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La grande démission : points de vigilance en droit du travail. Par Caroline Diard, Enseignant-Chercheur.
Parution : mercredi 9 février 2022
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Confrontés à une vague de démissions, les employeurs doivent soigner les processus de recrutement, le onboarding.
Le offboarding et l’encadrement juridique du départ du salarié doivent également être maitrisés.

Un phénomène qui s’intensifie.

Dès l’été 2021, des vagues de démissions de grande ampleur sont évoquées. Le choc post-pandémie produit des effets massifs, déjà constatés dans le monde anglo-saxon [1]. Aux Etats-Unis, Les salariés quittent massivement leur travail. On parle de "Big Quit"...
(Plus de 38 millions de personnes auraient démissionné en 2021 aux Etats-Unis, dont 40 % qui n’avaient pas trouvé un autre emploi quand ils ont franchi le pas [2].

En France le phénomène prend de l’ampleur. Les chiffres de la DARES sont éloquents.
Ainsi, les démissions situées en juin et en juillet 2021 sont respectivement 10,4 % et 19,4 % au-dessus des valeurs observées deux ans auparavant. De même, les ruptures conventionnelles ont nettement évolué en juin 2021.
La hausse des fins de contrat à l’initiative du salarié ne concerne pas seulement les CDI : en juin 2021, les ruptures anticipées de CDD se situent 25,8 % au-dessus du niveau atteint deux ans auparavant. Le phénomène est donc sans appel !

Cette hausse des démissions correspond aux effets du confinement généralisé sur l’emploi. Certains employeurs n’ont pas pu compenser les incertitudes liées à la crise sanitaire avec le changement brutal des conditions de travail et le télétravail contraint.
L’engagement des salariés est en berne et parfois le contrat psychologique rompu. En effet, le contrat psychologique contrairement au contrat de travail, n’est pas formalisé et repose sur des croyances individuelles explicites et implicites et sur des obligations mutuelles. Il implique une réciprocité entre l’employé et l’employeur et induit des obligations réciproques. Quand il est rompu, le salarié sera démotivé, désengagé, moins impliqué et pourra en venir à quitter l’entreprise.

Par ailleurs, la crise a révélé l’émergence de risques psycho-sociaux jusqu’à des dépressions sévères et des burn-out ainsi que des changements de carrière avec donc de nombreuses démissions [3]. De nombreux salariés ont perdu confiance dans leur entreprise, se sont questionné sur le sens du travail et ont saisi une opportunité de changement.
Sur un marché de l’emploi favorable les candidats sont désormais en position de force sur un marché où tous les secteurs peinent à recruter, ce qui contribue également à des départs volontaires de salariés.

Les écrits en gestion se sont multipliés concernant le phénomène de la grande démission et les chercheurs explorent ce phénomène [4].

Les employeurs sont donc confrontés massivement aux démissions et la préoccupation majeure devient le recrutement, l’attraction des talents, le design du onboarding.
Une vigilance particulière doit également être portée sur la fin du contrat contrat de travail et le « offboarding ». En effet ces salariés démissionnaires peuvent devenir de futurs prospects, clients ou prescripteurs. Ils pourraient également ultérieurement décider de revenir dans l’entreprise [5].
Les entreprises sont donc actuellement démunies face à cette déferlante de démissions, d’autant que le droit du travail facilite cette forme de départ à l’initiative du salarié.

Un droit du travail qui présente un risque pour l’employeur.

La démission se définit comme la rupture unilatérale du contrat de travail à l’initiative du salarié. La démission ne se présume pas. Elle doit marquer une volonté non équivoque, claire, de rompre le contrat de travail. Le salarié n’a pas à motiver sa décision de démissionner auprès de l’employeur. Aucun formalisme n’est imposé par la loi ou la jurisprudence. La démission peut intervenir à tout moment et même en période d’essai.

La période d’essai est donc une période dangereuse pour l’employeur !
En effet, un nouvel embauché qui découvrirait qu’il n’est pas attendu, que le poste n’est pas celui décrit risque de répondre à d’autres sollicitations avant la fin de la période d’essai. En effet, on gardera à l’esprit que pour le salarié en cours de période d’essai, le délai de prévenance pour quitter l’entreprise est de 48 heures. Une durée réduite à 24 heures si la durée de présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à 8 jours [6].

Le salarié en CDI, démissionnaire quant à lui, sauf en cas de dispense, poursuit son activité jusqu’à la fin du préavis. La durée de ce préavis est fixée soit par la convention collective, soit par le contrat de travail. C’est la durée du contrat de travail qui s’applique si elle est plus courte que celle prévu dans la convention collective.
A l’issue du contrat l’employeur est tenu de remettre un solde de tout compte dont le contenu peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature.
La gestion administrative du départ du salarié ne doit pas être négligé. Le salarié doit garder une bonne image de son ex-employeur.

On veillera donc à soigner la préparation des derniers documents remis afin de ne pas laisser une impression de départ « bâclé » au salarié.

Caroline Diard Enseignant-Chercheur en Management des RH et Droit TBS Education