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Remédier au blocage d’une succession. Par Nicolas Silvestre, Avocat.
Parution : lundi 14 mars 2022
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Les héritiers qui font face à un blocage d’une succession ne sont pas démunis pour éviter notamment tout dépérissement des biens du défunt ou toute aggravation du passif. La désignation d’un mandataire successoral est de nature à les aider à contourner ce problème.

Le règlement d’une succession n’est pas toujours un long fleuve tranquille. La succession peut être bloquée par toute une série d’événements comme la mésentente entre héritiers ou l’impossibilité de retrouver un héritier.

Cette situation de blocage peut s’avérer problématique s’il existe dans le patrimoine du défunt certains biens pouvant se détériorer dans le temps ou qui nécessitent la réalisation de certains actes.

La jurisprudence a donné une solution aux héritiers pour contourner cette situation : la désignation d’un mandataire successoral. La loi n°2006-728 du 23 juin 2006 est venue consacrer cette solution et l’a inscrite dans le Code civil.

La désignation du mandataire successoral.

Lorsque tous les héritiers en sont d’accord, ils peuvent nommer eux-mêmes un mandataire chargé d’administrer la succession. C’est ce que l’on appelle le mandat successoral conventionnel. Il est régi par l’article 813 du Code civil.

En présence d’un blocage, le mandataire peut être désigné par un juge. Il doit s’agir d’une personne qualifiée et celle-ci peut être tant une personne physique qu’une personne morale comme une fondation.

Il faudra démontrer l’inertie, la carence ou la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans l’administration de la succession, leur mésentente, une opposition d’intérêts entre eux ou encore la complexité de la situation successorale [1].

La demande est formée par toute personne intéressée tel qu’un des héritiers, un créancier du défunt, une personne qui assurait l’administration de tout ou partie du patrimoine de la personne décédée ou encore le ministère public.

Elle doit être portée devant le Président du Tribunal judiciaire du dernier domicile du défunt qui statue selon la procédure accélérée au fond [2].

La mission du mandataire successoral.

La mission du mandataire successoral est définie par le Président du Tribunal judiciaire.

Il réalise ainsi les actes conservatoires comme le paiement des frais funéraires, le règlement des impôts ou la perception des loyers si le défunt avait un bien donné à bail [3].

Toutefois, le mandataire peut être autorisé par le Président du Tribunal judiciaire à accomplir certains actes de disposition comme la vente d’un immeuble du défunt [4].

Dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés, le mandataire successoral représente les héritiers dans les actes de la vie civile (la conclusion d’un contrat, par exemple) et en justice et ce, y compris s’il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers [5].

Les héritiers sont donc dessaisis dans l’exercice de ces prérogatives. Ainsi, la Cour de cassation a pu estimer que l’action des héritiers tendant à obtenir la liste des œuvres détenues par la première épouse du défunt était irrecevable puisque l’établissement de l’inventaire relevait des missions confiées au mandataire successoral [6].

Le juge fixe la durée de la mission du mandataire ainsi que sa rémunération qui est à la charge des héritiers.

Le mandataire doit, chaque année ainsi qu’à la fin de sa mission, remettre au juge et à chaque héritier qui le demande un rapport sur l’exécution de sa mission. Chaque héritier peut d’ailleurs exiger la consultation des documents relatifs à l’exécution de sa mission, et ce à tout moment [7].

La fin du mandat successoral.

Le juge peut dessaisir le mandataire successoral à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public en cas de manquement caractérisé dans l’exercice de sa mission. Il désigne alors un autre mandataire successoral [8].

Sa mission cesse de plein droit par l’effet d’une convention d’indivision entre les héritiers ou par la signature de l’acte de partage. Elle cesse également lorsque le juge constate l’exécution complète de la mission confiée au mandataire successoral [9].

Conclusion.

La désignation d’un mandataire successoral peut être ainsi un outil particulièrement efficace pour remédier au blocage d’une succession et éviter le dépérissement de biens ou l’aggravation du passif de la succession.

Elle suit toutefois un régime codifié par le législateur qu’il convient de bien appréhender avant de présenter une demande auprès du Président du Tribunal judiciaire compétent.

Nicolas Silvestre Avocat au Barreau de Dax (40) [->ns@landavocats.fr]

[1Article 813-1 du Code civil.

[2Article 1380 du Code de procédure civile.

[3Articles 813-4 et 784 du Code civil.

[4Article 813-4 du Code civil.

[5Article 813-5 du Code civil.

[6Civ. 1re, 1er juin 2017, n°16-18.314.

[7Article 813-8 du Code civil.

[8Article 813-7 du Code civil.

[9Article 813-9 du Code civil.