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Les pouvoirs d’enquête et de sanction de la Cour pénale internationale. Par Rayman Remtola, Avocat.
Parution : vendredi 15 avril 2022
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Le Préambule du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998 affirme que « les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis ».
Cette disposition a toujours eu, et demeure aujourd’hui, d’une actualité criante, nécessaire et indispensable afin d’œuvre dans un but particulier : la paix.

Dans un monde en perpétuel mouvement, évoluant chaque jour au gré des innovations techniques et technologiques, il est impératif de préserver une certaine stabilité qui nécessite de pouvoir enquêter, poursuivre et sanctionner les auteurs d’actes contraires au droit international pénal.

Prévoir l’impunité des crimes commis est une avancée majeure, mais pas suffisante. Encore faut-il donner les moyens à la Cour pénale internationale.

La Cour pénale internationale (CPI) est une Cour internationale permanente, qui a été créée en vue d’ouvrir des enquêtes, de poursuivre et de juger des personnes accusées d’avoir commis les crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale, à savoir le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et, plus récemment, le crime d’agression.

Certains des crimes les plus odieux ont été commis au cours des conflits qui ont émaillé le XXe siècle, restés pour la plupart impunis. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ont été institués les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. En 1948, lors de l’adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu la nécessité de créer une Cour internationale permanente, appelée à se prononcer sur des atrocités semblables à celles qui venaient d’être commises.

Le projet d’instituer un système de justice pénale internationale est réapparu, après la fin de la guerre froide. Alors que les négociations sur le Statut de la CPI suivaient leur cours au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le monde était témoin de crimes abominable commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et au Rwanda. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a réagi à ces atrocités en procédant, dans les deux cas, à la création d’un tribunal ad hoc, siégeant l’une à La Haye, et l’autre à Arusha.

Ces événements n’ont pas manqué de peser, de façon déterminante, sur la décision de convoquer à Rome, durant l’été 1998, la conférence qui a institué la CPI.

Ce statut prévoit non seulement les infractions, mais prévoit des règles procédurales et de compétence. Il s’agit d’un véritable Code pour les Etats parties, qui ont accepté de se contraindre aux exigences et au respect des règles de droit international pénal.

La triste actualité met en lumière d’une part l’existence du droit international humanitaire et du droit international pénal, mais démontre également l’importance cruciale des règles encadrant les conflits armés et réprimant les actes dirigés contre la population civile ou un groupe déterminé.

L’article 5 du Statut de Rome prévoit les crimes relevant de la compétence de la Cour qui sont les suivants :
- Le crime de génocide (Article 6) ;
- Les crimes contre l’humanité (Article 7) ;
- Les crimes de guerre (Article 8) ;
- Le crime d’agression (Article 8 bis).

Dès lors, la Cour ne peut juger d’actes relevant d’une autre qualification pénale tels que le terrorisme, par exemple.

Cependant, prévoir des règles est une chose, les rendre effectives en est une autre. En effet, la critique principale alléguée à l’égard de la Cour est fondée sur le fait que certaines grandes puissances ne sont pas partie au Statut de Rome telles que les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou encore Israël. Ce manque de légitimité sur la scène international est pallié par la recrudescences des allégations de commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité de la part de la Russie.

Par conséquent, il s’avère nécessaire d’étudier et d’observer de manière succincte les pouvoirs d’enquête et de sanction de la Cour pénale internationale.

I. L’encadrement de l’enquête.

A. La mise en œuvre de l’enquête.

L’article 13 Statut de Rome prévoit trois déclencheurs de la procédure :
- un Etat partie peut renvoyer une situation à la CPI [1] ;
- le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies peut déférer une situation à la Cour [2] ;
- le Procureur ouvre une enquête de sa propre initiative [3].

Par exemple, le 2 mars dernier, le Procureur de la Cour a affirmé ouvrir une enquête sur les crimes commis en Ukraine.

L’enquête est conduite par le Procureur qui se doit de réunir tous les éléments de preuves permettant de démontrer l’existence de la commission de crimes relevant de la compétence de la Cour.

Le Bureau du Procureur est l’un des quatre organes de la Cour pénale internationale.

Il est dirigé par le Procureur, M. Karim A. A. Khan QC, qui a été élue par l’Assemblée des États parties. Le Procureur a toute autorité sur la gestion et l’administration du Bureau.

Le Bureau a pour mandat de recevoir et d’analyser les renvois et les communications afin de déterminer s’il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, de conduire des enquêtes dans le cas de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, et de poursuivre devant la Cour les personnes responsables de tels crimes.

Par la conduite des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites, le Bureau du Procureur contribue à atteindre l’objectif général de la Cour, à savoir :
- aider à mettre un terme à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale,
- et concourir ainsi à la prévention de tels crimes.

Le Bureau du Procureur est constitué de trois divisions :
- la Division des enquêtes ;
- la Division des poursuites ;
- la Division de la compétence.

Le Procureur peut, de façon indépendante, comme évoqué précédemment, ouvrir une enquête à la suite du renvoi d’une situation par un État partie ou par le Conseil de sécurité agissant en réponse à une menace qui pèse sur la paix et la sécurité internationales. En outre, le Procureur peut, de sa propre initiative (proprio motu), ouvrir une enquête sur le territoire d’un État partie ou à l’encontre de ressortissants d’un État partie pour autant qu’une Chambre préliminaire de la Cour donne son autorisation.

Le Bureau du Procureur a pour politique de concentrer ses enquêtes sur les personnes portant la responsabilité pénale la plus lourde relativement à des crimes commis dans le cadre d’une situation faisant l’objet d’une enquête.

Le préambule du Statut de Rome reconnaît que la Cour elle même ne constitue qu’une juridiction de dernier recours pour les victimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Le Statut de Rome assigne dès lors à la Cour et au Bureau du Procureur un rôle complémentaire à celui des systèmes nationaux.

Le Statut de Rome précise aussi que le Bureau du Procureur agit en toute indépendance. Par conséquent, ses membres ne doivent ni solliciter, ni accepter d’instructions d’aucune source extérieure telle que les États, les organisations internationales, les ONG ou les particuliers.

Dans le cas de l’Ukraine, le risque de conflit entre les enquêteurs français, ukrainiens et de la Cour semble être inquiétant. Néanmoins, il appartiendra à chaque autorité de coopérer dans l’objectif de réunir les preuves nécessaires aux poursuites, et aux condamnations.

B. Le principe de subsidiarité de la Cour pénal internationale et l’obligation de coopération des Etats.

D’une part, l’article 86 du Statut de Rome définit une obligation générale de coopérer. Les États se doivent de coopérer avec la Cour dans toutes les phases du procès, que ce soit au niveau de l’enquête, mais aussi lorsque les poursuites sont engagées. Si un État n’exécute pas son obligation de coopération, l’article 87 annonce que la Cour peut porter la situation devant l’Assemblée des États Parties ou même devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

D’autre part, le principe de complémentarité déjà observé permet de respecter la souveraineté des États puisque la justice de la Cour ne peut s’abattre qu’à défaut de procès interne. En d’autres termes, les États sont les premiers acteurs de la justice pénale internationale, puisqu’il leur revient à eux, en premier, de l’exercer par leurs propres moyens, par leurs propres juridictions, suivant les dispositions de leur droit interne et sur leur territoire. Ce principe est prévu par les articles 17-2 et 17-3 du Statut de Rome et donnent expressément compétence à la Cour si l’État n’a pas la volonté ou la capacité d’enquêter, de poursuivre et de juger un individu présumé avoir commis un crime international. Cette compétence vaut aussi si la procédure est entachée d’irrégularité et fait présumer une complaisance à l’égard du prévenu.

Cette incapacité de juger survient lorsqu’un État se trouve dans une situation où il ne peut exercer sa compétence judiciaire sur les crimes commis sur son territoire ou par ses ressortissants. En d’autres termes, c’est le cas de l’impossibilité de réprimer un crime grave du fait de la déficience de son appareil judiciaire à mener les enquêtes et les poursuites. Le Procureur doit alors caractériser cette incapacité lors de l’ouverture d’une enquête. Pour ce faire, la Cour pénale internationale va juger l’effectivité de l’appareil judiciaire de l’État ou son indisponibilité.

Par exemple, dans un conflit armé, ce fut le cas en ex-Yougoslavie en 1993 et au Rwanda en 1994 à la suite d’épurations ethniques. Concernant l’incapacité de juger, c’est lorsqu’un État n’a pas transposé dans son droit interne les crimes internationaux prévus dans le Statut de Rome. C’est le cas par exemple, lorsque la législation interne ne prévoit pas la responsabilité des chefs militaires ou caractérise celle-ci de manière trop restrictive par rapport au Statut de Rome qui le prévoit à l’article 28.

C. La collaboration des Etats non parties.

Les États ont introduit dans le Statut de Rome une disposition concernant la participation d’États non membres à l’article 12 paragraphe 3. Cette disposition peut être considérée comme le premier pas vers une ratification ultérieure du Statut par cet État. Il permet de diffuser la compétence de la justice pénale internationale afin de tendre vers son objectif premier qui est l’universalité. Ce fut le cas de la Côte d’Ivoire qui avait déclaré accepter la compétence de la Cour en avril 2003 [4].

Cette décision d’acceptation ad hoc prévue par l’article 12 paragraphe 3 du Statut a été confirmée par les autorités compétentes ivoiriennes en décembre 2010 et en mai 2011.

Entre temps, le 11 avril 2011, l’ancien Président, Laurent Gbagbo, est arrêté par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire, appuyées par l’Organisation des Nations Unies et la France.

Ultérieurement, la Côte d’Ivoire a ratifié le Statut le 15 février 2013. C’est seulement après cette ratification, plus précisément, le 3 octobre 2013, la Cour pénale internationale a autorisé le Procureur à ouvrir une enquête proprio motu pour les crimes présumés relevant de la compétence de la Cour, qui auraient été commis en Côte d’Ivoire depuis le 28 novembre 2010 consécutivement aux élections présidentielles. Ce cas d’acceptation est une aubaine pour la Cour pénale internationale, et pour la justice pénale internationale dans son ensemble, puisqu’un État non partie au traité et qui, avant de ratifier, accepte sa compétence, laisse présager une coopération optimale durant la période d’enquête et de procès. Dès lors, cela permet des avancées considérables non négligeables pour la Cour qui peut s’emparer d’une affaire sans être critiquée pour manque de légitimité, sauf de la part de l’accusé lui-même.

Cette disposition permet donc une meilleure appréhension de la justice pénale internationale puisqu’elle n’est pas réservée qu’à certains, mais elle peut bénéficier à tous. Les États non partie peuvent donc adhérer au Statut de Rome et peuvent notamment choisir le moment auquel ils veulent qu’il entre en vigueur à leur égard. Ils peuvent choisir de donner une compétence rétroactive du Statut à partir de l’entrée en vigueur de celui-ci ou alors seulement au jour de la ratification de l’État. Dès lors, en utilisant ce mécanisme, les États vont permettre de diffuser à grande échelle le droit international pénal de leur propre gré, réduisant à néant les reproches adressées à la Cour qui se trouvent ainsi sans fondement.

III. La porté des sanctions et le sens de la peine.

A. L’absence d’immunité des dirigeants politiques et militaires.

L’article 27 du Statut de Rome relatif au défaut de pertinence de la qualité d’officiel affirme qu’il « s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne ». Cette règle est fondamentale révolutionne la justice pénale internationale dans son ensemble puisqu’elle inverse une règle coutumière assurant une immunité aux chefs d’État ou de gouvernement.

Même si certaines personnalités politiques demandent l’instauration d’une immunité pour les chefs d’État et de gouvernement en exercice [5], le Statut de Rome adopté par les États souverains en dispose autrement. Cela assure un rayonnement sans précédent de la justice pénale internationale et ouvre des perspectives jusque-là obstruées par la qualité d’officielle de certains grands décideurs dont la participation à des crimes internationaux parait indiscutable et dont celle-ci n’aurait pu exister sans eux.

Ensuite, il convient de constater que cette absence d’immunité des chefs d’États et de gouvernement en exercice est une réelle avancée en termes d’égalité entre les individus exerçant le pouvoir et les administrés. Ils sont ainsi traités sur le même pied d’égalité en droit et en fait. C’est pour cette raison que la Cour pénale internationale n’a pas hésité à poursuivre Omar el-Béchir lorsqu’il fut président en exercice de l’État soudanais. Cette qualité n’écarte en rien la compétence de la Cour pénale internationale. Au contraire, elle la renforcerait dans la mesure où c’est précisément dans ce domaine que la Cour apporte une plus-value au droit international. En effet, elle permet de rendre effectives les garanties de la justice pénale internationale qui sont limitées du fait de la qualité de certains auteurs et grands décideurs usant de leurs fonctions pour échapper à toutes poursuites, investigations et jugements à leur encontre.

Pourtant, cette absence d’immunité peut être critiquable. En effet, il serait opportun que certaines « immunités personnelles » subsistent pour les hauts responsables lorsqu’ils occupent leur poste afin d’arriver à une situation d’équilibre permettant d’allier les exigences de justice internationales et de relations internationales qui sont parfois dichotomiques [6].

En effet, il est à craindre que la justice pénale internationale soit utilisée à des fins politiques ce qui, non seulement déstabiliserait les relations des États sur la scène internationale, mais aussi en leur politique interne puisque certains chefs d’État élus en exercice pourraient être déférés devant la Cour pénale internationale. Cela laisserait ainsi une vacance du pouvoir extrêmement dangereuse et dénigrerait l’image de l’État envers ses paires. Néanmoins, cette immunité doit nécessairement être écartée dans la mesure où elle permet l’exercice d’une justice effective en raison du fait que les auteurs de crimes internationaux ne peuvent plus s’en prévaloir pour échapper à la justice pénale internationale. Ainsi, il est alors possible de poursuivre des chefs d’État auteurs de crimes internationaux qui seraient au pouvoir depuis de nombreuses années puisque cela leur assure une certaine sécurité dans les ordres juridiques nationaux et à l’encontre des autres États. De plus, cette règle assure une prévention importante de la commission des crimes internationaux en raison du fait que tous les dirigeants, qu’ils soient politiques ou militaires, savent que leurs agissements ne peuvent plus être impunis et qu’ils peuvent faire l’objet d’une enquête et d’un jugement s’ils commettent des crimes internationaux. Ainsi, la justice pénale internationale assure une certaine stabilité et se pose comme clé de voute de la paix internationale.

B. Les fondements et le sens oublié de la peine en droit international pénal.

La Cour pénale internationale est une jeune institution qui doit faire face à tous les enjeux contemporains et à toutes les instabilités mondiales telles que les crises économiques, politiques, environnementales et sociétales. A l’inverse des juridictions internes de droit commun, elle doit s’adapter à la pratique de tous ses États membres, malgré le fait qu’elle soit considérée comme étant universelle. Le sens donné à la justice pénale internationale à travers le rayonnement de la Cour doit alors nécessairement être accepté mais surtout compris et reçu de la façon la plus limpide possible. Il en va de même pour le sens de la peine. Certains lui donnent un caractère expiatoire et infamant, alors que d’autres estiment qu’elle doit être prononcée en vue d’une réinsertion sociale [7]. En droit français, la peine doit assurer la protection de la société en restaurant un équilibre social, sanctionner le condamné mais aussi favoriser son amendement et son insertion.

Néanmoins, la question relative au sens de la peine reste en suspens au sein de la Cour pénale internationale, puisque, même si le Préambule du Statut de la Cour mentionne l’intérêt de lutter contre l’impunité ou de lutter contre les menaces que constituent les crimes internationaux pour « la paix et la sécurité et le bien-être du monde », rien n’est énoncé sur l’objectif de jugement pénal et de la peine [8].

C’est pour cette raison que le premier jugement de condamnation de la Cour fut si attendu.

Celui-ci concernait Thomas Lubanga qui fut condamné à une peine de 14 ans d’emprisonnement. Dès lors, il convient d’étudier le sens attaché à cette peine.

L’étude du Statut de la Cour révèle seulement qu’il ne contient que le principe de légalité des peines en son article 23. Cependant, il est possible d’observer que dans la version anglaise du Statut, il apparaît mentionnés les principes de nécessité et de proportionnalités à l’article 76, ce que la version française ne mentionne pas [9].

Ces deux principes ne sont pas nouveaux puisqu’il est possible de les retrouver dans les systèmes juridiques nationaux. Dès lors, la peine prononcée par la Cour doit être proportionnée à la gravité des faits et doit surtout être nécessaire pour la réparation des préjudices et la cessation des troubles inhérents aux faits commis. Ces principes sont le fondement d’une certaine philosophie pénale permettant de réparer les dommages causés, donc agir sur le présent, mais aussi de prévenir les actes futurs en dissuadant les individus de commettre des crimes internationaux, de manière prospective. Ainsi, il semble qu’à côté des fondements attribués à la peine dans la plupart des systèmes juridiques, que sont la sauvegarde des intérêts de la société, la prévention et la réinsertion ; le droit international pénal en ajoute deux autres, à savoir la satisfaction des victimes et l’exemplarité [10]. De plus, incarcérer un condamné dans les locaux de la Cour permet de l’écarter du lieu où s’est produit le trouble mais aussi le détache de tout le réseau dont il peut bénéficier sur son propre territoire grâce à son influence politique. En effet, le prononcé de la peine permet d’asseoir la légitimité du droit international pénal puisque la sanction est le but ultime de cette justice. Elle permet de reconnaître un trouble social et la souffrance des victimes en condamnant l’auteur pour des crimes considérés comme les plus graves.

Par-delà des condamnations, il convient de s’intéresser aux acquittements récents afin de donner un sens au défaut de condamnation de certains prévenus. C’est, par exemple, le cas de Jean-Pierre Bemba en appel [11]. Dans cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre, la chambre de première instance avait condamné le 21 mars 2016 Jean Pierre Bemba pour crime de guerre. Cependant, le 8 juin 2018, la chambre d’appel de la Cour pénale internationale l’a acquitté en estimant, en outre, que la preuve du contrôle effectif de ses forces armées n’était pas suffisante et n’était pas établie de manière univoque. Cette décision fut vivement critiquée par les associations prônant les droits de l’Homme ainsi que celles des victimes, puisque cette exigence de mode de preuve pourrait fragiliser le pouvoir de la Cour qui est de condamner les principaux responsables des crimes les plus graves [12]. Ainsi, le manque de reconnaissance de culpabilité et le défaut de sanction ne permet pas d’atteindre l’un des principaux objectifs de la Cour à savoir la reconnaissance et la réparation des victimes. En effet, l’existence du trouble causé a été rapporté et les voix des victimes ont été entendues. En outre, une condamnation par la Cour ne peut être prise sans fondement certain.

Ainsi, cet acquittement laisse, d’une part, des victimes sans reconnaissance de leurs souffrances et, d’autre part, l’impunité, non seulement du chef principal, mais aussi de tous les complices ayant participé à ce crime. Dès lors, les principes généraux allégués à la peine et à l’activité de la Cour n’ont pas été atteints dans cette affaire, alors que le but initial est d’assurer la paix par la justice.

Pour conclure, la Cour pénale internationale est une institution à parfaire, notamment dans son mode de fonctionnement, mais demeure prépondérante, surtout en temps de guerre, où les belligérants pensent être autorisés à outrepasser les règles élémentaires en matière humanitaires et pénales.

Rayman Remtola Avocat au Barreau de Paris

[1Art. 13 et 14 Statut de Rome.

[2Art. 13 let. b Statut de Rome.

[3Art. 13 et 15 Statut de Rome.

[4Oumarou Narey, « La Cour pénale internationale et l’Afrique : Analyse des procédures en cours », février 2015.

[5Le Monde, « L’Afrique veut-elle vraiment en finir avec la Cour pénale internationale ? », www.lemonde.fr, 8 février 2017, disponible sur : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/02/03/l-afrique-veut-elle-vraiment-en-finir-avec-la-cour-penale-internationale_5074120_3212.html

[6Fannie Lafontaine, « La compétence universelle et l’Afrique : ingérence ou complémentarité ? » Études internationales, volume 45, numéro 1, mars 2014, p. 137.

[7Jean Larguier, Philippe Conte, Patrick Maistre Du Chambon, Droit pénal général, Les mémentos Dalloz, 23e édition, pp. 120-121.

[8Damien Scalia, « Le sens de la peine dans la première condamnation par la Cour pénale internationale » Études internationales, volume 45, numéro 1, mars 2014, p. 68.

[9Ibid., p. 70.

[10Ibid., p. 78.

[11CPI, Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, affaire ICC-01/05 -01/08.

[12Ghislain Poissonnier, « Acquittement de Jean Pierre Bemba : un tournant dans la jeune histoire de la Cour pénale internationale ? », Recueil Dalloz 2018, p.1601.