Village de la Justice www.village-justice.com |
Pourquoi les jeunes avocats abandonnent-ils le barreau ?
|
Parution : mardi 3 mai 2022
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/pourquoi-les-jeunes-avocats-abandonnent-ils-barreau,42458.html Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. |
"Le blues des jeunes avocats" titrait Le Monde dans un article de 2016. Six ans plus tard, Gaëlle Picut, la journaliste qui avait écrit cet article, pourrait proposer un autre article rédigé avec le même angle… Mais pourquoi ce sujet demeure-t-il toujours d’actualité ? Peut-être qu’une partie de la réponse pourrait résider dans un manquement par une partie de la profession (sic) à l’article 14.1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) lequel dispose "(…) le collaborateur libéral peut compléter sa formation et peut constituer et développer une clientèle personnelle". Analyse.
Le sujet du blues des jeunes avocats n’est pas un "marronnier" ! Au contraire, bon nombre de jeunes avocat.e.s, qui prennent contact avec moi, m’expliquent qu’ils cherchent à mettre fin à leur collaboration libérale pour intégrer le "monde de l’entreprise" ! Naturellement, je suis agacé à chaque fois que j’entends cette expression du "monde de l’entreprise", laquelle semble laisser penser que les cabinets d’avocats ne seraient pas des "entreprises". Mais pour autant, une fois l’agacement dépassé, j’essaie de comprendre pourquoi des confrères de moins de 10 ans de barreau décident de raccrocher leur robe.
Tout d’abord, il y a ceux qui se sont trompés de carrière et qui préfèrent basculer dans le "côté obscur" [1], s’imaginant plus épanouis à travailler en qualité de juriste au sein d’une entreprise commerciale ou industrielle. Ensuite, il y a les autres, ceux qui s’estiment être au bon endroit mais qui ne peuvent plus y rester. Et leurs raisons sont multiples. Nous pourrions tenter de les classer en les répartissant selon que ces raisons sont personnelles (comme le déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle) ou selon que ces raisons sont professionnelles (comme le choix du cabinet de préférer avoir plus de collaborateurs juniors que de collaborateurs seniors).
S’agissant des raisons personnelles, comme le déséquilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, le CNB s’est saisi de cette problématique en l’érigeant au rang des priorités de sa charte de "responsabilité sociétale des cabinets d’avocats" (RSCA). Proposée par la commission "Égalité" du CNB, cette charte met en avant des valeurs chères à la profession et que les cabinets sont invités à respecter : la diversité et la lutte contre les discriminations, l’égalité de traitement et des chances, la parité, le respect de l’environnement et le bien-être au travail. Même si le spécialiste de la RSE que je suis considère que la RSCA est loin d’être une charte de "responsabilité sociétale des entreprises d’avocats", car trop incomplète au regard du champ couvert par la seule norme internationale en la matière [2], j’avoue que cette charte a le mérite de mettre le doigt là où ça fait mal et notamment sur le déséquilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle de très nombreux avocats.
Cette question est importante pour 40% des avocats collaborateurs [3], mais de là à penser que ces 40% sont prêts à quitter la profession pour cette seule raison, il n’y a qu’un pas qu’il serait absurde de tenter de franchir ! La profession d’avocat est une "profession-passion" avant tout et le seul reproche qui lui serait fait d’être d’une profession qui n’assurerait pas cet équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ne saurait, à lui seul, être suffisant pour tenter de justifier cet exode de certains avocats ayant de 5 à 10 années de barreau.
Alors, si les raisons personnelles ne peuvent suffire à expliquer, à elles seules, cet abandon de la robe, il faut aller chercher dans les raisons professionnelles la source de cette désertion de la profession.
Certains me diront que la faute est dans le camp des cabinets, lesquels, pour quelques-uns, ne peuvent pas rivaliser avec la rémunération et ses accessoires que proposent les entreprises qui ont les moyens d’accueillir un juriste riche d’une expérience de 5 à 10 années de pratique professionnelle.
Cet argument pourrait emporter la conviction s’agissant des cabinets rencontrant des difficultés financières. Ils sont nombreux [4] et certains cabinets m’interrogent régulièrement sur les axes de réflexion pour essayer de développer leur chiffre d’affaires et pour améliorer la rentabilité de leur exercice professionnel. La crise sanitaire de la Covid-19 a, de toute évidence, aggravé cette grande fragilité financière de certains cabinets. Mais très honnêtement, l’argument des difficultés financières des cabinets d’avocats n’est pas la motivation qui pousserait les avocats collaborateurs à quitter la profession, alors que cet argument pourrait être la motivation de certains cabinets à se séparer de leurs collaborateurs ayant 5 à 10 ans d’expérience. Le paradigme n’est pas le même.
Et puis, tous les cabinets ne sont pas en situation financière délicate. Parmi ces avocat.e.s qui prennent contact avec moi pour intégrer le "monde de l’entreprise", il y a des avocats collaborateurs qui exercent dans de prestigieux cabinets d’avocats d’affaires parisiens, français ou internationaux ! La décision de ces jeunes confrères n’est pas motivée par une rémunération qui serait plus attractive en entreprise qu’en cabinet. En effet, les cabinets d’avocats d’affaires proposent à leurs collaborateurs des rétrocessions confortables et alignées, peu ou prou, les unes par rapport aux autres depuis la crise sanitaire de la Covid-19. Ces rétrocessions sont même supérieures, pour beaucoup, aux rémunérations proposées par l’"entreprise" ! Mais alors, la motivation de ces jeunes confrères serait-elle liée à l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle que la pratique au sein de telles structures ne permet pas d’atteindre ? Je ne le pense pas non plus…
Les avocats collaborateurs exerçant leur profession dans ces cabinets étaient pleinement informés de la charge de travail qui allait être la leur en intégrant l’un de ces cabinets prestigieux. Et même si cette charge de travail est incomparable avec ce qu’ils avaient pu imaginer en postulant dans ces cabinets, une fois le CAPA en poche, elle ne saurait expliquer un abandon pur et simple de la robe… Au pire, à l’image de cette jeune collaboratrice récemment rencontrée, ils décident de quitter le prestige de ces cabinets pour rejoindre des cabinets moins en vue et dans lesquels la charge de travail reste raisonnable pour une activité d’avocat d’affaires.
D’autres penseront que la stratégie du "up or go !", bien connue des avocats collaborateurs seniors, serait la cause de cette désaffection. Le "up or go !" (ou "promu à l’association ou dehors !") est une pratique bien connue de tous. En d’autres termes et après de belles années de collaboration libérale, soit l’avocat collaborateur est éligible à l’association (notamment eu égard à des critères propres à chaque cabinet en termes de développement de clientèle personnelle et d’apport de chiffre d’affaires au cabinet) soit il doit quitter la structure car sa rétrocession d’honoraires pèse trop lourd dans le calcul de rentabilité de son équipe ou de son cabinet. Cet argument emporte ma conviction. Les jeunes avocats, embrassant la profession, sont lucides sur le déroulé des dix premières années de leur collaboration libérale : si les premières années seront consacrées à l’acquisition des compétences qu’ils n’ont pas trouvées sur les bancs de l’école du barreau, les années suivantes devraient être consacrées au développement de leur clientèle personnelle… pour atteindre le Graal de l’association.
Ainsi et parce que les premières années de la collaboration sont consacrées à l’acquisition de compétences nouvelles, ils s’investissent sans compter dans les dossiers que leur cabinet leur confie dans le cadre de leur collaboration libérale.
Tous me le disent lorsque certains m’interrogent sur le choix de leur futur cabinet : "je suis là pour apprendre" ! Mais les mauvaises habitudes se prennent vite et se gardent… Un collaborateur junior travaillant sans compter devient progressivement un collaborateur senior travaillant… sans compter ! Et travailler sans compter pour le cabinet devient un véritable frein au développement de la clientèle personnelle de l’avocat collaborateur libéral…
Pourtant, travailler sans compter est le propre de beaucoup de professionnels libéraux, tous secteurs d’activités confondus.
Mais travailler sans compter pour le cabinet dont le professionnel libéral est un collaborateur est plus spécifique à la profession d’avocat. Or, les avocats collaborateurs attendent tous de la collaboration libérale qu’elle leur permette de développer leur clientèle personnelle, ce qui est impossible pour 52% des avocats collaborateurs interrogés [5], certains mettant même en avant le "comportement des "patrons", qui ne respectent pas la nature libérale du contrat (pas de possibilité de développer de clientèle personnelle, esclavage déguisé, aucune protection sociale)".… Combien de jeunes confrères m’ont indiqué traiter leurs dossiers personnels le soir ou le week-end, faute de temps en semaine ? N’ayant pas pu développer suffisamment leur clientèle personnelle, les avocats seniors sont alors confrontés au "go !" plutôt qu’au "up !". Il est alors bien difficile de retrouver une nouvelle collaboration, sans parler de l’impossibilité de s’installer sans clientèle personnelle. Et les avocats juniors comprennent que cette situation, dont les avocats seniors parlent à demi-mots, sera leur lot après quelques années de barreau. Alors, fuyons tant qu’il est temps !
Pourtant, "le collaborateur libéral est un membre non salarié d’une profession libérale, soumis à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé qui, dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale, exerce auprès d’un autre professionnel la même activité. (…) Le critère d’indépendance de l’activité est primordial, sous peine de requalification de la prestation en relation de travail subordonné." [6]. Sans ouvrir la boîte de pandore du débat de la requalification éventuelle du contrat de collaboration libérale, dont certains cabinets d’avocats revendiquent en faire une spécialité au service des confrères s’estimant être victimes de cette situation, la question du développement de la clientèle personnelle (l’un des critères de la collaboration libérale !) demeure un sujet essentiel et pas que pour la démographie de la profession ! Pourquoi pour la démographie de la profession, d’ailleurs ?
Gardons à l’esprit qu’une population qui n’assure pas son renouvellement est une population qui se meurt à petits feux… Les avocats ont-ils conscience qu’"il y avait quatre actifs pour financer un retraité en 1950" et qu’"il n’y en [avait] plus que 1,7" en 2019 ainsi que l’assurait le Premier ministre Édouard Philippe lors de sa présentation de la réforme des retraites [7] et ce, alors qu’à la même période, en 2019, la France comptait encore cinq avocats actifs pour un avocat retraité [8] ? Il est essentiel, pour le régime de retraite des avocats [9], de maintenir ce ratio qui rendait économiquement viable le régime général des retraites en 1950.
Mais je m’égare et au-delà de cette question bassement financière de l’équilibre du régime des retraites des avocats, la solution à la fuite des avocats vers des cieux plus favorables en "entreprise" est, en partie, à rechercher dans le respect de l’esprit libéral de la collaboration : permettre aux avocats collaborateurs de développer une véritable clientèle personnelle, venant ainsi étoffer leur chiffre d’affaires principalement composé de leur rétrocession d’honoraires, laquelle n’est alors plus un sujet d’attractivité (comme pour les avocats juniors) et dont le reproche est de peser sur la rentabilité de l’équipe voire du cabinet.
Et accessoirement, c’est tellement vertueux pour le cabinet de contempler ses collaborateurs seniors "souffrir" (sans méchanceté !) sur leurs dossiers personnels au point de comprendre les "coups de stress" de leur "associé" lors des réunions qu’il organise sur l’avancement de ses dossiers… Cette vertu éducative participe au management de la collaboration libérale [10] ! Je me souviens d’un jeune collaborateur de mon équipe qui traitait seul sa première cession de fonds de commerce. Après cette première expérience douloureuse, j’ai relevé qu’il était bien plus sensible à mes propres inquiétudes lors du traitement des dossiers que je lui confiais…
De lecture en lecture, je suis tombé sur un article un peu daté, certes, et publié sur le site de l’Union des Jeunes Avocats, syndicat de jeunes avocats dont j’avais tendance à me méfier, à tort, lorsque je dirigeais des cabinets d’avocats. Une phrase m’a particulièrement marqué : "(…) pour de nombreux collaborateurs, l’enthousiasme d’embrasser cette profession exigeante peut être de courte durée. Aux managing partners d’apprendre à les retenir" [11].
Certains cabinets d’avocats l’ont bien compris et ils n’hésitent pas à mettre en avant sur les annonces de collaboration qu’ils proposent aux candidats "une vraie collaboration libérale" [12] ! CQFD
Sébastien Robineau Coach professionnel en évolution de carrière Coach certifié EQ-i®, MBTi® et DISC Flow® Spécialiste de l'intelligence émotionnelle RBO Consulting | Juridique & fiscal https://www.rbo-consulting.fr[1] Que mes amis juristes d’entreprise me pardonnent cette private joke !
[2] Norme ISO 26000, ratifiée par plus d’une centaine d’Etats et d’organisations internationale.
[4] Cf. mon article paru sur le site du Village de la Justice, "Management et collaboration libérale, l’impossible équation ?"
[6] www.urssaf.fr/portail/home/independant/je-cree-mon-entreprise/quel-statut/le-collaborateur-liberal.html
[7] www.lepoint.fr/economie/reforme-des-retraites-les-implacables-chiffres-de-la-demographie-13-12-2019-2352931_28.php
[9] L’avenir politique dira ce que deviendra ce régime de retraite… Partons de l’idée qu’il survivra à une (éventuelle) réforme. Sur ce sujet, mon article paru sur le site Les Echos, "Retraite des avocats : partie perdue ?"
[10] Cf. mon article précité, "Management et collaboration libérale, l’impossible équation ?"
[12] Cf. mon article paru sur le site du Village de la Justice, "Pourquoi les cabinets d’avocats peinent-ils à recruter ?"
Les dossiers personnels ne sont pas l’alpha et l’omega.
De nombreux collaborateurs et collaboratrices avec lesquels j’échange me font part de leur sentiment d’être relégués au rôle d’executant secondaire. Ne pas participer à la stratégie du dossier. Ne pas bénéficier d’un vrai tutorat construit et positif. Ne pas apparaître aux yeux des clients. Travailler en mode "silo" et "tunnel". Avoir en interlocuteur interne unique un Associé stressé, débordé et peu disponible.
Autant de points qui génèrent une insatisfaction qui peut les conduire à penser que l’herbe sera plus belle ailleurs. Jusqu’à considérer que la profession d’avocat est incompatible avec leurs attentes et leurs envies.
La question de la clientèle personnelle vient en second, comme un élément renforçant ce mal-être.
A l’opposé, j’accompagne des Cabinets au sein desquels les collaborateurs s’épanouissent et se projetent dans la durée, pour les raisons exactement inverses de celles énoncées plus haut.
Une vraie dynamique d’équipe existe. Des méthodes de partage et de délégation construites sont mises en place, des objectifs clairs et un parcours collaborateur sont connus.
Enfin, je constate de plus en plus fréquemment que le désir de devenir associé.e n’est plus le graal ultime, seul marqueur de la réussite personnelle. Une collaboration réussie et source d’épanouissement peut répondre aux attentes de beaucoup.
Le monde est en évolution et il est normal que la profession n’échappe pas à une remise en cause des attentes de ses membres. S’y adapter et y répondre fait la différence en termes de marque employeur et de performance.
Merci pour cet article.
La situation n’est guère étonnante. Actuellement, le statut d’avocat collaborateur n’a de sens que s’il est un prélude à l’association ou l’établissement de son propre cabinet.
Si la profession dans l’ensemble estime que c’est toujours l’esprit de la collaboration libérale, alors qu’elle l’assume, et de deux choses l’une : soit on impose le salariat, soit on supprime l’illusoire liberté d’organisation.
En l’état, la collaboration libérale est un statut hypocrite qui a les inconvénients du salariat et aucun avantage du statut libéral.
Mon expérience personnelle : horaires fixes imposés, remarques désagréables pour des "retards" triviaux, collaborateurs n’apparaissant jamais sur les mails, interdiction formelle du télétravail malgré les recommandations du gouvernement (sauf pour l’associé), flicage incessant, appels de l’associé matin et soir sous prétexte de faire un "point" pile aux heures d’arrivée et de départ imposés, et des procès d’intention qui n’arrêtent pas. Tout cela en échange d’un travail qui doit être irréprochable en permanence, le moindre écart faisant l’objet d’une remise en place, et d’efforts de prospection de clients pour le compte du cabinet en périodes creuses.
Je n’ai pas fait long feu. Comment justifier de subir ce statut de subordination infantilisant, tout en cotisant à l’URSSAF, à l’Ordre, au cnbf, en payant un comptable ?
Je n’allais pas non plus aller me plaindre à l’Ordre, la démission est la seule issue à ces situations toxiques.
A présent en entreprise, je bénéficie paradoxalement d’une plus grande liberté d’organisation qu’en cabinet, mes frais de transport sont remboursés, mes repas sont payés, mes mutuelle et prévoyance sont prises en charge, je ne suis pas fliqué en permanence, et je n’ai plus à me soucier de mille et une formalités débiles associées au statut libéral.
Et on s’étonne que l’on quitte la profession ?
Le système actuel permet aux associés de de comporter comme des petits chefs et les collaborateurs n’ont qu’à se taire.
Si vous voulez que ça continue, surtout ne changez rien.
Merci, chère Anonyme, pour ce commentaire sur mon article.
Vous avez raison, la collaboration libérale est un prélude à l’association ou à l’installation.
Les avocats qui ne se sentent pas l’âme d’un "entrepreneur" ne cherchent pas à exercer leur profession dans le statut libéral. Ils essaient de décrocher une collaboration salariée (4% des avocats ont ce statut) voire ils rejoignent une direction juridique dès l’obtention de leur CAPA (sans avoir à passer par la case "prestation de serment" ni la case "exercice de la profession d’avocat").
C’est pour cette raison que le développement de la clientèle personnelle est un véritable enjeu.
Lorsque j’exerçais cette profession (ce que j’ai fait pendant 20 ans), c’était même compris comme la juste contrepartie de la précarité du statut libéral et des autres inconvénients de ce mode d’exercice (autant être salarié, comme vous le soulignez, s’il n’est pas possible -faute de temps ou pour d’autres raisons, d’ailleurs- de développer une clientèle libérale).
Votre retour d’expérience montre, qu’en plus, il est urgent pour certains confrères de considérer leur rôle de manager...
Oui les cabinets d’avocats sont bien des entreprises pour autant, il existe bien un "monde de l’entreprise". Un avocat qui n’a jamais travaillé en entreprise aura beaucoup de mal à en comprendre certains "codes" ou fonctionnements.
Merci, cher BGR, pour ce retour sur mon article.
Vous avez raison et d’ailleurs, certains directeurs juridiques ont partagé la même analyse que vous dans leurs commentaires laissés sous le post LinkedIn publié par le Village de la Justice pour cet article.
Ne devient pas juriste d’entreprise qui veut, même avec le CAPA en poche.
Raison de plus pour tenter de garder dans la profession d’avocat ceux qui seraient tentés de raccrocher leur robe !
Totalement d’accord avec cette dérive d’assimilation du collaborateur libéral à un collaborateur salarié qui l’empêche de s’épanouir avec le développement de sa propre clientèle et n’est pas l’esprit de ce statut historique particulier à notre profession de collaboration liberale
Merci Schnell pour ce commentaire.
Depuis le 15 mai 2022, comme tout entrepreneur individuel, les avocats collaborateurs doivent indiquer sur leurs factures, leur nom professionnel précédé ou suivi immédiatement des mots : "entrepreneur individuel" ou des initiales : "EI". Cette obligation s’applique aussi à toutes correspondances (courriers postaux, emails) concernant leur activité.
Cette obligation n’est pas propre aux avocats, tous les entrepreneurs individuels sont visés par ce décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 !
Espérons que cette nouvelle obligation puisse faciliter une prise de conscience sur le véritable statut de la collaboration libérale et... sur certaines déviances observées au sein de certains cabinets.
Cher monsieur
Merci pour votre article qui évoque la problématique des jeunes avocats mais à mon sens apparaît très incomplet.
En effet au delà de l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle.
Les enjeux sont déjà :
1- la considération et le rôle de l’avocat collaborateur : souvent nous sommes relégués à effectuer des taches secondaires ou dictées sans participer à la stratégie intellectuelle du dossier à moins qu’il ne s’agisse de petits dossiers " à la chaine" ou sans véritable intérêt juridique. Nous sommes formés et capables de réflexion sur l orientation à donner au dossier. Personnellement, j’ai connu plusieurs types de cabinet et effectivement rédiger un acte, un courrier sans pouvoir le signer c’est un déni pur et simple du travail du collaborateur et de son investissement dans le dossier . Ne jamais parler au client fait que l’on ne se sent plus avocat du tout. D’ailleurs il est bien difficile de s’imprégner d’un dossier et le plaider sans avoir ce rapport humain et un minimum d’intégration sur le dossier. Cela participe à démotiver l’avocat alors même que notre capacité de travail et notre force réside dans la passion du dossier.
2. L’infantilisation contredisant tant notre statut que nos compétences.
3. La rémunération nette qui ne correspond pas à notre niveau de qualification et surtout au nombre d’heures travaillées de l’ordre de 45-50 heures pas semaine en moyenne. Personnellement j’ai fais un ratio 1ere année en province j’étais en dessous du smic horaire.
4. Le flicage et la pression permanente pr des résultats rapides
Cher Anonyme,
Je vous remercie d’avoir pris le temps de commenter mon article, même si votre commentaire est… très alarmant !
En retour, j’ai pris le temps de répondre à votre commentaire, sans malice et avec bienveillance.
Rencontrant beaucoup d’avocats dans le cadre de mes prestations de coaching, je n’ai pas le sentiment que la situation que vous décrivez soit le lot de tous les avocats collaborateurs… Je ne nie pas (à quel titre le pourrais-je ?) les conditions de collaboration que vous décrivez car je sais qu’un nombre, infime me semble-t-il, de confrères se retrouveront dans vos propos.
A l’exception de la question de la rémunération, sur laquelle je reviendrai dans un second temps, les conditions de la collaboration libérale peuvent être détournées de leur objectif par certains avocats (les avocats « titulaires ») lorsque ces derniers manifestent une forme de méfiance à l’égard de leurs jeunes confrères (les avocats « collaborateurs »). Méfiance car certains avocats titulaires ne sont finalement pas sereins dans leur propre exercice professionnel (absence de projet stratégique et/ou de business plan à 3-5 ans, faible visibilité sur la récurrence de leur chiffre d’affaires, etc…). Dans ces conditions, ces confrères ont une naturelle (mais regrettable) tendance à vouloir « étouffer » les avocats collaborateurs par peur que leur clientèle ne se détourne vers leurs collaborateurs dont le taux horaire est moins élevé et ce, compte tenu de leur séniorité professionnelle… C’est, à mes yeux, la seule explication logique à l’absence de confiance qui devrait présider à un exercice fluide entre avocats titulaires - avocats collaborateurs - clients. Sauf à souffrir d’un désordre mental, personne ne recrute l’un de ses pairs pour le seul plaisir de le priver de l’essentiel de ses attributions professionnelles. En dehors de ce cas particulier du désordre mental, je pense que la confiance est un exercice mutuel. Les avocats titulaires comme les avocats collaborateurs doivent apprendre à « s’apprivoiser », exercice aisé dans la très grande majorité des cas (notamment parce que l’avocat titulaire est serein dans son exercice professionnel et qu’il sait quelle valeur ajoutée lui apportera la collaboration libérale d’un jeune confrère). J’expliquais à mes collaborateurs qui rejoignaient mon équipe que « la confiance s’acquiert à l’épreuve du temps », ce que je rappelle aux confrères que j’accompagne depuis que j’ai raccroché ma robe. A un collaborateur qui souffrirait de la situation que vous décrivez, je suggèrerais de commencer par donner des gages de confiance à l’avocat titulaire avec lequel il collabore. Donner avant de recevoir… Un principe bien connu. (...)
(...) Et si rien ne se produit en retour, alors effectivement, il y aura lieu d’en tirer des conclusions sur le maintien de la collaboration libérale (car finalement, personne n’est obligé de rester dans une situation qui serait dégradante ou tout simplement inacceptable).
S’agissant de la question de la rémunération, je peine à vous suivre dans l’argument sous-tendu, à savoir : rapportées à l’heure de travail effectif, certaines rétrocessions nettes de charges peuvent être inférieures au SMIC.
Oui, et alors ?
