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Télétravail et marque employeur : un remède contre la grande démission ? Par Caroline Diard, Enseignant-Chercheur.
Parution : mardi 8 mars 2022
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Alors que la DARES a enregistré un nombre élevé de démissions et de ruptures conventionnelles en 2021, le télétravail pourrait être une réponse appropriée aux demandes des salariés et candidats. Réinventer la marque employeur avec le télétravail pour remédier à la vague de départs massifs !

Télétravail : fin d’un système contraignant !

Alors qu’un quart des salariés français était en télétravail dès le début du premier confinement (DARES, avril 2020) [1] c’est toujours dans un cadre contraint que le télétravail a été exercé au début de l’année 2022. En effet, depuis 2020 différentes périodes de télétravail successives, ont été imposées aux employeur. La dernière période de télétravail obligatoire s’est déroulée du lundi 3 janvier au mercredi 2 février 2022. (le précédent protocole sanitaire en vigueur entre le 8 et le 30 décembre 2021 n’avait quant à lui aucune valeur normative). Au cours du mois de janvier 2022, 29% des salariés ont été au moins un jour en télétravail contraint.

Depuis le 3 février 2022 le télétravail est cependant à nouveau organisé librement par les entreprises. Il s’agit d’un choix organisationnel et managérial.

La mise en œuvre du télétravail fait donc désormais partie intégrante de l’organisation du travail. Elément central de la qualité de vie au travail, il participe à la stratégie de communication interne et externe et à la culture d’entreprise.
Le télétravail est un atout pour attirer, motiver, fidéliser les talents. Il se révèle comme un excellent moyen de se différencier des autres entreprises en tant que recruteur et employeur.

Le télétravail est aussi désormais au cœur du dialogue social. Les entreprises se sont ainsi emparées du sujet dans le cadre du dialogue social et des NAO (négociations annuelles obligatoires) : au 15 novembre 2021, 2720 accords portant sur le télétravail avaient été conclus depuis le début de l’année contre 1980 accords en 2020 (source ministère du travail). Les négociations annuelles obligatoires portent sur trois thèmes : la rémunération ; le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée ; l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. Le télétravail étant un enjeu de qualité de vie au travail, il peut être envisagé et négocié à cette occasion [2].

Télétravail : un mode hybride qui renouvelle la marque employeur.

Le baromètre Télétravail et Organisations hybrides 2022 de Malakoff Humanis (publié fin décembre 2021) confirme une tendance forte à la mise en place du télétravail dans les entreprises.

Le mode hybride est plébiscité par la moitié des salariés qui sont séduits par la flexibilité de ce mode de travail (86%), l’amélioration du bien-être et de la santé (82%) et une plus grande efficacité dans le travail (80%).

La forte demande de télétravail questionne donc sur l’intégration du télétravail au sein de la stratégie de marque employeur. La marque employeur est un concept inspiré des techniques de marketing. La première définition n’est pas récente. Ambler et Barrow en 1996 ont ainsi précisé qu’il s’agit de l’ensemble des bénéfices associés à un emploi et à un employeur. Par la suite Benraïss-Noailles, (2014) indiquent que la marque employeur correspond à une promesse d’emploi unique à destination des employés actuel et potentiels qui s’appuie sur les bénéfices (fonctionnels, économiques et psychologiques) associés à une organisation en tant qu’employeur et à l’offre RH qu’elle propose.

La marque employeur correspond à la façon dont une organisation souhaite se présenter en tant qu’employeur auprès des cibles RH (candidats et salariés). Il s’agit de valoriser l’image interne, perçue par les collaborateurs ; l’image externe, perçue par les employés potentiels ; et l’image externe interprétée qui correspond à l’idée que les salariés actuels se font de l’image perçue par les personnes extérieures à l’entreprise [3].

Organiser le télétravail correspondrait ainsi à une image positive de l’employeur renvoyée en interne et en externe (Voir en ce sens l’article : Télétravail : un enjeu d’attractivité et une nouvelle composante de la marque employeur ?)

Grande démission et marque employeur.

A l’instar du « Big Quit » aux Etats Unis [4] et l’article publié dans le journal [5], les démissions ont explosé en 2021 (DARES) [6].

La tendance 2022 semble être identique avec un marché de l’emploi dynamique et une reprise économique en sortie de crise sanitaire.

Les services RH ont dont tout intérêt à développer leur stratégie de marque employeur pour éviter des départs massifs et non anticipés et également pour attirer les nouveaux talents nécessaires à la croissance. A noter que si cette vague de démission a de nombreuses conséquences au niveau collectif, sur les entreprises et invite à réinventer la marque employeur, elle pourrait avoir également des conséquences individuelles pour les collaborateurs.

En effet, la démission peut avoir des effets non anticipés sur la carrière des démissionnaires. Les salariés peuvent quitter leur entreprise (en respectant un délai de prévenance (voir l’article La grande démission : points de vigilance en droit du travail) pour reprendre un nouvel emploi pour se consacrer à un projet personnel. Cette démission (source pôle emploi) ne permet pas a priori de bénéficier de l’allocation chômage quand c’est le salarié qui prend l’initiative de quitter l’entreprise.

Toutefois, dans certaines situations, il est possible d’être indemnisé par Pôle emploi suite à une démission :
- Les cas de démissions considérées comme "légitimes" ;
- Les démissions dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle ;
- Certaines démissions en cours d’indemnisation ;
- Les démissions après réexamen par l’instance paritaire régionale.

Une communication sur ce point serait utile afin d’appeler à la vigilance des candidats au départ.

Caroline Diard Enseignant-Chercheur en Management des RH et Droit TBS Education

[2Diard Dufour 2021.

[3Gouillot Souliez, 2021.