Village de la Justice www.village-justice.com

Associations et fondations face aux risques de corruption et infractions d’atteinte à la probité. Par Lilas Sansa Umba, Juriste.
Parution : lundi 28 mars 2022
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/associations-fondations-probite-compliance-anti-corruption-reserve,41634.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le don est devenu un mécanisme d’expression collective, participative et un instrument du pouvoir des citoyens.
Une étude réalisée par France Générosités en octobre 2019, intitulée « Le rôle, la place et l’utilité de la générosité dans le contrat social français » démontre la place de cet acte d’altruisme comme un instrument de démocratie participative, de solidarité locale et d’inclusion sociale :
- 56% des français donnent quel que soit leur niveau de revenus,
- 94% des montants des dons reçus proviennent de donateurs fidèles.

Donner permet à l’individu d’être en accord avec lui-même et ses valeurs. Expression d’un acte d’altruisme, d’un geste envers un autre ou un tiers pouvant venir en aide à des personnes en situation de difficulté, la générosité peut prendre différentes formes : le don de temps, d’argent, d’objets ou encore la mobilisation de son entourage, professionnel ou personnel.

Des organismes sans but lucratif (OSBL) interviennent dans la poursuite de buts d’intérêt général en captant ces ressources pour réaliser leur projet associatif.
Pour être reconnue d’utilité publique par décret pris en Conseil d’État après instruction du dossier par le ministère de l’Intérieur, une structure associative ou une fondation doit satisfaire à certaines conditions. En particulier, elle doit remplir un objectif d’intérêt général qui justifie l’obtention du label d’utilité publique et disposer d’une solidité financière lui permettant d’accomplir ses missions sur la durée. Cette assise financière est appréciée, selon le cas, au regard du montant minimum de sa dotation initiale (fondations reconnues d’utilité publique en sigle FRUP) ou encore de ses ressources annuelles, ou au regard de la part qu’y tiennent les subventions publiques et des résultats comptables antérieurs (associations reconnues d’utilité publique en sigle ARUP).

C’est pourquoi, une association, une fondation, un fonds de dotation et plus généralement tout organisme sans but lucratif (OSBL) ne doit pas être un moyen d’enrichissement (de « lucre » ) pour les personnes qui en assurent la gouvernance.

Ceci n’empêche pas l’association d’avoir une gestion excédentaire, si les excédents ont vocation soit à être réinvestis et à favoriser les missions sociales, soit à pérenniser l’action de l’association.

En France, la philanthropie représentait 8,5 milliards d’euros de ressources annuelles en 2019 dont 5 milliards de dons des particuliers et 3,5 milliards d’euros de mécénat des entreprises (données de France Générosités sur la base des 120 associations et fondations membres).

Les libéralités représentaient un total de 1,353 milliard d’euros en 2019.

D’après les données du ministère de l’intérieur, au 1er avril 2021, il a été recensé en France près de 1 900 associations et 660 fondations reconnues d’utilité publique.
Le rôle clé joué par les organismes sans but lucratif, particulièrement les associations et fondations reconnues d’utilité publique (ARUP et FRUP) dans la vie citoyenne et sociale ainsi que les volumes financiers en jeu témoignent d’une part de l’importance de ce secteur et d’autre part de l’exigence d’intégrité des personnes qui en assurent la gouvernance.

Du fait de leurs missions ou de leur nature, les organismes sans but lucratif (OSBL) peuvent commettre des actes répréhensibles ou être confronter à des situations risquées susceptibles de porter atteinte à leur devoir d’intégrité (I).

L’enjeu du secteur de la philanthropie conduit divers acteurs et institutions à envisager des solutions pour maîtriser les risques d’atteinte à la probité dans le cadre de la gouvernance et la gestion des dons (II).

I. Les risques d’atteinte à la probité dans la gouvernance et la gestion des dons.

Il convient tout d’abord de rappeler que le législateur a progressivement érigé différents comportements répréhensibles et néfastes pour la vie démocratique de la société en six grandes infractions, au sein du Code pénal : la corruption, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, le favoritisme dans les marchés publics, le détournement de fonds publics et la concussion.

L’usage linguistique courant utilise le vocable « corruption » pour évoquer un phénomène bien plus large que la simple infraction pénale du même nom. Il évoque ainsi différentes situations consistant à contrevenir volontairement, d’une quelconque manière, à un devoir important d’intégrité et de probité, imposé par la fonction, souvent publique, exercée par une personne.

Par commodité, ces infractions pénales sont appelées « infractions d’atteinte à la probité ».

D’après le centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) la probité est une qualité morale exercée vis-à-vis d’autrui et également vis-à-vis de soi-même par rapport à quelque chose. Ainsi la probité est synonyme de droiture, d’honnêteté, d’incorruptibilité, d’intégrité.

« La probité exacte, souveraine, nette comme l’or. Ne jamais prendre plus que son dû, et n’avoir jamais fait tort d’un liard à quiconque » (Pourrat,Gaspard,1930, p.255).

Ce qui suppose de respecter le bien d’autrui, d’observer les droits et les devoirs de la justice.

A) Atteinte à la probité par la commission d’ actes répréhensibles.

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II porte la législation française au niveau des meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption. Elle instaure de nouvelles obligations en matière de prévention et de détection des atteintes à la probité pour les acteurs privés et publics, ainsi que pour les associations et fondations reconnues d’utilité publiques (ARUP et FRUP) qui sont tenues de mettre en œuvre les mesures et procédures propres à prévenir et détecter les six délits d’atteintes à la probité prévus par le Code pénal.

La loi Sapin II a créé l’Agence Française Anticorruption (AFA). Placée auprès du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget, elle aide les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter les « atteintes à la probité ». Son expertise peut être sollicitée par les juridictions, les grandes entreprises, les administrations ou encore les collectivités.

Tout organisme sans but lucratif (OSBL), les associations et fondations reconnues d’utilité publique (ARUP et FRUP) peuvent être exposées du fait de leur nature ou de leurs missions à différentes infractions.

a) La corruption.

Il existe plusieurs infractions de corruption qui peuvent concerner un agent public français ou étranger, des personnes privées, un magistrat, un fonctionnaire international…

L’article 432-11 1° du Code pénal définit la corruption passive publique, alors que l’article 433-1 1° du Code pénal définit la corruption active publique.

De même, l’article 445-1 du Code pénal définit la corruption active privée, alors que l’article 445-2 du Code pénal définit la corruption passive privée.

Concernant la corruption d’un agent public étranger, depuis la loi du 13 novembre 2007, les articles 435-1 et 435-34 du Code pénal incriminent désormais la corruption active et passive d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d’une organisation internationale publique.

La présente étude abordera principalement la corruption d’agent public français, qui consiste à offrir à cet agent public un avantage pour qu’il exerce ou s’abstienne d’exercer un acte de sa fonction.

