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Substitution des médicaments biologiques similaires par les pharmaciens, retour vers le futur ? Par Barbara Bertholet et Rachel Devidal, Avocates.
Parution : mercredi 16 février 2022
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L’article 64 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 (la « LFSS pour 2022 ») réintègre dans le code de la santé publique des dispositions relatives à la substitution par le pharmacien d’un médicament biologique prescrit par un médicament biologique similaire.

Pour mémoire, cette substitution avait déjà été votée par le législateur en 2013 [1], mais n’avait finalement jamais été appliquée en raison de l’impossibilité de répondre techniquement aux exigences de suivi et de traçabilité exigées par l’ANSM.
Le décret d’application requis n’avait ainsi jamais vu le jour et le législateur avait finalement abrogé la disposition [2].

Afin de compléter les leviers existant pour améliorer le recours aux médicaments biologiques similaires en ville, la LFFS pour 2022 revient sur la question de la substitution des médicaments biologiques similaires en élargissant le rôle des pharmaciens et en proposant un nouveau cadre d’exercice pour la substitution de certains groupes similaires.

Désormais, les pharmaciens sont autorisés à délivrer par substitution au médicament biologique prescrit un médicament biologique similaire, dès lors que les 5 conditions suivantes sont réunies.

Première condition : Le biosimilaire appartient au même groupe biologique similaire que le médicament de référence.
Le médicament biologique similaire délivré doit nécessairement appartenir au même groupe biologique similaire au sens de l’article L. 5121-1 15° b) du Code de la santé publique [3] que le médicament prescrit.

Rappelons que l’ANSM a établi une liste des groupes biologiques similaires accessible directement sur son site internet [4]. Cette liste est présentée par dénomination commune et indique les spécialités incluses dans chaque groupe biologique similaire. Il est précisé, pour chaque groupe, le médicament de référence ainsi que les médicaments biosimilaires.

Deuxième condition : Le groupe biologique similaire figure sur une liste fixée par arrêté du ministre de la Santé.
Le groupe biologique similaire concerné doit en sus figurer sur une deuxième liste, laquelle sera fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale après avis de l’ANSM. Ainsi, tous les groupes biosimilaires pourraient ne pas bénéficier de la substitution, au moins dans un premier temps.

Chaque groupe biosimilaire inscrit sur cette liste pourra « le cas échéant » être accompagnée des conditions de substitution et d’information du prescripteur et du patient à l’occasion de cette substitution, de nature à assurer la continuité du traitement avec le même médicament, déterminées également par arrêté.

Troisième condition : lorsque qu’elles existent, les conditions de substitution et d’information susmentionnées peuvent être respectées.

Cette disposition manque de clarté. Notre compréhension du texte nous conduit à penser que le pharmacien ne devrait pas pouvoir substituer lorsqu’il n’est pas matériellement possible de respecter les conditions de substitution et d’information fixées ou lorsque ces conditions n’ont pas été respectées.

Quatrième condition : le prescripteur n’a pas exclu la possibilité de cette substitution par une mention expresse et justifiée portée sur l’ordonnance tenant à la situation médicale du patient.

Cinquième condition : si le médicament prescrit figure sur la liste des médicaments remboursables, la substitution doit se faire dans les conditions similaires à la substitution des médicaments génériques ou hybrides.

A cet égard, la LFSS modifie également l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, lequel prévoit désormais que la substitution par un médicament biologique similaire en application de l’article L5125-23-2 du Code de la santé publique ne doit pas entraîner, pour l’assurance maladie, une dépense supérieure à celle qu’aurait entraîné la délivrance du médicament biologique similaire le plus cher du même groupe [5].

En outre, le pharmacien qui met en œuvre cette substitution devra également informer, non seulement le prescripteur, mais également le patient de cette substitution et indiquer sur l’ordonnance du patient le nom du médicament délivré.

Il convient de relever que le nouvel article L5125-23-2 du Code de la santé publique reprend quasiment mot pour mot l’ancien article L5125-23-3. Néanmoins, et la différence est de taille, le texte ne renvoie plus à un décret la fixation de ses modalités d’application, afin d’éviter que le blocage passé ne se reproduise. Le texte n’est cependant pas applicable en l’état, en l’absence de publication de l’arrêté fixant la liste des groupes biologiques similaires éligibles, laquelle n’inclura peut-être pas tous les groupes de la liste de références établie par l’ANSM. 

Reste à savoir si cette liste, sera publiée rapidement ou non…

Barbara Bertholet, Avocat Associé [->bbertholet@bignonlebray.com] Rachel Devidal, Avocat [->rdevidal@bignonlebray.com] Barreau de Lyon Cabinet Bignon Lebray https://www.bignonlebray.com

[1Article 47 de la LOI n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, créant l’article L. 5125-23-3 du Code de la santé publique.

[2Article 42 de la Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

[3Article L. 5121-1 15 b) : On entend par « Groupe biologique similaire, le regroupement d’un médicament biologique de référence et de ses médicaments biologiques similaires, tels que définis au a du présent 15°. Ils sont regroupés au sein de la liste de référence des groupes biologiques similaires établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé »

[5Article 162-16 V du Code de la sécurité sociale.