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[Dossier] Ecrits judiciaires : Restez concis, s’il vous plaît ! Point de vue de Sophie Lapisardi, Avocate.
Parution : vendredi 11 février 2022
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Sophie Lapisardi a toujours eu à cœur en tant qu’avocate de communiquer l’information juridique de la manière la plus opérationnelle et concise qu’il soit ; puis elle a senti que ce n était plus suffisant pour ses clients. A travers un parcours au cours duquel elle cherche des moyens de communiquer l’information juridique de manière plus claire, plus engageante et plus impactante, elle découvre le legal design. Elle s’y est formée, a formé son équipe et forme désormais avocats et juristes à sa méthode [1].
Faut-il vous donner d’autres raisons pour lesquelles son point de vue était ici indispensable ?

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« Le Legal Design améliore l’expérience de tous les acteurs de la justice et notamment des magistrats, des avocats et de leurs clients. Les avocats ont à portée de main un nouveau mode de pensée qui, non seulement va améliorer la collaboration avec les autres acteurs du droit, mais va également leur permettre de gagner en persuasion pour la défense de leurs clients.

Faut-il encore présenter le Legal Design ?

Le Legal Design est aujourd’hui incontournable pour les praticiens du droit. Les articles, posts, podcasts et vidéos sont légion depuis 2020. Et le succès du village du Legal Design lors des Rendez-vous des Transformations du droit en novembre dernier confirme que les professionnels sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser et à se former. Pourquoi ? Parce que le Legal Design permet notamment de communiquer l’information juridique de manière claire, efficace, engageante et percutante.

Sophie Lapisardi

Oui, il faut le présenter car beaucoup s’en font encore une idée fausse.
Principalement deux idées fausses sont encore ancrées dans l’esprit de beaucoup de praticiens du droit et notamment d’avocats :
- La première c’est que le Legal Design se réduit au graphisme, voire aux infographies. Vu sous cet angle, difficile d’imaginer qu’il serait d’une quelconque utilité dans le cadre du contentieux.
Il faut se débarrasser de l’idée que le Legal Design est simplement une histoire de couleurs, de pictos et autres éléments visuels. Ce n’est pas du graphisme. le Legal Design n’est même pas un outil. Le Legal Design est un mode de pensée qui place l’utilisateur au centre de la démarche. Il permet de répondre au besoin de droit toujours plus pressant de nos interlocuteurs qui attendent une information claire, efficace et si possible visuelle.

"Le Legal Design est un mode de pensée qui place l’utilisateur au centre de la démarche."

- La seconde idée fausse est que le Legal Design consiste à présenter de manière simpliste le droit. Cette idée conduit souvent à considérer que le Legal Design ne s’envisage que pour un public de non-juristes très éloigné du milieu juridique et donc qu’il n’aurait aucun intérêt entre juristes.

Le Legal Design permet de trouver des solutions à des situations insatisfaisantes du droit. Et elles ne manquent pas !

Le droit est fondamental dans notre société mais toujours (encore plus ?) complexe et abscons. Or, les praticiens du droit ont été formés à communiquer entre eux, entre juristes. Le client est le grand absent des cursus de droit.
Mais le bât blesse également entre professionnels du droit qui réclament plus de clarté : empilement des textes, problèmes d’interprétation… avec en toile de fond les crises de la justice et de confiance en la justice. Bien entendu, le mal est profond et nécessite de multiples traitements. Mon propos n’est évidemment pas de soutenir que le Legal Design est la solution à ces crises.

Pour autant, n’avons-nous pas, nous, avocats, magistrats, les moyens d’améliorer l’expérience quotidienne de la justice ? Pour nous, pour nos clients ?
La réponse est assurément positive. Les acteurs du monde judiciaire peuvent améliorer leur expérience quotidienne du droit et celle de leurs clients, des usagers du service public de la justice.

Les magistrats œuvrent en ce sens. Et même s’il reste beaucoup à faire pour que leurs décisions soient plus compréhensibles, parfois même par les juridictions inférieures, la démarche est clairement lancée depuis plusieurs années.

"Le Legal Design améliore la collaboration entre les professionnels du droit."

Qu’en est-il des avocats ? En quoi le fait de pratiquer le Legal Design peut améliorer notre expérience quotidienne de la justice, celle des magistrats et de nos clients ?

Le Legal Design améliore la collaboration entre les professionnels du droit.
Les magistrats ont finalement les mêmes demandes que les utilisateurs du droit non-juristes : Ils demandent de la concision (à 94 %) et des éléments visuels pour appréhender plus rapidement les aspects factuels et techniques (à 96 %) [2].
Leurs demandent sont étonnamment simples. Bien entendu, ils apprécient les tableaux, les schémas, les logigrammes, les frises chronologiques etc. mais ils demandent avant tout aux avocats :
- d’aérer leurs écritures (à 70 %) ;
- de structurer leurs écritures avec un plan apparent (60 %) ;
- de choisir une police lisible (à 38 %) ;
- et de prévoir un sommaire (à 22 %).

Finalement, les magistrats veulent savoir où trouver l’information, puis la lire rapidement et facilement.

"Legal Design permet de rédiger des écrits plus convaincants, plus impactants (...)"

Le Legal Design permet de gagner en impact pour une meilleure défense de nos clients. Mais les bénéfices vont bien au-delà de la seule collaboration entre les professionnels du droit. Pratiquer le Legal Design permet de rédiger des écrits plus convaincants, plus impactants et donc de mieux répondre aux attentes de nos clients : défendre leurs intérêts.
Et l’écrit n’est pas le seul véhicule. Les vidéos font leur apparition à l’appui des écrits contentieux.

Et tout cela sans intelligence artificielle, sans être un geek, sans grever les comptes du cabinet et sans recruter un graphiste : travailler en empathie, apprendre à restructurer ses écrits, à rédiger en langage juridique clair et ajouter de la visualisation sont à la portée de tous. »

Extrait de conclusions "legal designées" par Sophie Lapisardi.

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Interview de Sophie Lapisardi par Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice.

[1Sophie Lapisardi est associée fondatrice du Cabinet Lapisardi Avocats et Présidente de Lexclair.

[2Enquête réalisée en 2017 - V. S. Lapisardi et E. Zahlen, La pratique du visual law en cabinet d’avocats, Ouvrage collectif Larcier 2018 L’innovation juridique et judiciaire