On parle de corruption active lorsque l’on prend en compte la situation du corrupteur ; et de corruption passive lorsque l’on prend en compte la situation du corrompu. Ces formes actives et passives se retrouvent dans tous les cas de corruption.

Exemple d’infraction de corruption : Cour de cassation, chambre criminelle, 9 novembre 1995 (n° 94-84.204).

Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer le président d’un conseil général coupable du délit de corruption passive, relève que, à l’occasion du regroupement des transporteurs du département au sein d’un système de billetterie unique, il a assuré à deux entrepreneurs de transport qu’il leur ferait obtenir une commission occulte en échange d’un prêt gratuit d’autobus pour des manifestations électorales et a écarté les services compétents du conseil général au profit d’une association créée à cette occasion, ce qui a conduit au choix de la procédure d’appel d’offres restreint, puis au lancement de cet appel d’offres avant l’adoption du cahier des charges et à l’attribution du marché, et que le prêt d’autobus dont le prévenu a ensuite bénéficié était directement lié à la perception de « pots de vin » par les entrepreneurs de transport, énonciations qui établissent la participation du prévenu à un pacte de corruption.

b) Le trafic d’influence.

Il existe plusieurs infractions de trafic d’influence qui peuvent ainsi concerner un agent public français ou étranger, des personnes privées, un magistrat, un fonctionnaire international…

L’article 432-11 2° du Code pénal définit le trafic d’influence passif par un agent public, alors que l’article 433-1 2° du Code pénal définit le trafic d’influence actif
Concernant le trafic d’influence d’agent public étranger, la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 incrimine désormais le trafic d’influence actif d’agent public étranger et le trafic d’influence actif et passif des titulaires d’une fonction publique, élective ou non dans une organisation internationale.

La présente étude abordera principalement le trafic d’influence d’agent public français, qui consiste à offrir à cet agent public un avantage pour qu’il abuse de son influence auprès d’une autre autorité.

On parle de trafic d’influence actif lorsque l’on s’intéresse à la personne qui offre l’avantage et de trafic d’influence passif lorsqu’on s’intéresse à l’agent public qui le reçoit.

Il s’agit d’une infraction proche de celle de corruption, avec la particularité qu’elle fait intervenir un intermédiaire qui monnaye son influence auprès de l’autorité publique.
Exemple d’infraction de trafic d’influence : Cour de cassation, chambre criminelle, 20 février 2008, n° 02-82676 ; 07-82110.

Un conseiller régional et président d’un parti politique était membre d’une commission d’appel d’offres, et a reconnu avoir cédé à des offres de corruption : il a accepté de recevoir des fonds d’entreprises participant aux soumissions, en contrepartie de son engagement à suivre les propositions d’un bureau d’études. Il a reçu 2 millions de francs dont l’origine a été dissimulée dans la comptabilité de l’association de financement du parti politique, par la confection de faux reçus établis au nom de donateurs fictifs. Ainsi, le trésorier de l’association a été déclaré coupable de recel de corruption et de trafic d’influence.

La perception, par un élu ou fonctionnaire, d’une rémunération dans le cadre de fonctions occupées au sein d’une association subventionnée pourrait être considérée comme constitutive du délit de trafic d’influence passif car cette rémunération pourrait être perçue comme la contrepartie de son influence pour obtenir des subventions par exemple.

Activité de plaidoyer ou lobbying des représentants d’intérêts (impliquant des contacts avec des autorités et des décideurs publics dans le but de les influencer, cette activité est soumise à une réglementation stricte rappelée sur le site de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Ce type d’activité qui s’exercerait hors du cadre légal pourrait, selon les circonstances d’espèce, exposer l’association ou la fondation à un risque de trafic d’influence.

c) Le favoritisme.

L’article 432-14 du Code pénal définit le favoritisme. Cette infraction sanctionne les manquements à la réglementation des marchés publics, lorsque ces manquements ont eu pour objet d’entraver la liberté et l’égalité d’accès des candidats aux marchés publics et ont eu pour conséquence de faire bénéficier autrui (le plus souvent une entreprise candidate) d’un avantage injustifié.

Exemple d’infraction de favoritisme : Cour de cassation, chambre criminelle, 7 novembre 2012 (n° 11-82961).

« Lorsqu’une association est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et lui procure l’essentiel de ses ressources, le juge pénal est compétent pour qualifier cette personne privée d’association transparente et en déduire que les contrats qu’elle conclut pour l’exécution de la mission qui lui est confiée sont des contrats administratifs soumis au Code des marchés publics ; d’autre part, le délit de recel de favoritisme est caractérisé à l’égard du prévenu qui bénéficie, en connaissance de cause, du produit de l’attribution irrégulière d’un marché ».

Cour de cassation, chambre criminelle, 17 février 2016 (n° 15-85363).

S’agissant d’une association transparente au sens des décisions des juridictions administratives et financières, les règles relatives aux mesures de publicité et de mise en concurrence applicables aux marchés passés au nom des collectivités territoriales s’appliquent (Cass. crim 30 juin 2004 n° 03-85946). Ici, il s’agit de l’ancien président d’une association, qui a été condamné par la Cour d’appel de Paris, à 15 mois de prison avec sursis, à une amende de 30 000 euros et à verser 32 874,56 euros de dommages et intérêts à l’association, pour abus de confiance, favoritisme et atteinte à la liberté d’accès à des marchés publics. Il aurait détourné plusieurs subventions à son profit et favorisé une entreprise dans l’attribution d’un marché public de plus de 3 000 000 euros.

d) La prise illégale d’intérêts.

L’article 432-12 du Code pénal définit la prise illégale d’intérêts. L’objectif poursuivi par cette infraction est de prohiber la confusion entre les intérêts personnels et l’intérêt général dans la gestion des affaires publiques. Elle vise à réprimer les personnes physiques qui s’exposent au soupçon de partialité et qui se placent, en connaissance de cause, dans une situation où leur intérêt propre est susceptible d’être regardé comme entrant en conflit avec l’intérêt public dont ils ont la charge.

Exemple d’infraction de prise illégale d’intérêts : Cour de cassation, chambre criminelle, 3 avril 2007, n° 06-83.801.

Le président du conseil départemental d’une ARUP qui confie à une société dirigée par les membres de sa famille des prestations effectuées pour le compte de cette ARUP et payées par elle. L’ARUP a porté plainte contre le président. Les juges ont retenu l’infraction de prise illégale d’inté­rêts du fait, notamment, que l’organisme associatif en question accomplissait une mission de service public, au sens de l’article 432-12 du Code pénal.

e) La prise illégale d’intérêts par un ancien agent public (le pantouflage).

L’article 432-13 du Code pénal définit le pantouflage. Il s’agit d’une forme de prise illégale d’intérêts susceptible d’être commise lors des départs d’agents publics vers le secteur privé : tout agent public ayant quitté ses fonctions publiques depuis moins de 3 ans ne peut obtenir un avantage (emploi, capitaux…) de la part d’une entreprise privée avec laquelle il entretenait certaines relations de travail lorsqu’il était encore en fonction.

En l’état du droit français, les ARUP-FRUP ne peuvent être concernées comme auteur de cette infraction puisque celle-ci vise les personnes physiques, agents publics. En revanche, elles pour­raient se voir reprocher le délit de recel qui y est associé.

Concernant les ARUP-FRUP, il n’existe pas de jurisprudence criminelle. Néanmoins, l’analyse des avis rendus par la Commission de déontologie de la fonction publique (avant sa fusion avec la HATVP au 01/01/2020) illustre une position nuancée sur la question. La Commission, à l’instar de la Justice, analyse chaque situation au cas par cas grâce à la méthode du faisceau d’indices (ensemble d’éléments qui, par leur convergence, permettent de prouver un fait juridique ou un acte juridique).

f) Le détournement de biens ou de fonds publics.

Le détournement de biens ou de fonds publics sanctionne l’atteinte à l’obligation de probité dont tout fonctionnaire est tenu envers la collectivité publique qui l’emploie et, indirectement, sanctionne la violation de la confiance que les particuliers sont fondés à mettre dans chacun des représentants du pouvoir. Il protège également les intérêts financiers de l’État.

Cette infraction a vocation à s’appliquer aux ARUP/FRUP chargées d’une mission de service public.

L’article 432-15 du Code pénal définit le détournement de biens ou de fonds publics par une personne publique ; tandis que l’article 433-4 du Code pénal définit le détournement de biens ou de fonds publics par toute autre personne. L’article 432-16 du Code pénal incrimine les mêmes faits lorsqu’ils sont commis par négli­gence
Exemple d’infraction de détournement de fonds publics : Cour de cassation, chambre criminelle 16 décembre 2009 (n° 09-81192).

Le président et le directeur d’une association ont été reconnus coupables de détournement de fonds publics pour avoir affecté à des établissements relevant du secteur privé de cette association des sommes versées notamment par la direction des affaires sanitaires et sociales, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, la caisse primaire d’assurance maladie et le département du Maine et Loire, parties civiles. Le préjudice né de l’infraction est constitué des fonds publics versés par les financeurs puis utilisés par le secteur « propre ».

g) La concussion.

L’article 432-10 du Code pénal définit la concussion. Il s’agit d une infraction qui consiste à réclamer en toute connaissance de cause un droit ou contribution, impôt ou taxe public non dû ou à accorder une franchise d’un droit ou contribution, impôt ou taxe public en violation de la loi.

En l’état du droit et de la jurisprudence, les ARUP-FRUP ne peuvent être concernées comme auteur de cette infraction. Par contre, elles pourraient se voir reprocher le délit de recel qui y est associé.

Le recel de concussion est répréhensible. Il consiste dans le fait à bénéficier des conséquences d’un tel acte et peut donc être reproché aux ARUP-FRUP.

Exemple d’infraction de concussion : Cour de cassation, chambre criminelle, 13 mars 2018 (n° 17-86548).

Un maire a été condamné pour concussion, prise illégale d’intérêts, et recel de ces délits en ce qu’il a octroyé, sans paiement d’une redevance, à une association une autorisation de tournage d’un film dans les locaux municipaux. L’association a été condamnée du chef de recel de concussion.

B) Atteinte à la probité dans des situations porteuses de risques.

a) Les risques dans la gouvernance de l’organisation.

1. Les enjeux et risques pesant sur les dispositifs administratifs.

Les enjeux :

Les différentes instances participant à la gouvernance de l’organisation ont pour objet principal d’assurer une gouvernance équilibrée et transparente.

Ainsi, en matière d’organisation, le respect scrupuleux de ces dispositifs administratifs contribue à la maîtrise des risques d’atteinte à la probité auxquels peuvent être exposées les associations reconnues d’utilité publique (ARUP) et les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP). Néanmoins, ils ne constituent qu’un socle minimal que toute organisation a le loisir de renforcer.

Les situations à risques :
- Les modifications organisationnelles ou les créations de structures (internes ou externes) peuvent compromettre, même involontairement, l’équilibre des instances et la transparence des décisions prises ;
- La modification des règles régissant la structure de l’organisation ne nécessitant pas une modification des statuts validée par le ministre de l’Intérieur après avis du Conseil d’État ou du règlement intérieur validé par le ministère de l’Intérieur : par exemple, modification des règles relatives à l’établissement de l’ordre du jour d’une assemblée générale ou au dépôt de candidatures au conseil d’administration ;
- L’évolution, notamment dans la pratique quotidienne, du partage des rôles et missions entre les différents responsables de l’organisation. Le cumul de fonctions, même de façon non-officielle, peut entraîner un pouvoir excessif qui déséquilibre la gouvernance et porte atteinte à la transparence de certaines décisions ;
- L’existence ou l’apparition en cours de mandat de conflits d’intérêts pour les membres des instances dirigeantes ;
- L’existence de règles insuffisamment précises concernant les différents aspects du fonctionnement démocratique de l’organisation. De telles règles empêchent une prise de décision transparente et peuvent entraîner un déséquilibre entre les instances de l’organisation.

2. Les enjeux et risques dans l’organisation financière et comptable.

Les enjeux :
- Le maniement des fonds doit être un point de vigilance renforcé ;
- Les associations reconnues d’utilité publique (ARUP) et les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP) doivent instaurer des règles de gestion précises en matière financière et comptable. Il sera nécessaire de mettre en place des contrôles internes et comptables pour s’assurer du bon respect de ces règles.

Les situations à risques :
À chaque nature des fonds (numéraire, chèque, dématérialisés) correspondent des risques spécifiques. Tout maniement de fonds est par nature porteur de risque :
- L’absence de procédures spécifiques et formalisées augmente ce risque ;
- Le risque porte tant sur les dons ou les subventions que sur les frais de fonctionnement des organisations (salaires, frais divers etc.) ;
- De même, les demandes de subventions publiques et la soumission aux marchés publics portent intrinsèquement des risques spécifiques.

3. Les risques dans le traitement des reçus fiscaux.

Le cas d’un membre permanent de l’organisation qui émet des reçus fiscaux sans lien avec une donation (ex : au profit d’un membre de la famille d’un collaborateur de l’organisation). Cette situation est susceptible d’être qualifiée pénalement d’abus de confiance pour le permanent et de recel d’abus de confiance pour la personne ayant obtenu le reçu fiscal, mais également de corruption active et passive en cas de contrepartie à la remise de ce reçu fiscal. Enfin, des poursuites pour fraude fiscale et complicité pourraient également être envisagées.

