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Qui est en charge de la déclaration au titre de la DAC 6 ? Par Solenne Desprez Braun, Directrice des Affaires Juridiques et Christine Grard, Juriste.
Parution : mercredi 30 mars 2022
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La directive DAC 6 impose une déclaration qui incombe soit à l’intermédiaire, soit directement réalisée par le contribuable concerné.
Cet article a pour objectif de vous aider à mieux comprendre les alternatives existantes.

La directive n° 2018/822 du 25 mai 2018, communément appelé « DAC 6 » est à l’origine d’une obligation de déclaration aux autorités fiscales des Etats membres de l’Union Européenne (« UE ») dans l’objectif assumé de lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale. Cette obligation de déclaration concerne les dispositifs transfrontières à caractère potentiellement agressif.

Suite à sa transposition en octobre 2019 [1], les articles 1649 AD à 1649 AH du code général des impôts (« CGI ») ont donc vu le jour.

L’objet de la DAC 6 concerne quasiment tous les impôts et taxes [2]. Il est lié à un dispositif (incluant mais sans se limiter soit à une opération unique, soit à une série d’opération s) transfrontalières (c’est-à-dire tant qu’un état membre est concerné.). Il s’agit de vérifier si le dispositif transfrontalier peut avoir un risque potentiel d’évasion fiscale, en se basant sur la liste des marqueurs déterminés par la DAC 6.

Les déclarations doivent avoir lieu dans un délai de trente jours avec la particularité que le point de départ pour calculer le départ du délai sera conditionné à la qualité de celui en charge de la déclaration.

Partant du postulat qu’un dispositif transfrontalier est déclarable, parce qu’il comporte un ou plusieurs marqueurs, comment savoir à qui incombe la charge de réaliser les déclarations ?

Si le principe général veut que l’obligation déclarative incombe à l’intermédiaire (I) le contribuable peut avoir la charge de déclarer par exemple en l’absence d’intermédiaire (II).

I. L’obligation déclarative incombant à l’intermédiaire.

Les « intermédiaires » sont soit ceux qui sont à l’origine du dispositif déclarable, les « intermédiaires concepteurs », soit les auxiliaires actifs qui fournissent un accompagnement lié au dispositif déclarable pour assister le contribuable dans sa démarche, les « intermédiaires prestataires de service ».

Il convient de distinguer la situation où il existe un même intermédiaire ou bien plusieurs. Dans le premier cas, bien entendu, l’intermédiaire unique sera tenu de déclarer aux différents Etats concernés par le biais d’une seule déclaration. Dans le deuxième cas, l’intermédiaire qui pourra démontrer que la déclaration a déjà été réalisée par un autre intermédiaire sera exemptée de déclaration.

Le Bulletin Officiel des Finances Publiques (« BOFIP ») apporte des précisions appréciables. Dès lors, un avocat qui apporterait ses conseils dans le cadre de la conception, la commercialisation ou l’organisation du dispositif transfrontalier déclarable serait donc un intermédiaire concepteur, tandis que, le commissaire aux comptes, qui constaterait dans le cadre de la réalisation d’un audit légal, serait un intermédiaire prestataire de services.

Pour simplifier, les intermédiaires ayant un lien territorial avec l’UE, par le biais d’une résidence ou d’un établissement, doivent donc déclarer dans le pays concerné [3].
Il appert en revanche que dans le cas de plusieurs intermédiaires intervenant sur une opération, chacun d’entre eux est responsable de la déclaration. Lorsque plusieurs intermédiaires participent à la mise en œuvre d’un même dispositif, l’obligation déclarative incombe à chacun d’entre eux. La loi prévoit cependant des exceptions notamment si la déclaration est déjà intervenue par le biais d’un autre intermédiaire.

A noter que l’intermédiaire soumis au secret professionnel se devra de demander l’accord préalable du contribuable. En cas d’opposition, il conviendra que le contribuable se saisisse du sujet. Dans certains cas, aucun intermédiaire n’est lié au dispositif, et, dans ce cas également, l’obligation déclarative incombe au contribuable.

II. L’obligation déclarative incombant au contribuable.

En l’absence d’intermédiaire, soit parce que l’opération a été réalisée directement par le contribuable soit dans l’hypothèse où l’intermédiaire n’est pas soumis à la directive DAC6 en l’absence de lien structurel, fiscal ou légal avec un pays de l’Union Européenne, l’obligation déclarative demeure mais repose sur le contribuable dit « contribuable concerné ».
Le CGI définit le contribuable concerné comme « toute personne à qui un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration est mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, ou qui est disposée à mettre en œuvre un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou qui a mis en œuvre la première étape d’un tel dispositif ».
Le contribuable concerné est donc la personne physique ou morale considérée comme l’utilisateur du dispositif transfrontière déclarable.

Le BOFIP évoque la qualité de contribuable concerné au sein des sociétés de personnes et des entités fiscalement transparentes et précise qu’a défaut pour ces structures d’avoir opté pour un régime fiscal au titre duquel elles seraient personnellement imposées, les contribuables concernés sont les associés de ces structures .

De la même manière que pour l’intermédiaire, il faut distinguer l’hypothèse où il existe un seul contribuable concerné et celle où il en existe plusieurs. Dans la première situation, l’obligation déclarative incombe à l’unique contribuable concerné. Dans la seconde situation, l’obligation déclarative incombe à l’un des contribuables concernés en fonction des critères de priorité fixé par la législation. Toutefois, un contribuable concerné ne pourra être dispensé de l’obligation déclarative uniquement s’il apporte la preuve – par tout moyen - que celle-ci a effectivement été réalisée par un autre contribuable concerné.

Enfin, comme évoqué précédemment, en présence d’un intermédiaire couvert par le secret professionnel, l’obligation déclarative incombe à ce dernier mais nécessite l’accord préalable du contribuable concerné. Dans cette hypothèse, c’est donc au contribuable concerné de décider s’il accepte que l’intermédiaire conserve cette obligation et procède à la déclaration, ou bien s’il souhaite que cette obligation lui revienne.

Bien qu’en théorie la DAC6 ait établit des conditions relatives au détenteur de l’obligation déclarative, l’application pratique de ces règles en présence de plusieurs intermédiaires et personnes concernés sera-t-elle aussi évidente ?

Solenne Desprez Braun, Directrice des Affaires Juridiques et Christine Grard, Juriste Conseil Manager FI Group

[1Ordonnance 2019-1068 du 21 octobre 2019 (JO 22 texte n° 18) – Article 1er.

[2A l’exception de à la taxe sur la valeur ajoutée, des droits de douane et droits d’accises ou encore des cotisations obligatoires et prélèvements sociaux dus à l’État membre, à une de ses entités ou aux organismes de sécurité sociale de droit public.

[3Pour plus de précision, voir : (CGI, art. 1649 AE, I)