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La responsabilité fiscale d’un gérant/associé majoritaire d’une société civile. Par Myriam Benarroche, Avocat.
Parution : jeudi 24 mars 2022
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Les associés sont indéfiniment responsables des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social.

L’associé qui n’a apporté que son industrie est tenu comme celui dont la participation dans le capital social est la plus faible.

Cela signifie que les créanciers pourront non seulement saisir les biens de la société, mais, s’ils ne sont pas désintéressés ils pourront aussi saisir tous les biens sur le patrimoine personnel des associés.

Il faudra donc que les associés soient extrêmement vigilants sur la bonne conduite de la SCI.

I. Responsabilité d’un associé d’une SCI.

Les détenteurs de parts sociales d’une société civile sont indéfiniment responsables sur leurs biens propres du passif de la société.

C’est le principe de transparence : les associés doivent payer en cas d’impossibilité pour la société d’honorer le paiement de ses dettes.

Toutefois, il existe un caractère subsidiaire des poursuites qui sont engagés par un créancier à l’encontre d’un associé d’une société de personne.

En effet, l’article 1858 du Code civil énonce que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ».

En matière de société civile de construction vente existe la possibilité de poursuivre les associés sur le fondement de l’article L211-2 du Code de la construction et de l’habitation qui dispose

« Les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux.

Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse. A cet effet, le représentant légal de la société est tenu de communiquer à tout créancier social qui en fera la demande le nom et le domicile, réel ou élu, de chacun des associés ».

II. La responsabilité fiscale d’un associé majoritaire dans le cadre des fonctions de gérant.

A. Responsabilité fiscale.

Le 12 mai 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’un gérant de société civile à s’acquitter d’un redressement fiscal d’un second associé en raison d’irrégularités fiscales dont il est seul à l’origine [1].

La société civile de construction vente (SCCV) est un type particulier de SCI qui est créée généralement pour une opération immobilière et liquidée au terme de celle-ci.

Elle est transparente fiscalement, c’est-à-dire qu’elle est imposée au titre de ses détenteurs (impôt sur le revenu pour les personnes physiques ou IS pour les sociétés).

Deux associés d’une SCCV, dont le gérant est associé majoritaire, ont acté sa dissolution en avril 2007. Cependant, malgré cet acte juridique, le gérant a poursuivi l’activité de la société, conduisant l’administration fiscale à un redressement sur les années 2007 et 2008 à la suite d’une vérification de comptabilité.

Suite à un redressement en 2010, les deux associés ont donc fait l’objet de majorations et pénalités au titre du manquement délibéré de déclaration fiscale.

Le second associé assigne donc le gérant devant le tribunal administratif en réparation du préjudice subi, ce dernier s’estimant injustement concerné par un redressement fiscal s’élevant à un peu moins de 34.000 euros d’arriérés d’imposition.

Le gérant peut être responsable envers les associés ou envers les tiers.

Pour cela, il est nécessaire d’engager la responsabilité civile du gérant au sens de l’article 1240 du Code civil qui dispose

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Ainsi, il faudra prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice pour mettre en cause la responsabilité du gérant.

B. La question de la faute.

Envers les associés, le gérant est responsable des infractions envers les lois, règlements ainsi que de la violation des statuts ou en cas de faute de gestion. Par exemple en cas de non communication des livres et documents sociaux au moins une fois par an ou en cas de non reddition des comptes. En revanche, ne sera pas toujours compris comme une faute, le fait pour la société d’accorder une garantie à ses dirigeants ou associés.

Les associés pourront exercés plusieurs types d’actions contre le dirigeant. Une action personnelle ou une action sociale, cette action sociale peut être ut universi ou Ut singuli :
- L’action ut universi est exercée par la société contre le dirigeant,
- L’action ut singuli est exercée par les associés contre le dirigeant. Cette action sociale ne pourra être mise en œuvre uniquement que si le préjudice a été subi par la société.

Si le préjudice a été subi par un associé de manière distincte du préjudice de la société alors l’associé pourra engager une action dite personnelle.

C. Il faudra ensuite prouver un préjudice et son lien de causalité avec la faute.

La charge de la preuve incombe au requérant. Si un préjudice est effectivement démontré, le requérant pourra se voir attribuer des dommages et intérêts qui couvriront tout le préjudice mais rien que le préjudice.

En effet, les dommages et intérêts punitifs ne sont pas reconnus en France. Le requérant pourra aussi demander au juge une astreinte. Ainsi le gérant condamné devra payer une somme fixe tous les jours jusqu’à ce qu’il règle tous les dommages et intérêts dus.

Dans l’arrêt du 12 mai 2021, c’est l’action ut universi qui a été portée par le second associé à l’encontre du gérant.

La Cour de Cassation a ainsi estimé que le redressement était le fruit de manquements délibérés du gérant et le condamne en conséquence à s’acquitter du redressement subi par le second associé ainsi qu’à lui verser une indemnisation de 5.000 euros au titre du préjudice moral, à savoir la nécessité de trouver rapidement une solution de financement.

Selarl Mab Avocat Myriam Benarroche Avocat 9 rue Le Tasse 75116 Paris https://mab-avocat-fiscaliste.com/

[1Cour de cassation, chambre civile, 3e chambre, 12 mai 2021, n°19-13942.