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Entrepreneur individuel en difficulté : ce qui change au 15 mai 2022.
Parution : dimanche 1er mai 2022
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La demande d’ouverture d’une procédure collective ou d’une procédure de surendettement à l’égard d’un entrepreneur individuel en difficulté sera portée devant le tribunal de la procédure collective, lequel pourra saisir la commission le cas échéant.

Cet article est issu de la documentation Recouvrement de créances et procédures d’exécution des Editions Législatives.

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La loi du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante, crée un nouveau statut unique de l’entrepreneur individuel protecteur de son patrimoine personnel (C. com., art. 526-22 et s., créés par L. n° 2022-172, 14 févr. 2022, art. 1er). Le but est de le protéger des risques liés à son activité comme c’était le cas de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), dont le régime est mis en extinction progressive, car ses principaux avantages sont repris dans le nouveau statut (v. bull. 257, « Entrepreneur individuel : nouvelles règles de protection de son patrimoine », p. 3).

Ce nouveau statut entrera en vigueur à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la loi, soit le 15 mai 2022 (L., art. 19, I). Un ou plusieurs décrets viendront compléter cette loi.

L’article 5 de la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante crée un nouveau titre VIII bis dans le code de commerce, qui traite des dispositions particulières à l’entrepreneur individuel relevant du nouveau statut réglementé et comporte les nouveaux articles L. 681-1 à L. 681-4. Un décret en Conseil d’État devra préciser les conditions d’application de ces mesures (C. com., art. L. 681-4). Ce même article 5 de la loi complète également le chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de la consommation, relatif au traitement des situations de surendettement, d’une nouvelle section 5 intitulée « Dispositions relatives à l’entrepreneur individuel » comportant un nouvel article L. 711-9.

Entrepreneur individuel en difficulté : interaction entre procédure collective et procédure de surendettement

L’entrepreneur individuel peut bénéficier des procédures collectives des titres II à IV du livre VI du code de commerce (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires et rétablissement professionnel) et de la procédure de surendettement du livre VII du code de la consommation, y compris la procédure de rétablissement personnel.

Compétence du tribunal de la procédure collective
Selon l’article L. 681-1 du code de commerce, la demande d’ouverture d’une procédure collective ou d’une procédure de surendettement à l’égard d’un entrepreneur individuel relevant du nouveau statut, qui entrera en vigueur le 15 mai 2022, est portée devant le tribunal compétent pour connaître des procédures collectives : tribunal de commerce ou tribunal judiciaire selon que l’activité est commerciale ou non.

Le tribunal apprécie à la fois si les conditions d’ouverture d’une procédure collective sont réunies en fonction de la situation du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel et si les conditions prévues par l’article L. 711-1 du code de la consommation, relatif au surendettement, sont réunies en fonction de l’actif du patrimoine personnel et de l’ensemble des dettes exigibles et à échoir dont le recouvrement peut être poursuivi sur cet actif (C. com., art. L. 681-1, al. 2, 1° et 3°, créé).

Selon l’article L. 681-2, I du code de commerce, le tribunal ouvre une procédure collective conformément aux titres II à IV si les conditions en sont réunies. Si les conditions relatives au surendettement ne sont pas réunies à la date du jugement d’ouverture, les dispositions du code de commerce concernant les procédures collectives qui intéressent les biens, droits ou obligations du débiteur sont comprises, sauf disposition contraire, comme visant les éléments du seul patrimoine professionnel. Celles qui intéressent les droits ou obligations des créanciers du débiteur s’appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine professionnel (C. com., art. L. 681-2, II, créé).

Si les conditions relatives aux procédures collectives et au surendettement sont réunies à la date du jugement d’ouverture, les dispositions concernant les procédures collectives qui intéressent les biens, droits ou obligations du débiteur entrepreneur individuel sont comprises, sauf dispositions contraires, comme visant à la fois les éléments du patrimoine professionnel et ceux du patrimoine personnel (C. com., art. L. 681-2, III, al. 1er, créé).

Les droits de chaque créancier sur le patrimoine professionnel, le patrimoine personnel ou tout ou partie de ces patrimoines sont déterminés conformément aux articles L. 526-22 à L. 526-26 et au livre VI du code de commerce (C. com., art. L. 681-2, III, al. 2, créé).

Le tribunal traite, dans un même jugement, des dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable sur ses patrimoines professionnel et personnel en fonction du droit de gage de chaque créancier, sauf dispositions contraires (C. com., art. L. 681-2, III, al. 3, créé).

• Saisine par le tribunal de la procédure collective de la commission de surendettement compétente

Par dérogation au III de l’article L. 681-2 précité, lorsque la distinction des patrimoines professionnel et personnel a été strictement respectée et que le droit de gage des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel ne porte pas sur le patrimoine personnel de ce dernier, le tribunal qui ouvre la procédure saisit, avec l’accord du débiteur, la commission de surendettement aux fins de traitement des dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable sur son patrimoine personnel. Les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation, relatifs au surendettement, et l’alinéa 6 de l’article L. 526-22 du code de commerce, relatif aux créanciers dont les droits ne sont pas nés de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sont alors applicables. Le tribunal exerce les fonctions du juge des contentieux de la protection, qu’il peut déléguer en tout ou en partie au juge-commissaire (C. com., art. L. 681-2, IV, al. 1er).

Remarque : selon l’article L. 526-22, alinéa 6 du code de commerce, seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. En outre, les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.

• Interaction entre le tribunal de la procédure collective et la commission de surendettement

Le tribunal de la procédure collective et la commission de surendettement s’informent réciproquement de l’évolution de chacune des procédures ouvertes (C. com., art. L. 681-2, IV, al. 2).

Le tribunal connaît des contestations relatives à la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel qui s’élèvent à l’occasion de la procédure ouverte (C. com., art. L. 681-2, V).

Par ailleurs, l’article L. 681-3 complète ces dispositions en prévoyant que, si les conditions relatives au surendettement sont seules réunies, le tribunal n’ouvre pas la procédure collective du code de commerce mais renvoie l’affaire, avec l’accord du débiteur, devant la commission de surendettement. Les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation et l’article L. 526-22, alinéa 6 du code de commerce trouvent alors à s’appliquer (C. com., art. L. 681-3, al. 1er).

Si la commission de surendettement constate en cours de procédure que les conditions sont remplies, elle invite le débiteur à demander l’ouverture d’une procédure collective des titres II à IV du code de commerce. Le tribunal qui ouvre cette procédure en informe la commission qui est dessaisie, sauf si les conditions de l’article L. 681-2, IV susvisé sont réunies. Dans ce cas, le tribunal et la commission s’informent réciproquement de l’évolution de chacune des procédures ouvertes. Ces dispositions sont également applicables au juge des contentieux de la protection (C. com., art. L. 681-3, al. 2).

Cas particulier de l’entrepreneur individuel en surendettement ou en rétablissement personnel

La loi nouvelle insère une nouvelle section 5 relative à l’entrepreneur individuel qui ne comporte qu’un nouvel article L. 711-9 dans le titre Ier concernant les dispositions générales du livre VII du code de la consommation relatif au traitement des situations de surendettement. Cet article complète les articles L. 711-7 et L. 711-8 qui concernent l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

• Surendettement de l’entrepreneur individuel

Ce nouvel article L. 711-9 du code de la consommation fait référence au nouveau statut de l’entrepreneur individuel lorsque la commission de surendettement est saisie dans les conditions prévues au titre VIII bis susmentionné relatif aux dispositions particulières à l’entrepreneur individuel relevant du nouveau statut qui entrera en vigueur le 15 mai 2022.
Il précise que les dispositions qui intéressent les biens, droits et obligations du débiteur doivent être comprises comme visant les seuls éléments du patrimoine personnel. Celles qui intéressent les droits et obligations des créanciers du débiteur s’appliquent dans les limites du seul patrimoine personnel.

• Rétablissement personnel de l’entrepreneur individuel

Selon l’article L. 724-1, 1° du code de la consommation, lorsque le débiteur se trouve en situation irrémédiablement compromise, la commission peut imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle ou que l’actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.
L’article L. 742-21, alinéa 2 du même code précise que lorsque l’actif réalisé est insuffisant pour désintéresser les créanciers, le débiteur ne possédant que les biens susmentionnés de peu de valeur, le juge prononce la clôture de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

L’alinéa 3 du nouvel article L. 711-9 prévoit que, dans ces deux cas, les biens non professionnels indispensables à l’exercice de l’activité professionnelle du débiteur ne sont pas pris en compte.
L. n° 2022-172, 14 févr. 2022, art. 5 : JO, 15 févr.

Vincent BRESSON, ancien responsable juridique, Société générale

Edith DUMONT, Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances et procédures d’exécution

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