Village de la Justice www.village-justice.com

Déclaration récognitive de nationalité : père et mère, mêmes effets ! Par Louis Laguoué, Avocat.
Parution : vendredi 5 août 2022
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/declaration-recognitive-nationalite-pere-mere-memes-effets,41640.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Dans une importance décision du 10 décembre 2021 (n° 2021-954 QPC) le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur l’effet collectif de la déclaration récognitive de nationalité selon qu’elle est souscrite par le père ou la mère.
Dans cet article je vous présente les implications de cette décision.

La déclaration récognitive de nationalité française est encadrée par les articles 152 et 153 du Code de la nationalité française. Dans l’article 1° de l’article 153 dudit Code, le législateur français avait institué une différence de traitement d’une part entre les enfants légitimes selon que la déclaration était faite par le père ou la mère, d’autre part entre le père et la mère.

Pour mieux comprendre les conséquence de cette décision du Conseil constitutionnel revenons un tout petit peu sur le régime des articles 152 et 153 du Code de la nationalité française avant d’aborder par la suite les implications de la décision du Conseil constitutionnel.

I. Présentation du régime des articles 152 et 153 du Code de la nationalité.

L’article 152 du Code de la nationalité (désormais abrogé et codifié dans le Code civil à l’article 32-3) prévoit que les personnes domiciliés dans les territoires antérieurement français et ayant accédé à l’indépendance, auxquelles une autre nationalité est attribuée suite à l’indépendance alors même qu’elles possédaient déjà la nationalité française peuvent se voir reconnaître la nationalité française par déclaration faite au juge compétent du lieu où elles ont choisi d’établir leur domicile sur le territoire de la République française.

Cet article a consacré la déclaration récognitive de la nationalité française qui est nécessairement judiciaire.

Le 1° de l’article 153 du même Code consacrait le principe selon lequel seul le père peut transmettre la nationalité française à ses enfants mineurs, légitimes, non mariés, par l’effet collectif de sa déclaration récognitive de nationalité française. La déclaration récognitive de nationalité faite par la mère avait le même effet collectif à l’égard des enfants légitimes mineurs non mariés uniquement en cas de prédécès du père.

Cet article 153 du Code de la nationalité abrogé par la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le Code de la nationalité française, continuait néanmoins à s’appliquer aux situations nées antérieurement à la loi du 28 juillet 1960.

L’esprit de cet article avait pour but de garantir l’unité au sein des familles en faisant en sorte que les enfants légitimes mineurs d’un ménage possèdent la même nationalité. Cependant, le législateur n’avait pas vu que cet article aboutirait à une différence de traitement d’une part entre les enfants légitimes selon que la déclaration a été faite par le père ou la mère et d’autre part entre le père et la mère. Ce qui est une négation de l’égalité entre les femmes et les hommes.

C’est sur la base de la dénonciation de ces inégalités que le Conseil constitutionnel a été saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) sur le 1° de l’article 153 du Code de la nationalité française. La requérante à l’initiative de cette QPC reprochait à cet article de créer une différence de traitement contraire au principe d’égalité devant la loi et au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Le 10 décembre 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé en déclarant non conforme à la Constitution le 1° de l’article 153 du Code la nationalité.

II. Les implications de la décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2021 (n° 2021-954 QPC).

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a précisé que le but poursuivi par cet article qui consistait à maintenir l’unité familiale ne peut justifier une telle différence de traitement. Le Conseil constitutionnel a donc considéré que le 1° de l’article 153 du Code de la nationalité française viole l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 et le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. C’est sur la base de ce constat qu’il a déclaré les dispositions de cet article inconstitutionnel.

Désormais la déclaration récognitive de nationalité française souscrite par le père ou la mère produira le même effet collectif à compter du jour de la publication de ladite décision.

En effet, dans sa décision le Conseil constitutionnel a précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité de cet article prend effet à compter de la date de la publication de ladite décision et pourra, selon ses termes, être invoquée :

« que par les enfants légitimes dont la mère a souscrit, dans les délais prescrits, une déclaration récognitive de nationalité sur le fondement de l’article 152 du Code de la nationalité française, alors qu’ils étaient mineurs, âgés de moins de dix-huit ans et non mariés. Leurs descendants peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant [du fait que] compte tenu de cette inconstitutionnalité, ces personnes ont la nationalité française ».

Toujours selon cette décision du Conseil constitutionnel la déclaration d’inconstitutionnalité pourra être invoquée dans toutes les instances en cours ou à venir.

Notes de l’article : décision n° 2021-954 QPC du 10 décembre 2021 du Conseil constitutionnel.

Louis Laguoué Avocat au barreau de Nantes https://www.avocat-laguoue.fr/