4. Les risques dans le fonctionnement de l’organisation.

- L’absence de formalisation des procédures de détection et de gestion des conflits d’intérêts, par exemple pour les personnes participant aux instances d’examen d’octroi de financements à des tiers ou aux processus de recrutement des salariés de la structure est par nature porteur de risque ;
- Le manque de transparence dans la politique « cadeaux ». Si les cadeaux et invitations sont des actes ordinaires de la vie des affaires et ne constituent pas, en tant que tels, des actes de corruption, certaines modalités (nature, montant, contexte) peuvent constituer une contrepartie et exposer les organisations à un risque dont il faut se prémunir. Ce risque concerne tant les cadeaux reçus qu’offerts.

b) Les risques dans la gestions des dons.

1. Risques lors de prospection, collecte et réception de don.

- Les détournements des dons en liquide lors des collectes publiques.

Les dons en liquide peuvent être collectés sur la voie publique soit par les membres de l’organisation, soit par des tiers.

Il convient de distinguer ces deux situations :

- Les détournements des dons en liquide collectés par les membres de l’organisation.

Le cas d’un risque de détournement : à l’issue d’une collecte sur la voie publique, un bénévole part avec un tronc au lieu de le restituer à l’organisation.

À l’issue d’une collecte, une partie des dons en liquide est détournée par un permanent chargé de récupérer les troncs.

Ces situations sont susceptibles de revêtir les qualifications pénales suivantes :
- vol : soustraction frauduleuse du tronc contenant le produit de la collecte ;
- abus de confiance : détournement frauduleux des fonds qui avaient été remis à la personne charge à elle de les donner à l’organisation ;
- détournement de fonds publics : si le détournement est par exemple réalisé au sein d’une ARUP/FRUP chargée d’une mission de service public. Les fonds peuvent être d’origine publique ou privée.

- Les détournements des dons en liquide par des tiers chargé de collecte.

Un autre cas de risque de détournement : dans le cadre d’action de collecte sur la voie publique, le tiers missionne plus d’agents sur le terrain que le nombre prévu par la convention et détourne les dons collectés par ces agents supplémentaires avec des troncs n’appartenant pas à l’organisation. Cette situation est susceptible de revêtir la qualification pénale d’abus de confiance (détournement frauduleux des dons qui avaient été remis au tiers, qui aurait dû les donner en intégralité à l’organisation).

Un membre de l’organisation tierce met en place un stratagème permettant de détourner une partie des fonds lors de leur remise dans les troncs par les donateurs. Cette situation pourrait revêtir la qualification d’escroquerie par l’emploi de manœuvres frauduleuses.

Le comptable de l’organisation tierce détourne une partie des fonds entre la fin de la collecte et leur remise à l’organisation. Il pourrait alors s’agir d’abus de confiance, voire de détournement de fonds publics si les faits sont commis au sein d’une ARUP/FRUP chargée d’une mission de service public.

- Les détournements des dons en liquide à leur réception hors collecte sur la voie publique.

Le cas d’un risque de détournement : un salarié en difficultés financières récupère un don en liquide déposé anonymement dans la boîte aux lettres de l’organisation ou envoyé par la poste, afin de payer ses dettes. Cette situation peut être constitutive d’un vol, voire de détournement de fonds publics au sein d’une ARUP/FRUP chargée d’une mission de service public.

- Les détournements de dons réalisés par virement bancaire.

Un autre cas de risque de détournement : un permanent de l’organisation diffuse son RIB à la place de celui de l’organisation afin de détourner les dons effectués par virement avant même que ceux-ci ne soient versés sur le compte de l’organisation. Cette situation est susceptible de revêtir la qualification pénale d’escroquerie.
Un membre permanent de l’organisation ou un tiers modifie le dispositif de versement des dons sur le site de l’organisation afin que les virements soient effectués directement sur un compte dont il est titulaire. Cette situation est susceptible de revêtir la qualification pénale d’escroquerie, voire de détournement de fonds publics si les faits sont commis par un employé d’une ARUP/FRUP chargée d’une mission de service public.

- Les dons effectués de façon intéressée (le don intéressé).

Un membre de l’instance de gouvernance accepte un don en faveur de son organisation en échange de l’embauche de la fille du donateur. Cette situation est susceptible de revêtir la qualification pénale de corruption active pour le donateur et de corruption passive pour le membre de l’instance dirigeante. Si cet emploi est fictif, l’organisation pourrait également être poursuivie pour abus de confiance, voire détournement de fonds publics (si ARUP/FRUP chargée d’une mission de service public) et le bénéficiaire de l’emploi fictif pour recel.

Dans le cadre des ARUP/FRUP qui ont la qualité de pouvoir adjudicateur, si une instance de gouvernance attribue un marché public à un généreux donateur en ne respectant pas les règles de la commande publique, en plus des infractions de corruption active et passive, l’infraction de favoritisme pourrait être constituée à l’encontre de l’organisation et de ses dirigeants et celle de recel de favoritisme pourrait être retenue contre le donateur.

Un responsable de l’organisation qui accepte d’intervenir auprès d’un tiers pour essayer de faire attribuer un marché public à un donateur en échange d’un don important pour son organisation ; cette situation est susceptible de revêtir la qualification pénale de trafic d’influence actif pour le donateur et de trafic d’influence passif pour le responsable de l’organisation.

2. Risques lors du traitement du don.

- Les détournements des dons en liquide lors de la manipulation des fonds.

Le cas d’un risque de détournement : Les membres permanents chargés de comptabiliser les fruits d’une collecte décident d’en prendre une partie pour acheter un cadeau à un responsable de l’organisation qui part en retraite.

Autre cas : la personne chargée de la remise des fonds en banque profite du trajet pour en soustraire une partie qu’elle reverse à une autre association qu’elle sait être dans le besoin.

Le comptable de l’organisation qui profite de son accès au coffre pour récupérer une partie des dons mis en sécurité pour son usage personnel (par exemple : payer des frais médicaux ou les études de ses enfants) et il falsifie les écritures comptables afin que ces retraits ne soient pas détectés.

Dans toutes ces situations, les mis en cause pourraient être poursuivis pour abus de confiance ou vol. Le comptable pourrait en outre être poursuivi pour faux.

- Les détournements de dons reçus par chèque bancaire.

Le cas d’un risque de détournement : une personne crée une association au nom approchant de celui de l’organisation et détourne des chèques envoyés à cette dernière en les encaissant sur le compte de son association. Ces faits sont susceptibles de revêtir la qualification pénale d’escroquerie.

Autre cas : un salarié de l’organisation encaisse un chèque sans ordre envoyé à l’organisation sur un compte bancaire ne figurant pas dans la liste des comptes de l’association (ex : cas des structures locales de l’association mère) ou sur un compte personnel. Le mis en cause pourrait alors être poursuivi pour abus de confiance, voire détournement de fonds publics (ARUP/FRUP chargée d’une mission de service public).

