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L’expulsion pour impayés locatifs en matière de baux d’habitation. Par Jean-François Greze, Avocat.
Parution : vendredi 15 avril 2022
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Le fait qu’un locataire cesse de régler son loyer peut être une vraie catastrophe pour son bailleur.
Selon les dispositions prévues par les articles 1728 du Code civil et 7 a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, l’obligation principale du locataire est celle de payer son loyer et les charges à bonne date.
Si le locataire cesse de régler son loyer aux termes convenus, le bailleur a la faculté d’obtenir son expulsion.

Il convient ainsi de s’intéresser au déroulement de la procédure, ce, à travers l’obtention d’une décision d’expulsion (1), puis son exécution (2).

Enfin, il sera abordé la question des délais particuliers accordés au locataire en matière d’expulsion locative portant sur un bail d’habitation (3).

1) L’obtention d’une décision d’expulsion.

Deux situations sont à distinguer en fonction de la présence (a) ou de l’absence (b) d’une clause résolutoire dans le contrat de bail conclu.

a. Une clause résolutoire est prévue au contrat.

Il est d’usage de stipuler dans les contrats de bail une clause permettant au bailleur d’invoquer la résiliation du contrat en cas de manquement par le preneur à ses obligations, tenant notamment au paiement du loyer.

Selon les termes de l’article 24, I de la loi du 6 juillet 1989, pour que cette clause entraine la résiliation du contrat de bail pour défaut de paiement, il est nécessaire de faire délivrer au locataire un commandement de payer visant ladite clause.

Sous peine de nullité, le commandement doit reproduire intégralement la clause résolutoire insérée au bail, ainsi qu’un certain nombre de dispositions légales prévues par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

A ce stade, et toujours à la lumière de l’article 24, I de la loi du 6 juillet 1989, si les obligations du locataire ont été garanties par un cautionnement, il conviendra de faire signifier à la caution ledit commandement dans un délai de quinze jours à compter de sa signification au locataire.

A défaut, la caution ne pourra être tenue au paiement de l’arriéré locatif, ni au paiement des pénalités ou intérêts de retard [1].

De plus, au-delà d’un certain seuil et/ou d’une certaine ancienneté de la dette fixée par décret en Conseil d’État pour chaque département, l’huissier de justice significateur doit signaler la délivrance du commandement à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives afin que celle-ci mette en place les mesures nécessaires à la prévention de l’expulsion [2].

Par suite, à la réception du commandement de payer, le locataire dispose d’un délai de deux mois pour régler l’arriéré locatif dû.

Il peut profiter de ce délai pour demander des délais de paiement en saisissant le tribunal durant ce délai, ou le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) afin d’obtenir une aide financière.

A défaut de paiement de l’intégralité de la dette dans les délais requis, le bailleur pourra faire délivrer une assignation au locataire indélicat et, éventuellement à la caution.

En effet, le bailleur devra faire assigner le locataire indélicat et la caution devant le juge des contentieux de la protection du lieu de situation de l’immeuble aux fins que soit constaté l’acquisition de la clause résolutoire, que l’expulsion soit ordonnée, et qu’il soit condamné au paiement de l’arriéré dû.

Il est à noter qu’à peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation doit être notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département au moins deux mois avant l’audience [3].

b. Le contrat de bail ne prévoit pas de clause résolutoire.

Il sera utilement rappelé que selon les articles 1728 du Code civil et 7 a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, l’obligation principale du locataire est celle de payer son loyer et les charges à bonne date.

Or, si le locataire n’exécute plus son obligation principale, pour laquelle il reçoit pourtant la contrepartie résultant en la mise à disposition d’un local, le bailleur pourra obtenir la résolution judiciaire du contrat.

En effet, à la lumière des articles 1217 et 1741 du Code civil, en cas d’inexécution par le locataire de son obligation principale consistant au paiement du loyer à bon terme, celui-ci s’expose à la résolution judiciaire du contrat de bail.

Dans ces conditions, le bailleur pourra saisir directement le juge des contentieux de la protection aux fins d’engager cette action.

D’autant plus qu’un commandement de payer préalable à l’assignation n’est pas nécessaire [4].

Néanmoins, il est utile d’indiquer que le juge appréciera de manière souveraine si les manquements invoqués par le bailleur justifient la résolution judiciaire du contrat, en ce sens, il est possible que le juge estime la dette comme étant trop modeste pour provoquer la résolution du contrat conclu.

Raison pour laquelle il est toujours préférable d’insérer au contrat de bail un clause résolutoire pour défaut du paiement du loyer et des charges à bonne date.

2) L’exécution de la décision d’expulsion.

Une fois la décision obtenue, il sera nécessaire de la faire signifier au locataire devenu occupant sans droit ni titre du logement.

En effet, sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivi qu’en vertu d’une décision de justice exécutoire [5].

Aussi, il sera signifié à l’occupant un commandement de quitter les lieux dans un délai de deux mois [6].

L’huissier de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion en saisit le préfet, représentant de l’Etat dans le département, afin que celui-ci en informe la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) [7].

Une fois le délai de deux mois passé, l’occupant doit quitter les lieux.

En cas de résistance, l’huissier pourra recourir au concours de l’État, qui, s’il refuse d’intervenir, voit sa responsabilité engagée à l’égard du propriétaire.

Par suite des opérations, l’huissier établit un procès-verbal d’expulsion contenant les mentions obligatoires visées par l’article R432-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

En cas de présence de la personne expulsée, le procès-verbal lui est remis en main propre, à défaut, elle lui est signifiée.

Enfin, l’article R441-1 du Code des procédures civiles d’exécution vise l’hypothèse dans laquelle un occupant se réinstalle dans les lieux postérieurement à l’expulsion.

Dans ce cas précis, la mesure d’expulsion peut être réitérée sans nécessité d’avoir à réaliser un nouveau commandement de quitter les lieux.

Il arrive fréquemment que des meubles soient laissés sur place par le preneur à raison de sa pure négligence.

Les meubles se trouvant sur place sont transportés à l’endroit désigné par la personne expulsée, à ses propres frais.

A défaut d’indication, il en est dressé un inventaire et, ces meubles sont soit, laissés sur place, soit transportés dans un lieu approprié et décrits par l’huissier de justice chargé de l’exécution avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de deux mois [8].

A l’expiration du délai imparti, il est procédé à la mise en vente aux enchères publiques des biens susceptibles d’être vendus. Les biens qui ne sont pas susceptibles d’être vendus sont réputés abandonnés. Le produit de la vente est remis à la personne expulsée après déduction des frais et de la créance du bailleur [9].

3) Les délais particuliers en matière d’expulsion locative.

Il sera rappelé que, par application de l’article 24, II de la loi du 6 juillet 1989, si le bailleur est une personne morale autre qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, une assignation visant à l’acquisition de la clause résolutoire ne pourra être délivrée au locataire que deux mois après le signalement du commandement de payer à la CCAPEX.

Ensuite, par application de l’article 24, III de la loi du 6 juillet 1989, sous peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département au moins deux mois avant l’audience.

D’autre part, à l’occasion de la procédure d’expulsion, le locataire pourra accumuler un délai de quelques mois en sollicitant un report de l’affaire aux fins de préparer sa défense, demande qui sera dans la majorité des cas acceptée.

Ensuite, il est à noter que, par application des articles L412-3 et L412-4 du Code des procédures civiles d’exécution, et, s’agissant spécifiquement des locaux d’habitation ou à usage professionnel, le juge a la faculté d’accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

La durée des délais prévus ne peut en aucun cas être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans.

Il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites de son relogement [10].

Le critère principal pour accorder lesdits délais repose sur le paiement par les locataires du loyer et des charges et sur l’éventuelle aggravation de la dette locative [11].

Mais aussi des délais d’ores et déjà accordés au locataire, au cours de la procédure d’expulsion [12].

Lesdits délais pouvant être accordés par le juge qui ordonne l’expulsion ou ultérieurement à la décision rendue.

Par suite, postérieurement au prononcé de la décision d’expulsion, et, s’agissant spécifiquement des locaux affectés à usage d’habitation principale, l’article L412-1 du Code des procédures civiles d’exécution offre un délai supplémentaire au locataire devenu occupant sans droit ni titre à compter de la signification du commandement de quitter les lieux.

En effet, l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’issue d’un délai de deux mois ayant pour point de départ la délivrance du commandement de quitter les lieux.

L’occupant pourra utilement profiter de ce délai pour quitter les lieux et éviter le traumatisme l’expulsion forcée.

Enfin, il sera utilement rappelé que durant la période qui s’étire du 1er de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, il sera sursis à toute mesure d’expulsion non encore exécutée, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille [13].

Jean-François Greze Avocat au barreau de Meaux Site : https://greze-avocat.fr

[1Article 24, I de la loi du 6 juillet 1989.

[2Article 24, I de la loi du 6 juillet 1989.

[3Article 24, III de la loi du 6 juillet 1989.

[4Cass. 3ème civ. 9 octobre 1996.

[5Art. L411-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

[6Art. L411-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

[7Art. L412-5 du Code des procédures civiles d’exécution.

[8Art. L433-1 et R433-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

[9Art. L433-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

[10Art. L412-4 du Code des procédures civiles d’exécution.

[11Cour d’appel de Paris, 3 février 2011, n° 10/24392.

[12Cour d’appel de Paris, 16 janvier 2020, n° 19/14363.

[13Art. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution.