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[Guinée] Le bail à usage d’habitation. Par Abdoul Bah, Juriste.
Parution : lundi 31 janvier 2022
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Laissé pour compte comme tant d’autres d’ailleurs, le secteur de la location, à usage d’habitation, en Guinée, a toujours été à la merci des bailleurs qui fixent librement les normes régissant les relations contractuelles avec les locataires.

Or l’arsenal juridique existant offre des garanties de protection à ces derniers contre tout abus dont ils sont susceptibles de subir de la part de leur bailleur, lequel n’est pas également sans garanties de protection vis-à-vis de son locataire.

Avant d’examiner les droits, obligations et responsabilités du bailleur et du locataire, il convient de rappeler la règlementation concernant la forme du bail à usage d’habitation.

Forme.

L’écrit est requis pour la conclusion d’un bail à usage d’habitation sans pour autant être érigé comme condition de validité de ce dernier. Ainsi, l’absence d’écrit définissant les relations contractuelles entre le bailleur et son locataire n’a pas pour effet la nullité de leur contrat.

A contrario, un contrat de location peut être conclu verbalement, sa preuve pouvant être rapportée par tous moyens le cas échéant (quittance de loyers, factures de paiement des charges locatives…).

Néanmoins, l’absence de contrat écrit étant une source d’insécurité juridique, il est fortement recommandé au locataire d’exiger l’établissement d’un bail écrit.

Droits, obligations et responsabilités.

- Concernant le bailleur.

Le bail à usage d’habitation étant une opération à caractère économique, le bailleur a droit au paiement mensuel du loyer aux termes convenus, en contrepartie de la jouissance des locaux loués.

A contrario, le bailleur ne peut a priori exiger de son locataire le versement de plusieurs mois de loyer non encore échus, contrairement à la pratique très répandue malheureusement.

En outre, les parties peuvent librement fixer et/ou réviser si besoin le loyer à condition de respecter les limites légales prévues à cet égard.

En effet, le montant du loyer doit être déterminé en fonction de la valeur du bâtiment : le loyer annuel doit être compris entre 4 et 5% de la valeur des locaux loués. Ces mesures permettent concrètement d’harmoniser les loyers pratiqués par les bailleurs dans une zone d’implantation déterminée pour des locaux de valeur similaire.

Les parties peuvent réviser le loyer dans la limite d’une fois par an en cas d’augmentation importante des prix des principaux matériaux de construction (ciment, fer à béton, tôles…). Toute révision hormis ce cas n’est possible qu’au terme d’une échéance de 3 ans, ce en considération du taux d’inflation et de la hausse des prix enregistrés et publiés.

Le bailleur est aussi tenu de mettre à la disposition de son locataire des locaux en bon état général pendant toute la durée de la location, ce qui implique une prise en charge des travaux de grande réparation si besoin (des réparations sans lesquelles les locaux deviennent inhabitables normalement).

Constituent de grandes réparations notamment des travaux de réfection d’une toiture ou d’un mur effondré, des installations ou tous travaux dont le coût de réparation peut être supérieur au loyer mensuel, sauf si ceux-ci résultent du fait de l’usage fautif du locataire.

Le bailleur est tenu donc de rembourser les frais de grande réparation pris en charge par son locataire à condition d’avoir obtenu préalablement le consentement du bailleur.

En cas de logements collectifs, le bailleur reste tenu également des travaux d’entretien des espaces et parties communs (travaux de peinture des murs, couloirs et clôtures par ex.) sauf stipulations contractuelles contraires.

En revanche, l’entretien de la cour commune par exemple relève de la responsabilité commune des locataires, une obligation leur incombant surtout lorsqu’elle est prévue dans les contrats de bail respectifs.

- Concernant le locataire.

Le locataire, en contrepartie du paiement des loyers, dispose d’un droit de jouissance paisible des locaux, ce qui implique notamment la liberté de choisir les personnes pouvant y habiter. Le bailleur ne serait pas donc fondé à lui interdire d’y habiter avec les personnes de son choix.

Il a par contre l’obligation d’user les locaux conformément à la destination convenue, d’assurer leur bonne conservation et d’en prendre soin en « bon père de famille » de manière générale.

Il doit ainsi supporter toutes les réparations mineures des locaux si nécessaire. C’est le cas des travaux de réparation de nature à maintenir des locaux dans des conditions normales permettant son habitabilité (l’entretien de la plomberie, de l’électricité, l’hygiène, les travaux de peinture périodiques des murs …).

En outre, pour tout besoin de modification ou de transformation des locaux loués, il doit préalablement obtenir le consentement du bailleur ; auquel cas les frais occasionnés seront déduits sur les loyers.

Il doit aussi veiller à entretenir de bonnes relations avec le bailleur et les autres occupants des lieux le cas échéant.

Enfin, en présence de grosses réparations, s’il est établi que le locataire est à l’origine de celles-ci du fait d’une mauvaise exploitation ou d’un défaut d’entretien, il doit assurer leur prise en charge.

En définitive, même s’il existe des dispositions légales régissant a minima le bail à usage d’habitation, force est de constater qu’elles paraissent insuffisantes en ce qu’un cadre règlementaire encadrant leur application n’a pas suivi, un complément qui, ajouté à une mise en œuvre effective, contribuerait en partie à réduire la surenchère des loyers, une pratique surtout accentuée dans la capitale.

Références.

- Articles 249 à 267 du Code de la construction et de l’habitation guinéen ;
- Article 865 du Code civil guinéen.

Abdoul Bah Juriste