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La colocation et ses actualités. Par Cyril Courseau, Avocat.
Parution : samedi 2 avril 2022
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La loi 3 DS du 22 février 2022 apporte une véritable nouveauté en matière de colocation en modifiant la rédaction de l’article 140 de la loi N°2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi Elan.

En effet, elle précise qu’en cas de colocation du logement, le montant de la somme des loyers perçus de l’ensemble des locataires ne peut pas être supérieur au montant du loyer applicable au logement conformément à l’encadrement des loyers. Cette limite s’applique dans les « zones d’urbanisation continues de plus de 50 000 habitants » au titre de l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989.

Pour mémoire, la loi Alur du 24 mars 2014 était venue donner un cadre légal à la colocation, inexistant jusqu’alors, en créant l’article 8-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 lequel dispose que :

« I. - La colocation est définie comme la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur, à l’exception de la location consentie exclusivement à des époux ou à des partenaires liés par un pacte civil de solidarité au moment de la conclusion initiale du contrat ».

En application de ce même article, le contrat de bail de colocation peut être formalisé par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur.

Le contrat de bail unique.

Dans le cas de la conclusion d’un contrat de bail unique, celui-ci doit être signé entre tous les locataires.

Le bailleur est alors en droit de demander le paiement du loyer en totalité et une seule fois.

Le contrat de bail multiple.

Une colocation peut aussi être établie dans un logement en concluant plusieurs baux portant chacun sur une pièce dudit logement.

Chaque colocataire est alors seul signataire de son bail qui portera sur une ou plusieurs pièces précisément désignées dans le corps du contrat de bail.

Dans ce cas de figure, le bailleur doit néanmoins veiller à ce que chaque contrat de bail distinct porte sur une surface minimale de 14 m2 [1].

La nouveauté introduite par la loi 3DS, modifiant l’article 140 de la loi N°2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi Elan, prévoit que le même plafond s’applique tout aussi bien dans le cadre d’un contrat de bail unique que dans le cadre d’un contrat de bail multiple.

La solidarité entre colocataires tient-elle à toute épreuve ?

Depuis sa consécration législative en 2014, le régime de la colocation ne cesse d’évoluer et de se préciser au gré des décisions de justice.

Dernier épisode en date, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la solidarité des dettes entre colocataires par un arrêt de censure en date du 8 avril 2021 [2].

Dans les faits, un contrat de bail est conclu entre un bailleur et deux concubins, solidaires, qui donnent fin à leur relation cours de bail. Le premier colocataire donne congé au bailleur avant que l’autre ne fasse de même, quelques mois plus tard. L’état des lieux de sortie constate l’existence de dégradations locatives. Le bailleur assigne finalement les deux colocataires en paiement des dégradations locatives mais également d’un solde locatif.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel qui condamne la colocataire, qui était partie la première, à payer une certaine somme d’argent au bailleur pour les dégradations locatives et le solde locatif.

La décision de la Cour de cassation se fonde sur l’article 8-1 VI de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose :

« La solidarité d’un des colocataires et celle de la personne qui s’est portée caution pour lui prennent fin à la date d’effet du congé régulièrement délivré et lorsqu’un nouveau colocataire figure au bail. A défaut, elles s’éteignent au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois après la date d’effet du congé ».

Si la colocation est régie par un principe général de solidarité des dettes locatives, deux hypothèses sont à distinguer selon l’arrivée ou non d’un nouveau colocataire.

En effet, lorsque le colocataire sortant est remplacé concomitamment par un nouveau colocataire qui signe le contrat de bail, la solidarité du sortant cesse à la date d’effet du congé valablement délivré.

En revanche, lorsque le colocataire ne se fait pas remplacer, la solidarité se prolonge pendant une durée de six mois après la date d’effet du congé, sauf stipulation contractuelle venant réduire ce délai.

Il en résulte que la solidarité d’un colocataire ne peut être retenue pour toute dette née postérieurement à ce délai de six mois.

Dans le présent cas, la Cour d’appel avait condamné le colocataire sortant à régler une certaine somme pour les dégradations constatées dans l’état des lieux de sortie selon un prorata du montant total, suffisamment justifié par un tableau récapitulatif de régularisations de charges et des devis des travaux de remise en état, au jour où s’achevait la solidarité.

Critiquant cette décision, le demandeur au pourvoi soutenait qu’il ne pouvait être mis à la charge du locataire qui a donné congé la charge des réparations dont il n’est pas constaté qu’elles soient survenues avant la fin de la période de solidarité.

Cette position est finalement adoptée par la Cour de cassation qui censure l’arrêt rendu par la Cour d’appel en retenant que

« La créance du bailleur au titre de la remise en état des lieux était née après l’expiration de l’obligation solidaire ».

La solution aurait pu être différente s’il avait été démontré que les dégradations, ou une partie d’entre elles, étaient nées avant la fin de la solidarité.

En l’absence d’état des lieux intermédiaire, la preuve de la survenance des dégradations en cours de solidarité reste toutefois difficile à apporter.

En tout état de cause, cette décision précise le régime de la solidarité entre colocataires en rappelant que toute créance née postérieurement à la période de la solidarité ne peut être réclamée au colocataire qui a valablement donné congé.

Recommandations.

En cas d’engagement d’une procédure pour recouvrement de loyers impayés et/ou dégradations, il est souvent tentant (et légitime) pour le bailleur d’assigner également le colocataire sortant aux fins d’obtenir sa solidarité. Avec ce nouvel arrêt, il faudra dorénavant veiller à ce que la créance dont le bailleur sollicite le règlement soit bien née avant la fin de la période de solidarité. En matière de loyers impayés, le risque est simplement que le Tribunal retranche les loyers postérieurs au départ du colocataire sortant.

En revanche, en matière de dégradations locatives, le bailleur encourt le risque d’être débouté purement et simplement de sa demande à l’encontre du colocataire sortant s’il n’est pas démontré que les dégradations ont une origine antérieure.

Me Cyril Courseau - Cabinet BJA Avocats

[1Article L111-6-1 du Code de la construction.

[2Civ 3, 8 avril 2021, n°19-23.343.