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Audiovisuel : requalification des 166 CDDU en CDI et licenciement sans cause d’une journaliste rédactrice reporter présentatrice. Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.
Parution : mercredi 27 avril 2022
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Par jugement du 16 mars 2022 (n° RG F 19/05827), le Conseil de prud’hommes de Paris (départage Encadrement) fait droit à la demande de requalification de 10 ans de CDD successifs en CDI d’une journaliste rédactrice reporter présentatrice audiovisuelle.

Pour requalifier la relation contractuelle en relation à durée indéterminée, le juge départiteur relève notamment que « la durée de la relation contractuelle (plus de dix ans) et le nombre de contrats successifs (166, dont 113 CDDU et 53 CDD dits de remplacements) démontrent que l’emploi occupé par la salariée était lié à l’activité durable de l’entreprise et ne constituait pas un emploi temporaire ».

Par ailleurs, le Conseil de prud’hommes juge aussi que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause.

Le jugement du juge départiteur est définitif.

Faits et procédure.

Madame E a été engagée à compter du 26 octobre 2007 (eu égard au plus ancien contrat fourni par la demanderesse) par la société RFO, faisant partie du groupe France Télévisions créé par la suite, par contrat de travail à durée déterminée en qualité de « pigiste rédacteur ».

A l’issue de ce premier contrat, les parties ont poursuivi leur collaboration, dans le cadre de très nombreux contrats à durée déterminée, visant, pour les contrats produits, des motifs divers tels que : remplacement de salariés absents et « CDD d’usage ».

A partir du second contrat conclu le 29 octobre 2007, Madame E a accédé au statut cadre.

Les relations entre les parties sont soumises aux dispositions de la convention collective de travail des journalistes ainsi qu’à l’accord d’entreprise France Télévisions du 28 mai 2013.

Les relations contractuelles entre la société France Télévisions et Madame E ont cessé le 1er juillet 2018, à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée (tel que mentionné sur le dernier CDD produit au dossier de la défenderesse).

La société employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail (soit plusieurs milliers de salariés).

Madame E a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris par requête en date du 1er juillet 2019 aux fins d’obtenir la requalification de ses CDD en CDI à temps plein et le paiement de diverses créances salariales et indemnités de rupture.

L’affaire a été renvoyée directement devant le bureau de jugement et a été plaidée à l’audience du 6 février 2020.

Les conseillers n’ayant pu se départager, l’affaire a été portée devant la formation de départage du Conseil.

Le 16 mars 2022, le juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Paris, par jugement contradictoire :
- Ordonne la requalification des contrats à durée déterminée conclus entre les parties en contrat à durée indéterminée à compter du 26 octobre 2007 ;
- Fixe la moyenne de salaire de référence à la somme de 5 639,13 euros bruts ;
- Condamne la société France Télévisions à payer à Madame E les sommes suivantes :
- 8 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
- 16 917,39 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
- 1 691,73 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
- 62 521,49 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 45 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2 949,80 euros bruts à titre de rappel de la prime d’ancienneté ;
- 294,98 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal commencent à courir à compter du jour du prononcé du présent jugement s’agissant des demandes à caractère indemnitaires et à compter de la date de la saisine du Conseil s’agissant des demandes à caractère salarial ;
- Condamne la société France Télévisions à rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à Madame E entre le jour du licenciement et le prononcé du jugement dans la limite de trois mois ;
- Rappelle qu’une copie certifiée conforme du jugement est adressée par le secrétariat du Conseil de prud’hommes de Paris au Pôle emploi ;
- Condamne la société France Télévisions aux dépens ;
- Condamne la société France Télévisions à payer à Madame E une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Ordonne l’exécution provisoire du jugement sur le fondement de l’article 515 du Code de procédure civile ;
- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Au total, Madame E obtient la somme de 139 375,39 euros.

1) Sur l’absence de prescription de l’action en requalification des CDD en CDI avec reprise d’ancienneté au 1er contrat irrégulier.

Dans son jugement du 16 mars 2022 (n° RG F 19/05827), le juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Paris, rappelle que l’article L1471-1 du Code du travail prévoit que l’action relative à l’exécution du contrat se prescrit par deux ans.

La société défenderesse soutient que la demande en requalification portant sur les contrats à durée déterminée antérieurs au 1er juillet 2017 est prescrite, eu égard à la date de saisine du Conseil de céans par requête du 1er juillet 2019.

A l’appui de sa demande, elle fait valoir que l’action en requalification de Madame E repose sur différents moyens et que, suivant le moyen invoqué, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le point de départ du délai de prescription biennale s’applique soit à compter de la fin du contrat, soit à compter de la conclusion du contrat supposé irrégulier.

L’article L1471-1 du Code du travail dans sa version issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 applicable au litige dispose que « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit ».

La Cour de cassation précise dans sa jurisprudence que le point de départ de la prescription n’est pas le même selon que l’action est fondée sur l’absence d’une mention au contrat ou sur un motif erroné, la prescription biennale commençant dans ces cas de figure à courir à compter de la conclusion dudit contrat, ou sur l’existence d’une succession de contrats de travail temporaires destinée en réalité à pourvoir durablement un emploi.

Le juge départiteur observe qu’en l’espèce, Madame E soulève plusieurs motifs de requalification.

S’agissant du grief concernant les irrégularités relevées dans les mentions des CDD de remplacements, il y a ainsi lieu de dire que l’action en requalification fondée sur ce moyen est effectivement prescrite pour les contrats conclus antérieurement au 1er juillet 2017.

Il convient toutefois de relever que la demande de requalification en CDI formée par la requérante repose également, et principalement, sur le recours abusif à un CDD par l’employeur pour pourvoir un poste permanent de l’entreprise.

Or, il est de jurisprudence constante que le délai de prescription d’une action en requalification fondée sur ce motif a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

Ainsi, l’action de Madame E ayant été introduite moins de deux ans après le terme du dernier contrat à durée déterminée, intervenu le 1er juillet 2018, il convient de déclarer son action non prescrite et de faire remonter le cas échéant les effets de la requalification au premier contrat irrégulier.

2) Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée : l’emploi de la journaliste relevait de l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Paris affirme ensuite qu’en l’espèce, Madame E parvient à établir par les éléments versés à son dossier que, depuis son premier engagement au sein de la société France Télévisions, la salariée a exercé avec une grande stabilité les fonctions de journaliste rédacteur-reporter, cette stabilité apparaissant en dépit des qualifications contractuelles diverses de son poste (« pigiste », puis « journaliste collaboratrice », « journaliste stagiaire », et enfin « journaliste rédacteur reporter » à partir de 2017).

Il est par ailleurs établi qu’à partir du mois de janvier 2017, elle a également occupé le poste de journaliste-présentatrice des journaux télévisés sur la chaîne de télévision de Réunion 1ère jusqu’à la fin de la relation contractuelle.

C’est d’ailleurs eu égard à la constance dans l’exercice de ces fonctions que la salariée a sollicité à plusieurs reprises sa « titularisation » sur un poste par une embauche en CDI qu’elle n’a toutefois jamais obtenue.

De même, le fait qu’elle ait exercé ses fonctions au sein de plusieurs rédactions du groupe, pour répondre selon les indications de la salariée à la mobilité valorisée au sein de France Télévisions, n’affaiblit pas la stabilité de son emploi de journaliste décliné en diverses compétences.

Il est dès lors incontestable que cette activité correspond à un emploi permanent de l’entreprise.

Par ailleurs, la durée de la relation contractuelle (plus de dix ans) et le nombre de contrats successifs (166, dont 113 CDDU et 53 CDD dits de remplacements) démontrent que l’emploi occupé par la salariée était lié à l’activité durable de l’entreprise et ne constituait pas un emploi temporaire.

Il convient par ailleurs de relever que les derniers CDD de remplacements conclus en 2018 sont utilement contestés quant à leur régularité par Madame E qui démontre qu’elle n’a pas effectué le remplacement de Madame T du fait de son arrêt maladie tel que mentionné sur ses CDD, mais qu’elle a en réalité remplacé Madame G à la présentation du journal télévisé de 19 j de Réunion 1ère, laquelle n’était pas en arrêt temporaire mais avait interrompu cette présentation pour évoluer vers un autre poste.

Il apparaît également qu’entre le 30 janvier et le 29 octobre 2017, les CDD de Madame E ont été conclus « dans l’attente de l’entrée en service du salarié permanent amené à occuper le poste de travail ».

Or, la Cour de cassation a rappelé qu’en aucun cas, l’employeur n’est autorisé à recourir à un CDD pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise dans l’attente du recrutement du titulaire du poste [1].

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande et de requalifier les contrats de l’intéressée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 octobre 2017, date du premier CDDU conclu entre les parties.

Conformément aux dispositions de l’article L1245-2 du Code du travail, il convient d’allouer en conséquence à la salariée une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire et dont le montant est calculé selon la dernière moyenne de salaire mensuel.

A partir des rémunérations brutes perçues par la salariée durant les douze derniers mois travaillés, et déduction faite des indemnités de fin de contrat correspondant à 10% de cette rémunération, la moyenne de salaire doit être fixée à la somme de 5.639,13 euros bruts.

Compte tenu de la durée des relations contractuelles et de ses nécessaires implications sur la vie de la salariée, maintenue par l’employeur dans une situation de précarité, il convient de fixer cette indemnité à la somme de 8 000 euros.

3) Sur la demande de requalification en contrat à temps plein.

En application des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 du Code civil, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Dès lors, le salarié engagé par plusieurs CDD et dont le contrat de travail est requalifié en un CDI ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il prouve s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

En l’espèce, Madame E affirme qu’elle était dans l’obligation de se tenir à la disposition permanente de la société défenderesse, puisqu’elle n’était informée que tardivement de ses jours de travail et que la société ne lui fournissait pas de planning.

La société conteste avoir exigé une telle disponibilité de sa salariée et indique que cette dernière échoue à démontrer qu’elle était laissée dans l’incertitude de son emploi du temps qu’elle organisait librement, la journaliste connaissant en outre parfaitement la programmation des émissions dans lesquelles elle intervenait.

Les pièces versées aux débats établissent la réalité de ces affirmations, le fait que Madame E n’ait pas eu d’autres employeurs ne suffisant pas à démontrer qu’elle était contrainte de rester à la disposition permanente de l’entreprise.

Il résulte en outre du tableau récapitulatif de l’ensemble des CDD conclus entre Madame E et France Télévisions présenté dans les écritures de la demanderesse que la salariée a enchainé des contrats de manière ininterrompue sur la période allant du 1er juillet 2016 au 1er juillet 2018, sur laquelle porte la demande de rappels de salaires.

Au vu de ces éléments, la demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps plein sera rejetée.
Madame E sera en conséquence déboutée de sa demande de rappel de salaires à temps plein au titre des périodes interstitielles.

4) Sur la demande de rappel de prime d’ancienneté.

Au soutien de cette demande, Madame E se fonde sur les dispositions de l’article 1.4.2 de l’Accord d’entreprise du 28 mai 2013 et sollicite le versement d’un rappel de prime calculé sur la base de sa réelle ancienneté.

La présente décision ayant fait droit à la demande de reprise d’ancienneté à compter du 26 octobre 2007, Madame E est bien fondée à demander le paiement à ce titre de la somme de 2 949,80 euros bruts, outre la somme de 294,98 euros bruts au titre des congés payés afférents.

5) Sur la demande de rappel de supplément familial.

La salariée fonde sa demande sur l’Accord d’entreprise du 28 mai 2013 instituant un supplément familial de 35 euros pour chacun des deux premiers enfants à charge, Madame E ayant elle-même une fille née le 31 décembre 2013.

Il ressort toutefois des bulletins de paie de Madame E que le supplément familial faisait déjà partie de ses éléments de salaire sur la période considérée, l’accord d’entreprise prévoyant d’ailleurs le versement de cette prime et son octroi aux salariés sous contrat à durée déterminée, sous réserve d’une durée cumulée de collaboration avec l’entreprise sur l’année civile d’au moins trois mois, ce qui était le cas de la salariée.

Elle sera donc déboutée de cette demande.

6) Sur la demande de rappel de prime de fin d’année.

La demanderesse ne précisant pas le fondement conventionnel de sa demande et la défenderesse établissant par ailleurs que la salariée bénéficiait d’une prime de 13ème mois, au même titre que les salariés sous CDI, elle sera déboutée de cette demande.

7) Sur la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement compte tenu de la requalification du CDD en CDI et l’absence de lettre de fin de collaboration.

La relation de travail entre la société France Télévisions et Madame E s’est achevée le 1er juillet 2018 à la suite de l’expiration du dernier contrat à durée déterminée.

Compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, cette rupture, imputable à l’employeur qui a cessé de faire appel à Madame E, s’analyse en un licenciement.

8) Sur les conséquences de la rupture : indemnité compensatrice de préavis, indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité conventionnelle de licenciement.

En l’absence de respect par l’employeur des dispositions des articles L1232-2 et suivants, le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre le droit pour le salarié aux indemnités de rupture, qui seront calculées en l’espèce sur la base d’un salaire mensuel de référence de 5 639,14 euros bruts, tel que fixé ci-dessus.

Il sera fait droit à la demande formulée par Madame E au titre du préavis et il lui sera alloué à ce titre une indemnité compensatrice correspondant à trois mois de salaire, soit, compte tenu du salaire de référence retenu, la somme de 16 917,39 euros bruts, ainsi que les congés payés afférents, pour 1 691, 73 euros bruts.

