération variable d’un montant de 50.000 euros bruts » et que cette rémunération variable s’entend congés payés inclus ».

La société faisait valoir que les demandes « de rappel de congés payés sur les commissions des années 2011, 2012 et 2013 » du salarié étaient infondées dans la mesure où la clause d’inclusion des congés payés visait « spécifiquement sa rémunération variable » et non sa rémunération globale, ce dont il résultait que les congés payés avaient « bien été inclus à la seule rémunération variable, cela ayant été expressément accepté par le salarié ».

Pour faire droit au rappel de congés payés sur les commissions, la Cour d’appel a estimé que la clause VI du contrat de l’intéressé n’était « ni transparente ni compréhensible et ne peut donc être opposée au salarié » dans la mesure où « elle se borne à mentionner que la rémunération variable « s’entend congés payés inclus » sans préciser la répartition entre la rémunération et les congés payés ».

L’employeur en déduit ainsi que la Cour d’appel a violé l’article L1221-1 du Code du travail ainsi que l’article 1134 du Code civile dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

3) Arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2021.

Dans son arrêt du 13 octobre 2021 (n°19-19.407), aux visas des articles L3141-22 et L3141-26 du Code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l’article 7 de la directive 2003/88/CE, la Cour de cassation rejette le pourvoi, déboutant ainsi l’employeur de sa demande [1].

Elle affirme

« que s’il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.
Ayant constaté que la clause du contrat de travail se bornait à mentionner que la rémunération variable s’entendait congés payés inclus, sans préciser la répartition entre la rémunération et les congés payés, la Cour d’appel en a exactement déduit que cette clause n’était nu transparente, ni compréhensible, et ne pouvait donc être opposée au salarié
 ».

4) Commentaire.

Cet arrêt reprend la jurisprudence qu’avait déjà développée la Cour de cassation.

En effet, il est de jurisprudence constante que, s’il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris (Cf lettre de la chambre sociale de la Cour de cassation de septembre/octobre 2021).

Cette solution avait notamment été rendue dans deux arrêts le 14 novembre 2013 (n°12-14.070) et le 22 mai 2019 (n°17-31.517).

A lire ou relire, notre article Indemnité de congés payés inclus dans la rémunération forfaitaire : à quelles conditions ?

La Cour de cassation vérifie ainsi que de telles modalités n’aboutissent pas à un résultat moins favorable que la stricte application des dispositions légales et notamment que le salarié ne perçoive pas une indemnité de congés payés qui serait inférieure à celle qu’il aurait dû percevoir à ce titre (Cass. soc., 2 avr. 1997, n°95-42.320).

La nouveauté réside ici dans le fait que cette règle est appliquée, et donc applicable, à la part variable de la rémunération.

En effet, l’employeur soutenait que, s’agissant d’une rémunération variable, la nécessité d’une distinction entre la part de rémunération correspondant au travail et celle correspondant aux congés n’était pas applicable.

La chambre sociale affirme cependant que les conditions qui avaient été posées pour la validité d’une clause d’inclusion des congés payés sont les mêmes pour la part variable de la rémunération du salarié.

Elle estime que le fait que la répartition entre la rémunération et les congés payés ne soit pas prévue dans la clause implique qu’elle n’était ni transparente, ni compréhensible.

Sources.

Cass. soc., 13 oct. 2021, n°19-19.407.
Cass. soc., 14 nov. 2013, n°12-14.070.
Cass. soc., 22 mai 2019, n°17-31.517.
Cass. soc., 2 avr. 1997, n°95-42.320.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum