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PMA pour toutes, entre mythe et réalité. Par Valencia Bazelais-Vilsaint, Juriste.
Parution : mardi 12 avril 2022
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Avec l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, un changement majeur s’opère dans la vie des femmes seules et au sein des couples de femmes qui voient l’accès à la PMA se centrer non pas sur l’infertilité mais plutôt sur la notion parentale.

Si L’IVG a permis aux femmes de disposer de leur droit de ne pas poursuivre une grossesse non désirée, la PMA, quant à elle, a ouvert un accès à la procréation, en dehors du processus naturel de grossesse.

Au-delà du fait que chaque couple ou individu bénéficie librement du droit de devenir parent, il est important de préciser que tout un système d’encadrement est mis en place quant à l’application de ce dernier. Notamment les lois de bioéthique régulièrement révisées. Notons que la définition légale de l’assistance médicale à la procréation n’a cessé de s’enrichir au fur et à mesure des réformes relatives à la bioéthique. Aux termes de l’article L2141-1 du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 et de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du Code de la santé publique, elle est donnée comme étant

« des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle, ainsi que de toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».

Il est important de rappeler, ici, que la procréation artificielle a été conçue en 1994 comme une réponse à des indications médicales précises. Ainsi nous le rappelle l’ancien article L2141-2 :

« L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

Dès lors, s’est érigé tout un mode de construction familiale exclusive à partir duquel couple homosexuel et femme célibataire se sont retrouvés dans l’incapacité de solliciter une aide médicale pour procréer, en dehors du processus naturel. Une exclusion régulièrement remise en cause notamment au regard du principe d’égalité.

Vers une mobilisation sociale.

Face à la différence de traitement que connaît une catégorie de familles au regard de la procréation, le droit à la PMA a fait l’objet de nombreuses revendications d’ordres divers telles :
- l’inclusion des femmes seules et des couples de femmes ;
- la généralisation de l’autoconservation d’ovocytes ;
- la législation ou reconnaissance de GPA qui pourrait notamment permettre de satisfaire le désir de parentalité des couples d’hommes.

Cependant, ces revendications ont été longtemps rejetées au motif que ces pratiques sont d’une part illégales en France, en raison du fait qu’elles contreviennent aux règles d’ordre public posées par le Code civil et le Code de la santé publique, en particulier l’article 16-7 du Code civil en vertu duquel « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle » et d’autre part, qu’un couple homoparental ou une personne célibataire ne serait pas en mesure de protéger un enfant « dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne »  [1].

Vers l’élargissement de l’assistance médicale à la procréation.

Mentionnons ici que La loi du 2 août 2021 rompt avec une certaine approche traditionnelle en ouvrant l’accès à la PMA à des couples de femmes et à des femmes seules. Cet accès élargi vaut pour toute technique de PMA en fonction de chaque situation : insémination artificielle, avec ou sans donneur, fécondation in vitro et transfert embryonnaire, avec don d’ovocyte le cas échéant. Joint à tout cela, l’accueil d’un embryon humain ouvert aux mêmes destinataires [2].

Il est évident que cette loi a supprimé, pour tous les candidats à une PMA, l’obligation de justifier d’une infertilité pathologique dès lors que L’article L2141-2 du Code de la santé publique, ne mentionnant plus d’indication médicale conditionnant l’accès à la PMA, s’est positionné comme suit :

« L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L2141-10.
Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.
Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons
 ».

Il s’agit, en effet, d’une profonde rupture par rapport au droit antérieur car la condition d’infertilité pathologique au sein du couple qui était le fondement même du recours à une assistance médicale de la procréation a disparu avec cette nouvelle disposition. Dès lors, outre l’accessibilité qu’elle ouvre à une aide médicale ; la PMA est considérée comme une autre façon d’avoir des enfants notamment pour les couples de femmes homosexuelles au sein desquels l’infécondité n’est pas pathologique étant inhérente à l’orientation sexuelle des intéressées.

Un changement majeur s’opère dans la vie de ces couples qui voient la PMA se centrer non pas sur l’infertilité mais plutôt sur la notion de projet parental : « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental » [3]. Ainsi, toutes les femmes peuvent avoir recours à la PMA si elles ont un projet parental : « Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire » [4].

D’autant qu’en permettant aux couples de femmes d’avoir recours à la PMA en France, le législateur ne fait que soustraire la France à une éventuelle condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.

D’aucuns s’accorderaient à dire que la différence de traitement dans le recours de la PMA entre les couples mariés homosexuels et hétérosexuels est loin d’être conforme à la convention européenne des droits de l’homme.

Diverses affaires relatives au droit d’accès à la PMA ont incité la Cour européenne à se prononcer sur la protection de la vie privée comme faisant partie intégrante de la protection de la liberté de décision de devenir parents génétiques. Elle a admis que « le droit des couples à concevoir un enfant et à recourir pour ce faire à la procréation médicalement assistée (PMA) relève de la protection de l’article 8 de la Convention, pareil choix constituant une forme d’expression de la vie privée et familiale » [5] élargissant ainsi ce droit à la PMA à tout parent même non génétique.

Un tel droit comporte de toute évidence des limites.

Outre l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021, un décret d’application du 28 septembre 2021 [6] est venu clarifier les conditions pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation et de l’autoconservation de ses gamètes. Il précise ainsi les conditions d’âge pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation.

Selon l’article R2141-36 du Code de la santé publique résultant de ce décret, les conditions d’âge requises par l’article L2141-2 pour bénéficier d’un prélèvement ou recueil de ses gamètes, en vue d’une PMA, sont précises :
- le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu’à son quarante-troisième anniversaire ;
- le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme jusqu’à son soixantième anniversaire.

Par ailleurs, le même décret précise, dans le nouvel article R2141-38 du Code de la santé publique que l’insémination artificielle, l’utilisation de gamètes ou de tissus germinaux recueillis, prélevés ou conservés à des fins d’assistance médicale à la procréation en application des articles L2141-2, L2141-11 et L2141-12, ainsi que le transfert d’embryons mentionné à l’article L2141-1, peuvent être réalisés :
- jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire chez la femme, non mariée ou au sein du couple, qui a vocation à porter l’enfant ;
- jusqu’à son soixantième anniversaire chez le membre du couple qui n’a pas vocation à porter l’enfant.

De plus, le texte maintient la condition tenant au fait d’être en vie au moment de la réalisation de la PMA, ce qui écarte toute possibilité de recourir à la PMA à l’aide des gamètes d’un homme décédé ou des embryons conservés par un couple dont l’homme est décédé.

Cela dit, la loi de bioéthique du 2 août 2021 ne permet pas pour autant aux personnes transgenres d’accéder à l’AMP. Le législateur de 2021 n’a pas souhaité ouvrir l’AMP aux personnes transgenres, c’est-à-dire aux personnes qui adoptent l’apparence et le mode de vie d’un sexe différent de celui de leur naissance.

Si certains se réjouissent de cette avancée, d’autres ont, à l’inverse vite, déploré une nouvelle inégalité entre les couples homosexuels. Les couples de femmes peuvent devenir parent par la PMA ce qui n’est pas le cas pour les couples d’hommes ainsi que les hommes seuls. La réalisation de leur projet parental au moyen d’une technique d’AMP aurait en effet nécessité le recours à une mère porteuse. Or, la loi du 2 août 2021 ne légalise pas la gestation pour autrui (GPA) qui demeure prohibée par l’article 16-7 du Code civil.

Valencia Bazelais-Vilsaint Juriste Conseil - Gestion litiges & contentieux

[1O. Jouanjan ; le “but d’intérêt général” n’est pas différent de “l’objectif du législateur”.

[2C. santé publ., art. L2141-6.

[3CSP, art. L2141-2, al. 1er, 1re phrase.

[4CSP, art. L2141-2, al. 1er.

[5CEDH, 10 avril 2007, Evans c.Royaume Uni, n°6339/50 ; 4 déc. 2007 Dickson c. Royaume-Uni, n°44362/04 ; 3nov. 2011, S.H et autres c. Autriche, n°57813/00.

[6Décret n° 2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant les conditions d’organisation et de prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation.