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Séparation des parents et résidence alternée. Par Isabelle Copé-Bessis Avocat.
Parution : vendredi 22 avril 2022
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Vous vous séparez, vous divorcez et vous souhaitez demander la résidence alternée pour vos enfants. Votre conjoint souhaite demander la résidence alternée et vous vous demandez s’il ou elle a une chance de l’obtenir ? Autant de questions légitimes que se posent les parents au moment d’une séparation et auxquelles nous nous efforçons de donner ici des réponses juridiques et pratiques.

En cas de séparation ou de divorce, la résidence des enfants sera fixée soit chez l’un des parents à titre habituel, avec un droit de visite et d’hébergement au profit de l’autre, fixé selon une fréquence et une durée définies conventionnellement ou par une décision de justice, soit en alternance au domicile de chaque parent.

Lorsque la résidence de l’enfant est fixée en alternance, on appelle cela la résidence alternée même si dans le langage courant on parle souvent de « garde alternée » ou « garde partagée ».

Introduite dans le droit français par la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale, la résidence alternée est prévue par l’article 373-2-9 du Code civil. Selon une étude Insee parue le 3 mars 2021, 480 000 enfants vivaient en garde alternée en 2020, soit 12% des 4 millions d’enfants mineurs de parents séparés : ce chiffre a doublé depuis 2010.

Les avantages de la résidence alternée : la continuité du lien.

Pour l’enfant, l’alternance permet de partager son quotidien avec chaque parent de manière égale malgré la séparation et de nouer une relation soutenue et constante avec chacun des deux parents, dont l’implication dans l’éducation de l’enfant sera totalement partagée.

Pour le parent, l’alternance permet d’être pleinement présent auprès de son enfant sur son temps d’accueil tout en disposant également de temps pour soi ; par ailleurs, la garde alternée évacue le ressenti du parent « principal » (celui chez qui l’enfant réside) et du parent « du week-end ».

Comment se passe le choix de la résidence alternée ?

Si les parents sont d’accord sur la mise en place de la résidence alternée de l’enfant, il est possible d’établir une convention parentale ou pacte de famille puis de saisir le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire du domicile des parents pour homologation. Cette démarche, bien que recommandée, n’est toutefois pas obligatoire.

En cas de désaccord des parents, un médiateur familial pourra être consulté dans un premier temps pour travailler sur la mésentente et tenter un rapprochement.

Si l’on n’arrive pas à s’entendre ou si l’on doit modifier les modalités de « garde », le juge aux affaires familiales devra être saisi par l’un des parents pour fixer la résidence du ou des enfants. Cette procédure peut avoir lieu avant, dans le cadre du divorce, ou bien après le divorce ou dans le cadre d’une séparation.

La fixation d’une résidence alternée n’est pas toujours la bonne solution, loin de là. Le juge tranchera entre les positions respectives des parents, au cas par cas et toujours dans le strict intérêt de l’enfant.

La loi ne précise pas les critères pour apprécier l’opportunité d’une résidence alternée.

Le choix de la résidence alternée, son rythme (nombre de jours chez l’un et chez l’autre), sont définis par le juge aux affaires familiales selon la situation de chaque famille et en fonction d’un certain nombre de critères posés par l’article 373-2-11 du Code civil mais également en fonction d’autres paramètres à la fois objectifs, comme par exemple le critère géographique des distances, l’âge des enfants, les conditions d’hébergement des enfants, la disponibilité des parents - et subjectifs, qui relèvent de l’appréciation des juges, comme une situation de conflit entre les parents, la parole exprimée de l’enfant par exemple.

La mésentente des parents peut conduire certains juges à écarter la résidence alternée mais pas toujours. La résidence alternée peut être vue aussi comme un moyen de pacifier un conflit parental. La résidence alternée permet d’éviter les notions d’un « gagnant » et un « perdant » entre les deux parents.

C’est l’intérêt de l’enfant, parfois dicté par la continuité dans son mode de vie, (scolarité dans le même établissement, maintien dans son environnement …) qui guideront la décision ; les critères du choix de la résidence alternée sont de fait assez fluctuants et particuliers à chaque situation. D’où l’importance de consulter un avocat spécialiste en droit de la famille qui pourra procéder à une évaluation d’ensemble de la situation familiale et circonstanciée en fonction des différents critères utilisés par les magistrats pour prendre leurs décisions.

Les différentes organisations de résidence alternée.

Si l’alternance hebdomadaire égalitaire est privilégiée (89% des cas de résidence alternée), elle n’est pas systématique. Pour déterminer le rythme de l’alternance, le juge prendra en compte en priorité le bien-être de l’enfant mais aussi la disponibilité des parents, quitte à faire évoluer le rythme ultérieurement quand les besoins de l’enfant changeront. Il n’y a donc pas vraiment de règle intangible, sauf celle de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Qui paye quoi ?

Quel que soit le rythme choisi, les parents doivent pourvoir aux besoins et frais d’entretien et d’éducation des enfants : école, garderie, cantine, activités scolaires, extra-scolaires, frais médicaux, transports…

D’après la loi chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant [1].

Il ne saurait donc être trop conseillé de fixer avec le plus de précision possible la répartition des frais entre les parents et les modalités de la contribution de chacun (pension ou prise en charge directe), pour limiter les conflits.

Pas incompatible avec une pension alimentaire.

La garde alternée ne s’oppose pas à l’octroi d’une pension alimentaire. L’octroi d’une pension dépend des besoins de l’enfant et des ressources respectives de parents. Cela sera par exemple le cas en présence de fortes disparités financières entre les parents, entraînant l’impossibilité pour l’un d’eux d’assumer seuls les frais engendrés pendant ses périodes de garde, ou de payer les activités ou autres par moitié. La garde alternée même égalitaire n’exclut donc pas la fixation d’une pension au bénéfice d’un des parents si les revenus ne sont pas identiques.

Impact fiscal.

En cas de résidence alternée, l’enfant est fiscalement rattaché au foyer fiscal des deux parents et la majoration du quotient familial est donc partagée par moitié. Cela signifie que le parent qui verse une pension alimentaire ne peut pas bénéficier de la déduction de la pension alimentaire, les deux avantages fiscaux ne pouvant pas se cumuler. De la même manière, la pension n’est pas non plus imposable pour le parent qui la perçoit.

Toutefois, les parents peuvent convenir de s’entendre de manière conventionnelle en cas de différence importante des revenus entre les parents si l’un des parents supporte majoritairement la charge des enfants. Cela présente un intérêt au regard des règles relatives à la déductibilité des pensions alimentaires.

La résidence alternée, à tout prix ?

Si la résidence alternée peut être un bénéfice pour l’enfant, elle peut ne pas être adaptée à toutes les situations familiales et s’avérer contraire à l’intérêt de l’enfant. L’éloignement géographique entre les deux domiciles, l’état de santé de l’enfant ou d’un parent, la présence d’un parent toxique ou violent, le fait que l’un des parents vive avec une personne qui est en conflit avec l’enfant, le très jeune âge de l’enfant peuvent être autant de raisons d’écarter le mode de résidence alternée. L’analyse au cas par cas est fondamentale.

Il est également des situations où, une fois mise en place, la résidence alternée peut tout simplement ne pas fonctionner ; une situation qui devient trop conflictuelle, un enfant qui ne s’adapte pas … Ainsi, comme toutes les mesures qui concernent les enfants, la résidence alternée n’est pas figée et il importe de la faire évoluer si les besoins de l’enfant le commandent.

Il sera alors souhaitable de tenter de trouver un nouvel accord pour le bien-être de l’enfant, éventuellement avec l’aide d’une médiation familiale et, à défaut, en saisissant le juge pour demander la modification de ce mode de garde.

Un avocat spécialiste en droit de la famille pourra vous conseiller utilement sur l’opportunité ou non d’une garde alternée, pour envisager un accord et bien sûr pour vous accompagner sur un éventuel contentieux si vous êtes en désaccord avec l’autre parent.

Isabelle Cope-Bessis, Avocat à la Cour, Barreau de Paris.

[1Article 371-2 du Code civil.