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Contrat de sécurité intégrée : les acteurs locaux ont répondu présent. Par Samir Lassoued, Elève-Avocat.
Parution : mardi 27 septembre 2022
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Quartiers de reconquête républicaine (QRR), groupes de partenariats opérationnels (GPO), contrat local de sécurité (CLS), stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance (STSPD) etc… les acronymes de dispositifs de sécurité intérieure s’empilent et se succèdent mais avec quelle efficacité ? C’est dans cet esprit de rationalisation des mécanismes que le législateur a voté la loi dite loi de « sécurité globale » et qui constitue l’inspiration première du contrat de sécurité intégrée (CSI).

Contrairement aux apparences, cet énième acronyme a en effet vocation à coordonner les dispositifs existants et à réorienter les engagements de l’État dans des zones ayant besoin de présence policière de façon visible dans les rues.

Il est donc pertinent d’analyser certains aspects des engagements réciproques conclus dans quelques-uns de ces grands centres urbains et de les comparer avec les objectifs affichés par la circulaire Castex (Circulaire du 16 avril 2021).

Ces CSI répondent à une méthode et des objectifs clairs en termes de présence de la police au quotidien dans les centres-villes et les secteurs difficiles (I). Un autre bout de la chaine judiciaire est également abordé à travers la présence d’acteurs inattendus, et d’autres plus habituels (II).

I. Le contrat de sécurité intégrée comme réponse globale aux besoins sécuritaires.

La méthode tracée par la circulaire a conduit les collectivités à exprimer clairement les besoins (A), pour en particulier régler les considérations liées aux effectifs qu’il faut déployer (B).

A. L’expression d’un diagnostic.

On ne dénombre pas moins d’une soixantaine de contrats de sécurité intégrée signés depuis le lancement de ce dispositif en avril 2021. D’autres CSI étaient encore en négociation et en phase d’être signés au mois de septembre 2022. Dans la circulaire Castex c’est pourtant l’échéance du 1er septembre 2021 qui avait été fixée pour conclure l’ensemble des CSI qui avaient été remontés avant le 30 juin de la même année.

Un grand nombre de collectivités se sont montrées intéressées par ce dispositif qui permet en théorie une amélioration qualitative et quantitative de la mobilisation des forces de sécurité intérieure. La durée de ces contrats a été conditionnée à la durée du mandat de maire, soit jusqu’en 2026 afin de conserver les mêmes interlocuteurs dans les relations de confiance et de travail qu’est censé instaurer ce contrat.

Conformément au souhait du Premier ministre, ce sont les grandes agglomérations qui ont été invitées à souscrire à ces contrats. On retrouve parmi ces heureux candidats l’agglomération d’Alençon, Nantes ou encore de Dijon.

Le préalable posé à toute négociation du contrat est un accord sur les besoins de sécurité de chaque territoire. La question des effectifs est évidement au cœur de cette première étape il et cela implique de considérer le nombre réel de forces de l’ordre présentes sur le territoire, indépendamment des multiples dispositifs comme les QRR, CLS et aux DÉS annonces ponctuelles du ministère de l’intérieur.

L’échéance fixée pour l’État est souvent plus réduite que celles des maires, puisque, si les deux institutions partagent une compétence de police, c’est à l’État que revient la mission d’assurer la sécurité intérieure.

B. L’épineuse question des effectifs de police.

Les forces de police municipale ne doivent rester que des compléments à l’action de la gendarmerie ou de la police. C’est la raison pour laquelle les CSI sont parfois moins exigeants en termes de date de recrutement. A titre d’illustration le CSI de Nantes signé le 20 mai 2021 fixait un objectif de stabilité des effectifs de police nationale à 62 gardiens de la paix.

Il faudra être encore un peu patient avant de pouvoir tirer le bilan de la présence des effectifs puisque la création nette intègre également les départs à la retraite et les démissions. L’objectif fixé par l’article 51 de cet accord nantais devra être suivi jusqu’en 2026. Concernant les effectifs de la police municipale, et devant la difficulté grandissante de recrutement de ces agents, l’échéance est plus éloignée. Par exemple, Nantes a jusqu’en 2023 pour atteindre une augmentation de 30 effectifs supplémentaires.

Le CSI d’Alençon prévoit également une compensation des départs fixant à 63 le nombre de gardien de la paix. La promesse semble pour l’instant tenue, mais l’État s’est engagé à un tel maintien seulement jusqu’en 2023, raison pour laquelle la mairie d’Alençon doit augmenter de 80% ses effectifs en passant de 5 à 9 policiers municipaux. Au terme de ce contrat, les brigades pédestres doivent augmenter de 8% ce qui correspond à la nouvelle doctrine de la DGPN qui consiste à rendre visible les effectifs de police sur le terrain.

Le même CSI prévoit également, sans en fixer concrètement les modalités, l’emploi de brigades mixtes entre la police nationale et les policiers municipaux, pour renforcer cette visibilité et l’efficacité pénale par la présence d’OPJ dans les QPV.

Cette relation police nationale, gendarmerie et police municipale correspond à de nouvelles synergies. Ces mêmes synergies sont recherchées à travers différents acteurs ayant un intérêt aux politiques de sécurité.

II. Des acteurs multiples aux compétences complémentaires.

Les agglomérations et les lieux où la forte délinquance est présente sont les principaux secteurs d’interventions de ces CSI. Un intérêt tout particulier doit être porté aux agglomérations qui semblent devenir des nouveaux acteurs de la sécurité (A). Par ailleurs, la fin de la chaine pénale n’est pas non plus négligée à travers un volet consacré à la justice de proximité (B).

A. L’agglomération comme nouvel acteur de la sécurité.

Comme cela est justement rappelé par la circulaire CASTEX, les agglomérations sont non seulement l’échelle souhaitée pour ces contrats, mais ils doivent également être impliqués dans les engagements réciproques.

A titre liminaire il faut souligner deux interventions des agglomérations. D’abord, dans le cadre des centres de supervision urbain (CSU), c’est bien souvent le périmètre de l’agglomération qui est retenu. Ensuite, l’agglomération est dotée de compétences de plus en plus intégrées, à telle enseigne que certains CSI n’auraient pas grand intérêt sans la présence des agglomérations et des métropoles. Le transport, le logement et l’emploi sont souvent des compétences que l’on retrouve à ce niveau.

La ville de Dijon s’est par exemple engagée à dédier un interlocuteur unique pour les nouveaux agents de police arrivant en poste. Cet interlocuteur aura pour mission d’accompagner socialement les fonctionnaires de police et leur famille, y compris dans la recherche d’un emploi pour leur conjoint.

Le CSI Nantais [1] va au-delà de cette préconisation prévoyant de chercher des emplois au sein des collectivités et des structures parapubliques pour les conjoints de fonctionnaires de police, en s’engageant à lancer un diagnostic des besoins des policiers qui n’auraient pas été évoqués dans le contrat.

Ce nouvel acteur est donc complémentaire et ne se substitue pas aux partenariats traditionnels avec les collectivités locales et l’institution judiciaire.

B. La mise en œuvre d’une justice de proximité présente dans les CSI.

Chaque CSI doit contenir un volet justice dont les contours ont été en partie tracés dans une circulaire du garde des sceaux en date du 15 décembre 2020 [2].

La volonté de rendre la réponse pénale plus rapide conduit à privilégier les alternatives aux poursuites en favorisant le rappel à l’ordre par les maires encore trop peu mobilisés, par manque de connaissance, mais aussi par manque de formation.

Ainsi, on peine à percevoir une réelle réponse pénale dans les CSI ce qui peut laisser douter de l’efficacité d’une partie du dispositif. L’intervention des procureurs de la République dans le dialogue avec les collectivités locales fait l’objet d’un double renvoi à la circulaire du Garde des sceaux, dans la circulaire CASTEX et dans les CSI.

En revanche, il est à noter que les délégués du procureur engagés dans le cadre de la circulaire de 2020 sont invités à porter une attention sur les CSI et donc à s’impliquer dans l’exécution du contrat.

Le volet justice prévoit enfin une implication des collectivités locales dans la réinsertion des personnes condamnées à travers des travaux d’intérêt généraux ou encore la création de stages de formation, en particulier pour les parents dont les enfants ont pu commettre des infractions.

Le CSI d’Alençon implique encore un peu plus la communauté urbaine et la ville dans la proposition de travaux d’intérêts généraux (TIG). La question se pose néanmoins de savoir si ces TIG sont uniquement affectés aux objectifs fixés dans le CSI ou s’ils sont mis en bourse sur le site de l’agence du travail d’intérêt général lancé en partenariat avec le ministère de la Justice lancé fin 2021 étant entendu que la circulaire est née en avril 2021.

Il faut donc se donner rendez-vous en 2026 pour envisager une évaluation complète du CSI.

Samir Lassoued Avocat au Barreau du Val d’Oise 1er secrétaire de la Conférence