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Droit pénal militaire : les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire. Par Elodie Maumont, Avocate.
Parution : mercredi 6 avril 2022
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Aujourd’hui et suite aux grandes réformes intervenues il y a près de 40 ans (loi du 21 juillet 1982) puis plus récemment il y a une dizaine d’années (loi du 13 décembre 2011 et loi de programmation militaire du 18 décembre 2013), il n’existe plus de tribunaux militaires en France en temps de paix.

Ce sont ainsi :
- les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire (JDCS) qui statuent sur les infractions commises par les militaires dans l’exercice du service (articles 697 et 697-1 du Code de procédure pénale) (1) ;
- et la juridiction spécialisée du Tribunal judiciaire de Paris qui est compétente pour connaitre des crimes et des délits commis hors du territoire de la République par les personnels des forces armées ou à leur encontre [1] (2).

1. La compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire.

Aujourd’hui et en application du décret n° 2014-1443 du 3 décembre 2014 modifiant le décret n° 82-1120 du 23 décembre 1982 fixant la liste et le ressort des juridictions compétentes pour connaître des infractions en matière militaire et de sûreté de l’Etat, 9 juridictions ont à en connaitre.

Il s’agit ainsi des tribunaux judiciaires de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes, Cayenne et Toulouse en matière délictuelle et des Cours d’assises de la Gironde, du Nord, du Rhône, des Bouches du Rhône, de la Moselle, de Paris, d’Ille et Vilaine, de la Guyane et de la Haute-Garonne en matière criminelle et du ressort respectif s’étendant au ressort des Cours d’appel de Bordeaux, Limoges et Pau, pour Bordeaux, Amiens, Douai, Reims et Rouen pour Lille, Chambéry, Grenoble, Lyon et Riom pour Lyon, Aix-en-Provence, Bastia et Nîmes pour Marseille, Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy pour Metz, Bourges, Paris, Orléans, Versailles, Nouméa, Papeete, Saint-Denis et Saint-Pierre pour Paris, Angers, Caen, Poitiers et Rennes pour Rennes, Basse-Terre, Cayenne et Fort-de-France pour Cayenne, et enfin Toulouse, Montpellier et Agen pour Toulouse.

Ces juridictions connaissent des crimes et des délits commis sur le territoire de la République par les militaires dans l’exercice du service.

Il en est ainsi des infractions du Code de justice militaire visées aux articles L321-1 à L324-11 et à titre d’exemples de la désertion, du refus d’obéissance, de la violation de consignes, des violences, abus d’autorité et outrages à subordonné ou à supérieur … mais également des infractions de droit commun se rattachant à l’exercice du service et notamment du harcèlement moral, du harcèlement sexuel, des agressions sexuelles, des blessures volontaires ou involontaires, mises en danger de la vie d’autrui, usage et trafic de stupéfiants,…

Par dérogation à ces dispositions, ces juridictions ne peuvent connaître des infractions de droit commun commises par les militaires de la gendarmerie nationale dans l’exercice de leurs fonctions relatives à la police judiciaire ou à la police administrative ; ces infractions relèvent alors de la compétence des juridictions de droit commun.

Les JDCS restent néanmoins compétentes pour les gendarmes pour les infractions commises dans le service du maintien de l’ordre et pour toutes leurs autres activités.

Les JDCS sont également compétentes à l’égard de toutes personnes majeures, auteurs ou complices, ayant pris part à l’infraction.

Ces juridictions sont composées de magistrats civils de l’ordre judiciaire qui sont assistés de greffiers militaires mis à disposition de l’institution judiciaire par le Ministère des armées.

Les greffiers militaires, issus de toutes les armées et services, sont spécifiquement recrutés et formés par la direction des affaires juridiques du ministère des armées.

2. La juridiction spécialisée du Tribunal judiciaire de Paris.

Visée à l’article 697-4 du Code de procédure pénale, la juridiction spécialisée du Tribunal judiciaire de Paris est compétente pour connaitre des crimes et des délits commis hors du territoire de la République par les personnels des forces armées ou à leur encontre conformément aux dispositions des articles L121-1 et suivants du Code de justice militaire.

Elle est ainsi compétente pour les infractions commises en opérations extérieures (OPEX) et le cas échéant en missions de courtes durées (MCD).

Le même article 697-4 du Code de procédure pénale prévoit que le Président du Tribunal judiciaire de Paris et le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Paris désignent respectivement un ou plusieurs juges d’instruction et magistrats du parquet chargés spécialement de l’enquête, de la poursuite et de l’instruction des infractions précitées.

Ainsi à Paris, il s’agit de la section AC3 du Parquet de Paris : Affaires militaires et Atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Même si pour l’essentiel les règles de procédure qui s’appliquent relèvent du droit commun, il existe certaines particularités procédurales prévues au Code de procédure pénale (cf. article 697 et suivants et notamment demande d’avis du ministre des armées, absence de citation directe …).

Elodie Maumont, Barreau de Paris Avocate associée et fondatrice de MDMH Avocats, Spécialisée en droit pénal militaire www.mdmh-avocats.fr.

[1Article 697-4 du Code de procédure pénale.