Il convient également d’allouer à Madame E une indemnité de licenciement calculée conformément aux dispositions conventionnelles applicables [2] et eu égard à son ancienneté de 10 ans, 8 mois et 6 jours, soit la somme de 62 521,49 euros.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il convient de faire application des dispositions de l’article L1235-3 du Code du travail dans sa version applicable au litige.

Selon le barème obligatoire applicable, Madame E, qui disposait d’une ancienneté de 10 années complètes, peut prétendre à une indemnité située entre 3 et 10 mois de salaire brut en fonction de la justification de son préjudice.

Elle sollicite toutefois à ce titre une somme de 60 000 euros, excédant le plafond de ce barème.

Au vu du moyen en droit invoqué par la demanderesse au soutien de cette demande, tiré de l’inconventionnalité de ce barème obligatoire in abstracto, le Conseil rappelle que la Cour de cassation s’est déjà prononcée sur la conformité du barème aux engagements internationaux de la France.

Dans ses avis n°15012 et 15013 publiés le 17 juillet 2019, la Cour a ainsi précisé que l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, n’a pas d’effet direct en droit interne dès lors qu’il laisse une marge d’appréciation suffisamment importante aux parties contractantes et ne peut donc être invoqué par un particulier dans le cadre d’un litige devant les juridictions nationales.

Pour ce même motif, la non-conformité au droit international du barème indemnitaire obligatoire introduit dans la loi française ne saurait découler du Comité européen des droits sociaux du 8 septembre 2016 n°106/2014, lequel s’est prononcé au regard des dispositions de la Charte sociale européenne.

A l’inverse, elle a considéré que l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du travail est doté d’un effet direct en droit national.

Cet article consacre, d’une part, le droit du salarié licencié abusivement et qui ne peut être réintégré, à une indemnité et, d’autre part, le fait que cette indemnité doit être adéquate ou prendre toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Or, les dispositions de l’article L1235-3 qui prévoit que lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans la limite des montant minimaux et maximaux fixés par le barème et qui peut être modulée selon l’ancienneté du salarié, sont compatibles avec les dispositions de l’article 10 précité.

Il y a donc lieu d’écarter ce moyen et d’appliquer le barème fixé à l’article L1235-3 du Code du travail, en tenant compte des préjudices invoqués par la demanderesse en conséquence de sa perte injustifiée d’emploi et des justificatifs qu’elle apporte sur sa situation.

Madame E avait une ancienneté de dix ans lors de la rupture du contrat de travail et était âgé de 36 ans.

Elle produit plusieurs éléments sur sa situation professionnelle à compter de sa perte d’emploi, la requérante ayant été prise en charge par Pôle emploi à compter du 14 juin 2018, sans que le montant des allocations perçues ne soit précisé.

La requérante n’invoque pas de difficultés particulières pour son retour à l’emploi et produit des preuves de recherche d’emploi à partir de la fin de l’année 2019.

Elle fait valoir également un préjudice moral résultant du caractère brutal de la rupture de sa relation de travail avec France Télévisions après dix ans de collaboration et des perspectives non abouties de "cédéisation".

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner la société France Télévisions à lui verser une somme de 45 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

9) Sur le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la journaliste.

En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné à la société France Télévisions de rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à Madame E dans la limite de trois mois.

10) Sur les demandes annexes.

10.1) Sur les intérêts.

Conformément à l’article 1231-6 du Code civil et à l’article R1452-5 du Code du travail, les condamnations au paiement de créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil.

Conformément à l’article 1231-7 du Code civil, les condamnations au paiement de diverses indemnités portent intérêts au taux légal à compter du jugement.

10.2) Sur la communication des bulletins de paie.

La société France Télévisions devra communiquer à la demanderesse un bulletin de salaire récapitulatif conforme aux décisions du présent jugement, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte.

10.3) Sur l’exécution provisoire.

Il convient de rappeler que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R1454-28 du Code du travail s’agissant du paiement des sommes au titre des rémunérations dans la limite de neuf mois de salaire.

L’ancienneté de l’affaire justifie de l’ordonner pour le surplus sur le fondement de l’article 515 du Code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions des articles 517 et 519 du même Code, ces dispositions ne s’appliquant qu’aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.

Il convient toutefois de rappeler à la requérante que les sommes qui lui seront versées ne lui seront acquises que lorsque la présente décision sera devenue définitive.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1Cf l’arrêt rendu par la chambre sociale, le 15 janvier 2020, pourvoi n°18-16.399.

[2Article 8.4.4.1 de l’Accord d’entreprise.