- Les détournements des dons reçus par virement.

Un membre de l’organisation monte un circuit financier permettant le transfert de certains virements bancaires vers un compte de l’association auquel il est le seul à avoir accès. Les faits sont susceptibles de revêtir la qualification pénale d’abus de confiance, voire de détournement de fonds publics (ARUP/FRUP chargée d’une mission de service public).

- L’usage du don non-conforme à la volonté du donateur.

Le non-respect de la volonté du donateur peut s’illustrer dans le cas suivant : des dons collectés dans le cadre d’un événement calamiteux (inondations, ouragan etc.) sont finalement utilisés pour un autre projet de l’organisation sans que cette possibilité ait été prévue lors de la collecte.

Autre cas : une personne lègue tout son patrimoine à une association en conditionnant son emploi à une réalisation précise. Or, l’exécuteur testamentaire est également trésorier d’une des délégations de l’association et remet des meubles et des sommes d’argent à des dirigeants de cette organisation contrevenant ainsi à la volonté du testateur. Cette situation est susceptible d’une qualification pénale d’abus de confiance.

- Les dons non-conformes aux statuts de l’organisation.

Le don est non-conforme aux statuts de l’organisation lorsqu’un organisme reçoit un legs d’un donateur qui souhaite financer une action sociale en Afrique alors que l’objet social de l’organisation, tel qu’il ressort de ses statuts, est d’aider les plus démunis sur le territoire national. L’organisation entreprend néanmoins les démarches pour accepter ce legs.

Autre cas : un membre de l’instance de gouvernance participe à la décision d’affecter, contrairement aux statuts de l’organisation, une partie d’une collecte de fonds à une autre organisation que par ailleurs il préside.

Ces affectations de fonds par voie testamentaire relèvent de la compétence de l’instance dirigeante de l’ARUP/FRUP. Il n’existe plus de contrôle externe. Néanmoins, le second exemple met en avant une situation susceptible de revêtir les qualifications pénales de prise illégale d’intérêts pour le dirigeant et d’abus de confiance pour l’organisation.

- Le détournement en cas de dissolution d’une organisation.

Les ayants droit d’une fondation décident de sa dissolution en espérant récupérer la dotation initiale et les sommes ou biens non encore utilisés. La situation est susceptible d’être qualifiée pénalement d’abus de confiance ou de détournement de fonds publics (si l’organisation est chargée d’une mission de service public).

- Les dons à l’international.

En cas de don intervenant entre deux fondations ressortissant de pays membres de l’Union européenne, un reçu fiscal du pays d’origine est établi en passant par un intermédiaire : Transnational giving Europe (TGE). L’argent est ainsi versé à une fondation du pays donateur puis versé à l’organisme sans but lucratif (OSBL) final. Ainsi dans le cadre d’accords coordonnés par la Fondation de France avec différentes fondations en Europe, la fondation du pays donateur assure les diligences fiscales requises, garantes de conformité pour le donateur et pour le destinataire final. Les flux financiers requis depuis l’étranger passent en outre par un établissement bancaire engagé dans la lutte contre le blanchiment, de manière à prévenir le risque de blanchiment de capitaux issus d’activités illicites.

II. Les bonnes pratiques et le devoir de vigilance pour limiter les risques.

L’enjeu du secteur de la philanthropie a conduit l’Agence française anticorruption (AFA) à élaborer un recueil de fiches pratiques pour sensibiliser les parties prenantes aux risques d’atteinte à la probité, en prenant appui sur l’expertise du Don en confiance et de France Générosités.

A) Bonne pratique et vigilance dans la gouvernance.

a) La vigilance dans la gouvernance de l’organisation.

- Les objectifs poursuivis dans le cadre de la vigilance.

La gouvernance d’une entité d’intérêt général fixe à la fois le cadre et le cap pour réaliser sa mission, ainsi que les principales conditions de son fonctionnement. Les bonnes pratiques et la vigilance dans la gouvernance d’un organisme sans but lucratif (OSBL) permettent de clarifier, pour toutes les parties prenantes internes et externes, à la fois qui il est, où il va. Il explicite comment la vision se traduit concrètement.

- Les solutions et bonnes pratiques proposées.

Un exemple de bonne pratique en matière de vigilance dans la gouvernance d’une entité d’intérêt général consiste à mettre en place une organisation interne (structure, procédures…) respectant a minima les principes exposés par les statuts-types.

Tout changement des structures de l’organisation et toute modification des règles de fonctionnement interne :
- ne doit pas porter atteinte à la transparence des décisions prises par les différentes instances de l’organisation ;
- ne doit pas favoriser le cumul de fonctions par les mêmes personnes ;
- doit garantir l’équilibre entre les instances de l’organisation ;
- peut faire l’objet d’une étude d’impact publique exposant les changements d’équilibre qu’implique la réforme en question ;
- doit faire l’objet d’un vote de l’assemblée générale.

Concernant les conflits d’intérêts, si les statuts-types évoquent clairement ces hypothèses et la manière de les gérer, la vigilance des personnes concernées devra être attirée sur la néces­sité de régulièrement s’assurer de ne pas être confrontées à une telle situation. Ainsi :
- les personnes disposant d’un mandat électoral ou ayant des fonctions au sein d’une entité chargée une mission de service public, par exemple, devront être tout particulièrement attentives aux situations nécessitant leur déport ;
- en cas de permanence ou de récurrence du conflit d’intérêts, la personne devra envisager de renoncer à l’intérêt posant des difficultés afin de ne pas obérer la capacité opérationnelle de l’instance dirigeante ;
- pour éviter certaines situations, le législateur assujettit les ARUP/FRUP au régime général des conventions réglementées. Cette procédure permet d’officialiser une situation porteuse d’un conflit d’intérêts et que la décision soit prise par l’organe exécutif et portée à la connaissance de l’organe délibératif afin de garantir la transparence de la décision ;
- dans le fonctionnement quotidien de l’ARUP/FRUP, une bonne coordination des services et l’existence de règles formalisées (notamment en matière d’achats) permettront également d’éviter toute situation pouvant mener à des prises illégales d’intérêts. Cette coordination est par exemple indispensable entre les services « achats et « mécénat ».

Les organisations peuvent déployer des dispositifs supplémentaires par rapport à ce que prévoient les statuts-types, notamment en matière de prévention et de détection des conflits d’intérêts (ex : déclaration d’intérêts de tous les membres des organes dirigeants, régulièrement actualisées ; dispositif « muraille de Chine »). Ces dispositifs peuvent être prévus dans les statuts, le règlement intérieur mais également dans tout autre document tel que charte des administrateurs, procédures internes…

Prévoir, notamment dans le règlement intérieur, des règles précises concernant tous les aspects du fonctionnement démocratique de l’organisation (désignation des membres/ collèges, droit de vote, délégations de pouvoir et de signature, organisation des assemblées générales…)

Assurer une tenue régulière des conseils d’administration et des comités statutaires.
Veiller au respect du renouvellement et à la représentativité des instances dirigeantes au sein des ARUP.

Veiller à la présence effective des membres de droit au sein des FRUP, notamment du représentant de l’État, à leur participation active et à leur remplacement en fin de mandat.

b) La vigilance dans l’organisation financière et comptable.

- Les objectifs poursuivis dans le cadre de la vigilance.

Les bonnes pratiques et la vigilance dans l’organisation comptable permettent d’une part de préciser les moyens mobilisés pour réaliser les missions d’intérêt générale, d’autre part de détailler comment l’entité fait preuve de transparence sur les ressources mobilisée pour agir et surtout d’anticiper les nécessaires transformations lorsqu’elle y est confrontée. La dimension de « bonne gestion » ainsi structurée permet non seulement de rendre compte et de valoriser la capacité de l’entité à bien gérer, mais aussi à établir avec ses parties prenantes un dialogue.

- Les solutions et bonnes pratiques proposées.

L’une des solutions consiste notamment à s’appuyer à la fois sur une comptabilité générale régulière, sincère et contribuant à donner une image fidèle, sur une information financière de qualité, lisible, accessible et largement diffusée, ainsi que sur un outil de gestion budgétaire performant, cohérent et fiable.

Une autre solution réside dans la conservation du numéraire dans un lieu sécurisé et de formaliser les règles relatives à son maniement (transport, remise, enregistrement, accès, sortie etc.), dont le respect devra être contrôlé.

De même, concernant les comptes bancaires, des procédures formalisées doivent prévoir les personnes habilitées à réaliser des opérations, à détenir le chéquier ou la carte bancaire, à signer les chèques, les montants pouvant être engagés etc
Concernant les fonctions de direction (président, président du conseil d’administration, président du directoire) et de trésorier ou comptable, ils ne doivent pas être réunies dans les mêmes mains. En effet, afin de s’assurer du bon emploi des fonds de l’organisation, il est préférable qu’une seule personne ne maîtrise pas toute la chaîne des dépenses et que ces processus d’engagement des dépenses soient formalisés.

De même, les remboursements de frais doivent faire l’objet de procédures formalisées permettant de s’assurer de la juste cause de la demande. Il en est de même des éventuels avantages en nature (logement, voiture, téléphone…) pouvant être associés à certaines fonctions dirigeantes. Par exemple, les statuts de certaines organisations prévoient que les assemblées générales prennent connaissance des sommes remboursées aux administrateurs au titre de leurs frais de missions, ce qui constitue une bonne pratique.

En matière de ressources humaines, les procédures doivent permettre d’éviter tout pouvoir discrétionnaire concernant la fixation, l’augmentation des salaires ou des primes par exemple. La multiplicité d’acteurs intervenant dans le processus de décision permet de se prémunir de ce genre de risque. Pour mémoire, les statuts-type rappellent que les membres du conseil d’administration d’une ARUP ou d’une FRUP ne sont par principe pas rémunérés. Le législateur a strictement encadré les exceptions à ce principe tant sur le montant de l’indemnité accordée que sur la procédure à respecter afin de garantir la transparence et la modération de cette rémunération.

Concernant les FRUP, les relations avec les tiers, dans le cadre de partenariats ou de mécénats doivent respecter des règles rigoureuses. Par exemple la convention doit lister et quantifier précisément les contreparties accordées afin de limiter les demandes abusives de la part du mécène a posteriori (risque de déséquilibre de la contrepartie). Par ailleurs, cela permet de valoriser ces contreparties et de garantir une traçabilité en cas de contrôle fiscal. Ainsi, il convient dans la convention de préférer la mention « ’organisation se verra remettre 10 places pour tel événement » plutôt que « l’organisation se verra remettre des places pour tel évènement ». De même, il peut être judicieux de préciser que ces contreparties ne peuvent pas être utilisées à des fins commerciales (ex : revendre ces places ou les faire gagner à ses salariés par une tombola payante).

En matière d’achats, la transparence implique également des procédures formalisées afin de prévenir les risques d’atteinte à la probité. Par ailleurs, l’instauration de contrôles ou d’audits, internes ou externes, en la matière, ne peut que renforcer la démarche de transparence. En outre, les mesures de bonne gouvernance, comme le renouvellement des instances dirigeantes, permettent de détecter et de mettre fin à toute situation à risque.

De même, la formalisation des règles assure la bonne gestion des ressources de l’ARUP/FRUP. Ainsi, la Cour des Comptes recommande la mise en place d’outils de pilotages efficaces qui permettent le contrôle budgétaire des ressources de l’ARUP/FRUP. Par exemple : la conformité du compte emplois ressources aux dispositions réglementaires, l’adoption d’une comptabilité analytique, la formalisation des procédures d’engagement de dépense, le respect rigoureux des règles de distinction entre dons donnant droit ou non à avantage fiscal lors de la délivrance des reçus fiscaux et le suivi de ces reçus, l’uniformisation de ces procédures à toutes les structures de l’ARUP/FRUP etc.

c) La vigilance dans le traitement des reçus fiscaux.

L’une des solutions consiste à mettre en place une procédure encadrant la délivrance des reçus fiscaux.

Pour rappel l’article 222 bis du Code général des impôts (loi n° 2021-1109 du 24 août 2021) prévoit que les organisations sont tenues de

« déclarer chaque année à l’administration fiscale, dans les dé­lais prévus à l’article 223, le montant global des dons et versements mentionnés sur ces documents et perçus au cours de l’année civile précédente ou au cours du dernier exercice clos s’il ne coïncide pas avec l’année civile ainsi que le nombre de documents délivrés au cours de cette période ou de cet exercice ».

Une autre solution réside dans la mise en place de contrôles internes qui peuvent comprendre jusqu’à trois niveaux (Cf. Recommandations de l’AFA parues au Journal officiel du 12 janvier 2021, notamment § 547 et suivants).

d) La vigilance dans le fonctionnement de l’organisation.

La formalisation des procédures de détection et de gestion des conflits d’intérêts peut prendre la forme d’un document rempli par chaque participant démontrant l’analyse préventive de la situation de chacun qui, couplée aux procédures de contrôles interne et comptable démontre le souci de transparence et de bonne gestion de l’association ou de la fondation. Le développement d’une culture de l’intégrité au sein de l’organisation favorise également les déclarations spontanées en cas de découverte d’une nouvelle situation de conflit d’intérêts en cours de mandat/processus.

Concernant la politique « cadeaux », il est préconisé :
- la rédaction d’un document qui peut être intégré ou annexé au règlement intérieur de l’organisation, et qui fixe précisément les règles concernant les avantages en nature (cadeaux, invitations), reçus ou donnés. Ces règles pourront par exemple concerner le montant maximal acceptable, l’obligation de signalement, le type de cadeaux nécessitant un accord du supérieur ou de toute autre personne spécialement désignée à cet effet, les périodes où tout cadeau est interdit, etc ;
- la sensibilisation de l’ensemble des personnels, notamment ceux les plus exposés (gestionnaire RH, gestionnaire de marchés publics ou des subventions publiques, gestionnaire des fonds et biens de l’ARUP-FRUP, attributaire d’un pouvoir de déci­sion vis-à-vis de tiers etc.).

e) Labels et certifications de confiance.

Ce secteur de la philanthropie s’est doté de labels (Label Don en Confiance, label IDEAS, ou référentiel de certification de services) dont les bonnes pratiques promues dans ces démarches peuvent servir de support pour développer des dispositifs anticorruption efficaces.

Ces labels sont un vecteur de confiance pour les financeurs (philanthropes, mécènes et acteurs institutionnels) et les partenaires.

L’Agence Française Anticorruption (AFA) dispose d’un pouvoir de contrôle administratif lui permettant de vérifier la réalité, la qualité et l’efficacité des mécanismes de conformité anticorruption mis en œuvre, notamment par les entreprises (article 17 de la loi), les administrations de l’État, les col­lectivités territoriales mais également les associations et fondations reconnues d’utilité publique (article 3). Elle publie un guide proposant des bonnes pratiques pour maîtriser le risque d’atteinte à la probité en matière de gouvernance et de gestion du don pour les Associations et fondations reconnues d’utilité publique.

L’AFA a élaboré ce recueil de fiches pratiques en prenant appui sur l’expertise du Don en Confiance et de France Générosités.

Il a pour but :
- d’aider les ARUP et FRUP, en complément des recommandations de l’AFA, à concevoir ou mettre à jour leur dispositif anticorruption ;
- de mettre en avant les caractéristiques des organisations faisant appel à la générosité du public et décliner en fonction de leur profil de risques et des processus qu’elles mettent en œuvre, les manquements ou atteintes à la probité publique auxquels elles peuvent potentiellement s’exposer.

Le Don en Confiance a été créé en 1989 avec la volonté de préserver et développer une relation de confiance avec les donateurs. Il y a plus de trente ans, cette organisation à but non lucratif a fondé une Charte de déontologie. Ce qui lui permet d’exercer une mission de contrôle de l’appel public à la générosité basé sur des principes de transparence, de recherche d’efficacité, de probité et désintéressement, et de respect des donateurs, personnes physiques et morales. Le respect des règles de déontologie contenues dans la Charte du Don en Confiance détermine l’octroi du label « Don en Confiance » aux organisations qui en font la demande. Le renouvellement du label se fonde sur le contrôle continu et indépendant des engagements auxquels elles souscrivent.

Les exigences contenues dans la charte du Don en Confiance peuvent guider les organisations dans l’analyse de leur gouvernance, afin de s’assurer qu’elles sont administrées de manière à assurer le pilotage de leurs activités et le désintéressement de leurs acteurs :
- l’organisation définit clairement les modes de fonctionnement de ses instances. Elle les décrit dans les statuts, éventuellement complétés par le règlement intérieur ou tout autre document en tenant lieu ;
- les administrateurs et dirigeants exercent leurs responsabilités sans chercher à en retirer un avantage personnel ;
- le Conseil d’administration se donne les moyens de piloter les missions de l’organisation.

Ces trois exigences sont déclinées en une quinzaine de règles, dont certaines très détaillées, qui en précisent l’objectif et le contenu.

B) Bonnes pratiques et vigilance dans la gestion des dons.

1. Bonnes pratiques et vigilance lors de prospection, collecte et réception de don.

- Vigilance des dons en liquide lors des collectes publiques,
- Collecte des dons en liquide par les membres de l’organisation.

Quelques bonnes pratiques à adopter lors de collecte de don en liquide par les membres :
- Actions de sensibilisation et formation des bénévoles chargés de collecter les dons, au cours desquelles ils signent un engagement d’honorabilité, des rappels étant, par ailleurs, réguliè­rement effectués ;
- Insertion de dispositions relatives à la probité dans le code éthique, notamment concernant les modalités des collectes sur la voie publique (permanents) ;
- Mise en place de procédures et de procédés techniques empêchant tout détournement de dons lors de la collecte, notamment sur la voie publique (ex : troncs scellés, numérotation des troncs, suivi de l’attribution des troncs, collégialité des décomptes…).

Concernant la rémunération des acteurs de collecte : il est recommandé aux organisations de ne pas mettre en place une rémunération liée au montant des sommes collectées. Cette recom­mandation s’adresse aussi bien aux acteurs internes (salariés et bénévoles) qu’aux agences, conseils et prestataires contribuant à générer de la collecte de fonds. Dans le cadre des appels de fonds par toute autre méthode que celle du publipostage, l’organisation peut, par exception, pratiquer des rémunérations assises sur le nombre de dons, sauf pour les acteurs internes.

- Collecte des dons en liquide par des tiers.

Ces collectes organisées par un tiers font l’objet de conventions écrites. L’organisation contrôle l’utilisation de sa dénomination, son logo, sa marque et l’ensemble de la communication de l’opération, ainsi que tous les éléments déterminant les versements qui lui seront faits par des tiers. Ces tiers contractants peuvent faire l’objet d’une évaluation de leur intégrité.

Concernant la rémunération des acteurs de collecte : il est recommandé aux organisations de ne pas mettre en place une rémunération liée au montant des sommes collectées. Cette recommandation s’adresse aussi bien aux acteurs internes (salariés) qu’aux agences, conseils et prestataires contribuant à générer de la collecte de fonds. Dans le cadre des appels de fonds par toute autre méthode que celle du publipostage, l’organisation peut, par exception, pratiquer des rémunérations assises sur le nombre de dons, sauf pour les acteurs internes.

En matière de maîtrise des décisions de gestion des appels de fonds :
- l’organisation veille à ne pas laisser aux mains d’un seul fournisseur un ensemble de fonctions permettant à celui-ci d’avoir la maîtrise complète du processus de collecte de fonds ;
- elle confie les prestations de services liées à la collecte à des prestataires différents (notamment ceux chargés de la communication et de la gestion du fichier des donateur ;
- les relations entre l’agence, les sous-traitants et les éventuels mandataires sont suf­fisamment transparentes et connues par l’organisation, notamment les liens de groupes et autres relations ;
- les prestataires de services ne peuvent encaisser des commissions de la part de leurs sous-traitants et mandataires éventuels.

Dans le cas où l’organisation est amenée à confier tout ou partie du traitement de sa base de données informatique et/ou du traitement des paiements (enregistrement de chèques…) :
- elle contrôle les circuits de traitement des dons et d’émission des reçus pour éviter tout détournement ;
- elle ne rémunère pas ces prestataires par un pourcentage prélevé sur la collecte enregistrée.

Une autre bonne pratique consiste à l’octroi de formations aux personnes chargées de collecter les dons au cours desquelles elles signent un engagement d’honorabilité.

- Les dons en liquide à leur réception hors collecte sur la voie publique.

Quelques bonnes pratiques à adopter lors de la réception de don en liquide :
- engagement d’honorabilité des personnes chargées de l’accueil ou de l’ouverture du courrier (bénévoles) ou introduction de dispositions particulières dans le code de conduite (permanents) ;
- mise en place de procédures encadrant l’ouverture du courrier : présence a minima de deux personnes, inscription de chaque somme sur un registre, dépôt dans un coffre en attendant un dépôt rapide en banque etc ;
- établissement d’un processus pour l’acceptation de dons anonymes ;
- formation des personnes aux procédures.

- Les dons réalisés par virement bancaire.

Quelques bonnes pratiques à adopter pour les dons réalisés par virement :
- mentions particulières dans le code de conduite pour les missions spécifiques des personnes affectées au service comptable,
- facilité d’accès aux données nécessaires pour faire un don par virement, notamment sur le site Internet officiel de l’organisation, et/ou mise en place d’un dispositif technique permettant de faire un don par virement directement sur le site Internet de l’organisation en mettant en place toutes les sécurités nécessaires,
- mise en place de contrôles internes.

- Les dons effectués de façon intéressée.

Quelques bonnes pratiques à adopter pour les dons intéressés :
- mise en place de procédures dans les différents processus métiers et opérations de support afin de limiter les risques. Ces procédures sont adaptées aux caractéristiques de l’organisation (taille, nombre de salariés, statut d’ordonnateur public, réception de subventions…),
- formation des permanents et des membres de l’instance de gouvernance au risque d’atteinte à la probité et aux procédures mises en place en interne pour prévenir ce risque. Les bénévoles peuvent également être sensibilisés en la matière,
- mise en place d’un dispositif d’alerte interne permettant de signaler toute situation d’atteinte à la probité, avec un référent chargé de traiter de manière indépendante ces alertes.

2. Bonnes pratiques et vigilance lors du traitement du don.

- Les dons en liquide lors de la manipulation des fonds.

La vigilance et les bonnes pratiques consistent notamment à mettre en place des procédures encadrant l’enregistrement des fonds et toutes les manipulations : inscription sur un registre de toutes les manipulations, pochettes scellées, présence (et visa) a minima de deux personnes, présence d’un membre de l’instance de gouvernance/ trésorier à partir d’un certain seuil, possibilité d’installation de dispositifs techniques de vidéo-surveillance, changement régulier de la combinaison du coffre, traçabilité du dépôt en banque, etc.

- Les dons reçus par chèque bancaire : vigilance et les bonnes pratiques à adopter
Afin de limiter les risques d’escroquerie, d’abus de confiance, voire de détournement de fonds publics, il est recommandé de mettre en place une procédure encadrant l’encaissement des chèques : présence (et visa) a minima de deux personnes, inscription sur un registre, endossement par double signature, numéro de compte marqué grâce à un tampon, photocopie des chèques endossés, dépôt dans un coffre en attendant un dépôt rapide en banque etc. Établir un processus pour le traitement des chèques sans ordre.

- Les dons reçus par virement : pour limiter les risques d’abus de confiance, voire de détournement de fonds publics, il est possible de mettre en place des procédures encadrant l’ouverture et l’usage des comptes bancaires de l’or­ganisation autorisation(s) à obtenir pour ouvrir un compte au nom de l’organisation, double accès à tous les comptes de l’organisation… sans oublier la mise en place de contrôles internes et externes.

- Le don non-conforme à la volonté du donateur.

Plusieurs outils peuvent être mis en place pour éviter de commettre des infractions d’atteinte à la probité :
- un inventaire physique des dons au moment de leur réception, et ce de manière immédiate, car tout retard modifie la situation ;
- un corpus précisant les modalités de réalisation des dons et de dépôt des fonds qui peuvent être liés et identification des personnes habilitées à les recevoir ;
- une évaluation de l’importance globale des dons dans la masse des ressources de l’association ;
- une identification, un classement des contrats, originaux, doubles, copies etc., puis comparaison des exigences d’affectation des legs avec l’utilisation réelle qui en est faite.

Il convient d’identifier le moment et/ou la décision qui a fait basculer le montage vers une utilisation détournée. Cela permet de déterminer, dans le processus de décision, quelle est l’étape au cours de laquelle des mesures correctives doivent être mises en œuvre pour éviter la réitération du risque.

Rédaction d’un guide « dons et legs » afin d’informer le donateur sur les mesures prises en matière de transparence, sur les conséquences fiscales des dons et legs, les charges à venir etc.

- Les dons non-conformes aux statuts de l’organisation.

Quelques bonnes pratiques pour éviter les risques d’infractions d’atteinte à la probité :
- les dons doivent être refusés s’ils ne correspondent pas aux missions définies par les statuts de l’organisation ou si l’affectation souhaitée ne peut être respectée,
- si l’organisation est susceptible de réaffecter une partie des fonds collectés, cette latitude est précisée dans l’appel aux dons et notamment dans le support de réponse accompagnant ce dernier,
- les situations de conflits d’intérêts doivent être identifiées le plus amont possible pour permettre le déport des personnes concernées.

- En cas de dissolution d’une organisation.

La situation est susceptible d’être qualifiée pénalement d’abus de confiance ou de détournement de fonds publics (si l’organisation est chargée d’une mission de service public).

En cas de dissolution d’une fondation, « les sommes et les biens qui n’ont pas été utilisés ne peuvent pas être repris par les fondateurs. Ils doivent être confiés à une autre fondation ou à une association, poursuivant un but comparable ou compatible ». Il faut donc encadrer ce processus de dissolution pour s’assurer que la dévolution de l’actif résiduel respecte les dispositions légales.

- Les dons à l’international.

Dans tous les cas, y compris celui de l’urgence humanitaire, qui impose une grande réactivité et des interventions parfois dans des États faillis, une garantie peut être apportée, dans l’ARUP/FRUP qui mobilise ses moyens en partie issus de dons, en recourant à l’examen systématique des projets par le Conseil d’administration. Cette pratique est de nature à garantir une décision collégiale et prévenir le risque que l’urgence puisse conduire à une affectation non-conforme des fonds.

Source : Recommandations destinées à aider les personnes
morales de droit public et de droit privé à prévenir
et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence,
de concussion, de prise illégale d’intérêts,
de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Lilas Sansa Umba Juriste