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Les principales évolutions issues de la réforme du droit du cautionnement. Par Adèle Orzoni, Avocate.
Parution : jeudi 24 mars 2022
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L’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 « portant réforme du droit des sûretés » en vigueur depuis le 1er janvier dernier a modifié en profondeur le régime du cautionnement.

Poursuivant un objectif de clarté et de simplification du droit antérieur, qui était particulièrement dispersé et source d’un important contentieux, l’ensemble des dispositions applicables au cautionnement sont désormais regroupées au sein du Code Civil [1].

Les modifications intervenues concernent les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022.

Ceux conclus antérieurement bénéficient toujours du régime antérieur, excepté en ce qui concerne les règles applicables en matière d’obligation d’information de la caution.

Retour sur les principales évolutions en vigueur depuis le 1er janvier dernier.

Simplification relative à la « nature  » civile ou commerciale du contrat de cautionnement.

Le cautionnement, défini au nouvel article 2288 du Code civil comme le « contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci » est traditionnellement « civil par nature ».

Il revêtait toutefois un caractère commercial dans une séries d’hypothèses limitées et notamment, selon une jurisprudence traditionnelle, lorsque la caution avait un « intérêt patrimonial personnel » à s’engager. Ce critère était à l’origine d’un abondant contentieux et source d’insécurité juridique puisqu’il déterminait le tribunal compétent. Il a été abandonné par l’ordonnance et le cautionnement revêt dorénavant le caractère d’acte de commerce (et relèvera en conséquence de la compétence du tribunal de commerce) lorsqu’il porte sur une dette commerciale. [2].

Cela signifie en particulier que « deviendront commerciaux des cautionnements qui ne le sont pas actuellement, tel celui donné par l’associé d’une société commerciale pour garantir les dettes de celle-ci, même s’il n’est pas impliqué dans la gestion sociale » [3].

Un formalisme assoupli.

L’article 2297 nouveau du Code civil dispose que la caution (professionnelle ou non)

« appose elle-même, à peine de nullité de son engagement, la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

La caution n’est donc plus tenue de recopier la mention « sacramentelle » imposée antérieurement qui figurait au sein du Code de la consommation et était à l’origine d’une jurisprudence abondante qui, avouons-le, était relativement peu intéressante d’un point de vue juridique.

Il convient également de relever l’abandon du critère relatif à l’emplacement de la signature de la caution sur l’acte de cautionnement, qui était également propice à de nombreux contentieux.

Il est en outre désormais possible de conclure un cautionnement par voie électronique (sous réserve d’y intégrer la mention prévue au nouvel article 2297 du Code civil), puisque l’ordonnance a également abrogé l’article 1175 2° ancien du Code civil qui prévoyait que « Les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession ».

Unification des règles relatives à la disproportion de l’engagement de la caution.

Sur ce point également, l’ordonnance a opéré une véritable simplification, abrogeant les dispositions qui figuraient au sein du Code de la consommation et intéressaient la proportionnalité de l’engagement de la caution [4].

Rappelons que l’ancien article L343-4 du Code de la consommation prévoyait qu’« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Le nouvel article 2300 du Code civil prévoit que « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date ».

Notons également que le critère de prise en compte du patrimoine de la caution au moment où celle-ci est appelée a également été abrogé.

Sur le devoir de mise en garde du créancier professionnel.

Le nouvel article 2299 du Code civil prévoit que « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci ».

Premièrement, le critère tenant au caractère averti ou profane de la caution est abandonné, et il faut en conclure que le créancier professionnel est désormais tenu de mettre en garde toutes les cautions personne physique.

Par ailleurs, le devoir de mise en garde ne concerne que les capacités financières du débiteur, et non celles de la caution.

Enfin, le créancier manquant à son devoir de mise en garde sera déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi, alors qu’il engageait antérieurement sa responsabilité contractuelle ce qui en « pratique emporte un résultat équivalent : la caution sera libérée de son engagement à hauteur de son préjudice ».

Sur l’obligation d’information de la caution par le créancier professionnel.

Sur ce point également, l’ordonnance a unifié l’ensemble des textes existant au sein du nouvel article 2302 du Code civil.

Le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information […].

Le créancier professionnel est tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution personne physique le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée […].

Un terme est ainsi mis à la jurisprudence traditionnelle (en application de l’ancien article 2293 du Code civil) selon laquelle un manquement partiel du créancier entraînait systématiquement une déchéance totale de son droit aux intérêts et aux pénalités.

Enfin, le créancier professionnel a désormais l’obligation d’informer la caution personne physique

« de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée » [5].

Enfin, autre nouveauté intéressante, la caution est dorénavant en droit d’invoquer les exceptions qui seraient purement personnelles au débiteur (tel que par exemple, un vice du consentement) ce qui, du fait de l’ancien article 2313 du Code civil, lui était interdit.

Les objectifs d’unification et de simplification du régime du cautionnement annoncés à l’occasion de la réforme du droit des sûretés semblent ainsi atteints à la lecture de ces nouvelles dispositions. L’analyse de la jurisprudence à venir permettra, espérons-le, de s’en convaincre.

Adèle Orzoni Avocate au barreau de Paris https://orzoni-avocat.fr/

[1Chapitre 1er, Titre 1er du Livre IV.

[2Article L110-1 11° du Code de commerce.

[3Cass. 1e civ. 9-12-1992 n° 91-12.143 P : Bull. civ. I n° 306.

[4Articles L314-18, L343-4 et L332-1 anciens du Code de la consommation.

[5Article 2303 nouveau du Code civil.