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Elections législatives 2022 : rappel des règles de cumul des mandats parlementaires et locaux. Par Clara Zurbach, Avocate.
Parution : lundi 7 mars 2022
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L’intervention prochaine des élections législatives de juin 2022 est l’occasion d’un rappel des règles d’incompatibilité et de conflit d’intérêts encadrant le cumul des mandats parlementaires et locaux.

Les cas d’incompatibilité prévus par le Code électoral.

Incompatibilité entre un mandat parlementaire et plus d’un mandat local - Le mandat de député, ou de sénateur [1], est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l’Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Guyane, conseiller à l’assemblée de Martinique, conseiller municipal d’une commune de 1.000 habitants et plus [2].

Il est donc possible, a contrario, de cumuler un mandat de député ou de sénateur (étant rappelé que le cumul des mandats de député et sénateur est interdit, article LO 137 du Code électoral) avec l’un de ces mandats locaux.

Incompatibilité entre des fonctions exécutives locales et un mandat parlementaire - Exit le statut de « député-maire », depuis la loi n°2014-125 du 14 février 2014, le mandat de député ou de sénateur est incompatible avec toute fonction exécutive locale à l’exemple des fonctions de maire, adjoint au maire, président ou vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), président d’un conseil départemental ou régional ou encore président d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte.

La résolution de l’incompatibilité - incompatibilité n’est pas inéligibilité, ce qui signifie qu’un maire peut être élu député ; cependant, à l’issue de cette élection, il sera placé en situation d’incompatibilité et tenu de choisir entre son mandat de parlementaire et son mandat de maire.

L’article LO 151 du Code électoral précise ainsi que le député ou sénateur se trouvant dans un des cas d’incompatibilité susvisés est tenu :
- Dans le cas d’une incompatibilité avec un mandat local [3], de de faire cesser cette incompatibilité en démissionnant d’un des mandats qu’il détenait antérieurement, au plus tard le trentième jour qui suit la date de la proclamation des résultats de l’élection qui l’a mis en situation d’incompatibilité ou, en cas de contestation, la date à laquelle le jugement confirmant cette élection est devenu définitif ; à défaut d’option dans le délai imparti, le mandat acquis à la date la plus ancienne prend fin de plein droit [4] ;

Tant qu’il n’est pas mis fin à l’incompatibilité, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire et l’indemnité attachée à un autre de ses mandats de son choix [5].

- Dans le cas d’une incompatibilité avec une fonction exécutive [6], de faire cesser cette incompatibilité en démissionnant du mandat ou de la fonction qu’il détenait antérieurement, au plus tard le trentième jour qui suit la date de la proclamation des résultats de l’élection qui l’a mis en situation d’incompatibilité ou, en cas de contestation, la date à laquelle le jugement confirmant cette élection est devenu définitif ; à défaut, le mandat ou la fonction acquis à la date la plus ancienne prend fin de plein droit [7].

Les assemblées parlementaires ne connaissent pas la notion de conflit entre intérêts publics.

Au-delà de ces règles d’incompatibilité, il est possible de s’interroger sur la potentialité d’un risque de conflit entre intérêt publics et plus précisément, entre intérêt public local et intérêt public national, qui découlerait des situations de cumul de mandats de parlementaires et d’élu local.

En effet, l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique admet l’hypothèse d’un conflit entre deux intérêts publics - même si une telle interférence entre deux intérêts que l’on pourrait présumer convergents est toujours d’appréhension délicate.

Toutefois, cette définition du conflit d’intérêt n’est pas applicable au sein des assemblées parlementaires, l’article 4 quater alinéa 1er de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires, modifiée par article 3 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique précisant que « Chaque assemblée, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles destinées à prévenir et à faire cesser les conflits d’intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés dans lesquels peuvent se trouver des parlementaires ».

L’on notera que cette définition (de même que celle retenue par les articles 80-1 du règlement de l’Assemblée nationale et 91 bis du règlement du Sénat) ne connaît ainsi que la notion de conflit entre intérêt public et privé.

La notion de conflit entre intérêts publics est en effet volontairement exclue de la définition donnée par la loi du 15 septembre 2017 au motif que les parlementaires pourraient, sinon,

« devoir s’abstenir systématiquement lorsque serait en débat un projet dont il[s] aurai[en]t par ailleurs à connaître dans [leur] circonscription au titre de [leur] mandat local » [8].

L’on peut sans doute discuter cette définition restrictive, notamment dans l’hypothèse où seraient confiées à un parlementaire, porteur d’un intérêt public local présentant une interférence (au moins apparente) avec les enjeux en présence, de fonctions particulières dans l’élaboration de la loi (à l’exemple des fonctions de rapporteur).

Il reste qu’elle demeure sans doute la plus opérationnelle eu égard à la spécificité de la mission des assemblées parlementaire par rapport à celle des assemblées locales, dans lesquelles la notion de conflit d’intérêts publics joue, en revanche, à plein.

Clara Zurbach Avocate en droit des collectivités territoriales et de leurs groupements [->c.zurbach@avocat-zurbach.fr] - www.avocat-zurbach.fr

[1Par renvoi de l’article LO 297 du Code électoral.

[2Article LO 141 du Code électoral.

[3Article LO 141 du Code électoral.

[4Article LO 151, I du Code électoral.

[5Article LO 141 du Code électoral.

[6Article LO 141-1 du Code électoral.

[7Article LO 151, II du Code électoral.

[8Etude d’impact du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique, 14 juin 2017.