Cela peut signifier que le collaborateur manque d’efficacité pour réaliser le travail qui lui est confié et qu’il consacre trop de temps à certaines tâches. Un avocat titulaire, par expérience, estime le temps à consacrer à une tâche. S’il pense qu’un temps raisonnable pour cette tâche serait une heure de travail, il est forcément amené à réfléchir avant de confier une tâche à plus forte valeur ajoutée, à l’avenir, à son collaborateur si celui-ci a consacré trois heures pour réaliser la première tâche… En pareille hypothèse, le cercle vicieux s’installe… L’avocat titulaire va rechigner à confier d’autres tâches, peut-être à plus fortes valeurs ajoutées, à l’avocat collaborateur qui peine déjà à se sortir de tâches moins passionnantes (et parfois indispensables au bon déroulement d’un dossier). Et l’avocat collaborateur regrette d’être cantonné à des tâches peu valorisantes qu’il exécute sans envie ni entrain. En pareille hypothèse, la balle est dans le camp de l’avocat collaborateur, me semble-t-il…
Cela peut signifier aussi que la rétrocession d’honoraires est adaptée à la clientèle du cabinet, laquelle n’est pas alignée avec les attentes de l’avocat collaborateur. Je m’explique. Par passion de leur profession, certains avocats choisissent une spécialité faiblement génératrice de chiffre d’affaires (clientèle de particuliers et/ou clientèle avec un niveau de revenus très faible) mais pourtant extrêmement chronophage (par exemple, le pénal général) et donc faiblement rémunératrice. C’est le choix de l’avocat titulaire qui le vit très bien car il est passionné par ce qu’il fait. Tous les avocats n’aspirent pas à devenir les étoiles filantes du barreau d’affaires… Cet avocat passionné, en tous cas, ne compte pas non plus ses heures, au passage. Le recrutement d’un ou d’une collaborateur ou collaboratrice dans ce modèle est un exercice compliqué car il faut trouver la personne qui vivra la même passion, sans compter ses heures, non plus. La balle est dans le camp de l’avocat titulaire qui doit tirer les enseignements de son erreur de recrutement qui conduit un jeune confrère à se sentir exploité… (...)
(...) Mais je serai aussi tenté de penser que l’avocat collaborateur peut lui aussi tirer les enseignements de cette collaboration non satisfaisante : partir pour une nouvelle collaboration, avant d’imaginer s’installer pour enfin travailler comme il l’entend.
Cela peut aussi signifier ? Tellement d’autres situations qu’il n’est pas possible de toutes les exposer en quelques mots tant les situations des uns et des autres vous sont propres…
Ce que j’essaie de dire, c’est que finalement la collaboration libérale est un contrat, signé par deux parties et qu’il faut y mettre un terme lorsque l’une des parties n’est pas satisfaite de l’exécution du contrat.
Et pour conclure, je suis toujours réfractaire à toute comparaison entre la rétrocession d’un avocat collaborateur et ce qu’il estime être une référence salariale (le SMIC comme dans votre commentaire, voire une grille de salaires de juristes d’entreprise). Un avocat est un entrepreneur qui supporte les aléas de la vie entrepreneuriale (pour ceux qui doutent de cette qualité d’ « entrepreneur », le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 rappelle que vous devez indiquer sur vos factures, votre nom professionnel précédé ou suivi immédiatement des mots : « entrepreneur individuel » ou des initiales : « EI »). L’avocat démarre sans clientèle personnelle ? Il accepte d’être le « sous-traitant » d’un avocat titulaire qui lui délègue une partie de ses dossiers dans le cadre d’une convention de collaboration libérale. L’avocat titulaire devient un client comme un autre, auquel il est adressé une facture en fin de mois. Et à part quelques exceptions regrettables, ce client comme les autres paie ladite facture à réception et non à 30 jours fin de mois… Cette situation procure à l’avocat collaborateur le confort d’une rétrocession d’honoraires (sur le quantum de laquelle les parties se sont entendues, car personne n’est contraint de signer une convention de collaboration libérale avec tel ou tel confrère) dont le paiement est assuré mensuellement. Lorsque ces éléments ne sont pas partagés par les candidats à une collaboration libérale, c’est qu’il y a eu une erreur d’aiguillage sur le mode d’exercice de l’activité (libéral vs. salariat, cabinet vs. entreprise). Un entrepreneur travaille beaucoup, beaucoup plus qu’un salarié, car il croit dans les perspectives de développement de son activité. Alors il donne, sans compter, au risque de tout perdre parfois. Et souvent, au début de sa carrière, sa rémunération est inférieure au SMIC horaire, voire nulle.