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Le délai pour licencier pour faute grave un salarié absent. Par Cécile Villié, Avocat.
Parution : mercredi 13 avril 2022
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Pas d’exclusion de la faute grave en cas d’engagement tardif d’une procédure de licenciement en raison de la suspension du contrat de travail du salarié.

L’article L1332-4 du Code du travail dispose qu’ « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

Alors qu’une salariée était placée en arrêt de travail depuis le 31 mai 2013, par lettre du 14 novembre 2014, l’employeur la convoquait à un entretien préalable au licenciement.

Il lui reprochait des faits remontant à 2011 et 2012.

La salariée fut licenciée pour faute grave par lettre du 12 décembre 2014.

Devant la cour d’appel et la Cour de cassation, elle faisait valoir que l’employeur avait tardé à engager la procédure disciplinaire et ne pouvait plus invoquer la faute grave.

Elle arguait que la faute grave, étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits reprochés.

Selon la salariée, le délai de quatre semaines pour engager la procédure de licenciement après la connaissance des faits reprochés empêchait l’employeur d’invoquer la faute grave.

En effet, depuis 2010, il est de jurisprudence constante que :
« la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire » [1].

Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt du 9 mars 2022 (n°20-20.872), a confirmé le raisonnement de la cour d’appel qui constate que la salariée, dont le contrat de travail était suspendu depuis le 31 mai 2013, était absente de l’entreprise, ce dont il résultait que l’écoulement de ce délai ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité.

Ainsi, compte tenu de la suspension du contrat de travail de la salarié, le délai de quatre semaines entre la connaissance des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité.

Déjà en 2002, la Cour de cassation avait considéré que lorsque le contrat de travail du salarié est suspendu, le fait pour l’employeur d’avoir laissé s’écouler un court délai avant de déclencher la procédure de licenciement ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité [2].

De même, en 1990, la Haute Cour retenait que la seule circonstance que l’employeur ait attendu la fin d’un arrêt de travail pour maladie d’une salariée ayant pris contre l’avis de l’employeur sa cinquième semaine de congés payés à la fin de son congé de maternité et n’ayant à aucun moment repris son travail pour lui notifier son licenciement à compter de l’expiration de ses congés payés normaux ne peut priver celui-ci d’invoquer l’existence d’une faute grave [3].

Cécile Villié avocat - droit du travail www.villie-avocat.com [->contact@villie-avocat.com]

[1Cass. soc., 6 oct. 2010, nº 09-41.294

[2Cass. soc. 25 juin 2002 ,n° 00-44.001

[3Cass. soc., 3 oct. 1990 n° 88-41.275