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Enfants influenceurs : quel encadrement de l’exploitation commerciale de leurs images sur les plateformes en ligne ? Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bousbacher, Juriste.
Parution : jeudi 5 mai 2022
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Les réseaux sociaux ne sont plus seulement des plateformes de partage de contenus en ligne entre amis, mais de véritables plateformes d’influence et donc de commerce.

L’encadrement de l’exploitation commerciale de l’image d’enfants est nécessaire pour protéger les mineurs de moins de seize ans.

Retour sur le Décret du 28 avril 2022.

Face à l’expansion de l’influence, le législateur veut protéger les enfants influenceurs.

Le décret précise les conditions dans lesquelles des personnes peuvent réaliser, produire et diffuser des vidéos mettant en scène à titre principal des mineurs de seize ans sur des plateformes en ligne de partage de vidéos, dans un cadre lucratif.

La prestation réalisée par l’enfant constitue alors un travail notamment soumis à une autorisation administrative préalable, à un contrôle médical, à la consignation des sommes perçues auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Le décret (Décret du 28 avril 2022) entre en vigueur le 30 avril 2022.

1) Champ d’application : acteurs visés.

Le décret n°2022-727 du 28 avril 2022 précise que la loi n°2020-1266 du 19 octobre 2020.

La loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants, s’applique pour les enfants de moins de seize ans et ses représentants légaux.

L’application du régime relatif à l’encadrement de l’exploitation commerciale de l’image des mineurs s’applique aux employeurs diffusant sur une plateforme en ligne des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans.

2) Protection des enfants influenceurs.

2.1) Dépôt d’une demande d’autorisation.

Le dépôt d’une demande d’autorisation auprès du préfet du siège de l’entreprise s’applique à toute personne souhaitant engager ou produire un enfant âgé de moins de seize ans en vue d’exercer les activités énoncées à l’article L7124-1 du Code du travail, dont les enregistrements audiovisuels en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos.

De même, la demande d’autorisation individuelle est instruite selon le décret, par le DREETS (directeur départemental chargé de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), afin de permettre un suivi et une protection plus ciblée des mineurs.

2.2) Contrôle du rôle proposé.

Le décret n°2022-721 du 28 avril 2022 encadre l’exploitation commerciale de l’image des mineurs.

Le décret soumet l’instruction de l’autorisation individuelle à l’appréciation des difficultés et de la moralité du rôle confié à l’enfant [1].

De cette manière, autant le mannequinat, que le domaine des jeux vidéos et désormais de l’influence, sont soumis à une condition de moralité aux fins de protéger les mineurs.

En plus du caractère moral de l’activité rémunérée en cause, le décret impose aussi l’appréciation lors de l’instruction de l’autorisation individuelle, « du rythme des activités, notamment en soirée ou au cours de la même semaine », qui ne doit pas être excessif au vu de l’âge de l’intéressé.

2.3) Examen préalable à l’emploi de l’enfant.

Le décret n°2022-721 du 28 avril 2022 soumet la demande d’agrément présentée par une agence de mannequins en vue d’engager des enfants, à un examen médical plus précis, détaillé à l’article R7124-9 du Code du travail.

En effet, ce dernier article précise que cet examen médical doit être réalisé par un pédiatre ou par un médecin généraliste, et doit faire apparaître si « compte tenu de l’âge et de l’état de santé de l’enfant, celui-ci est en mesure d’assurer une activité de mannequin sans compromettre sa santé ou son développement ».

2.4) Demande d’agrément soumise à des conditions précises [2].

L’agrément de l’employeur est soumis à plusieurs conditions, dans l’objectif de garantir une protection plus renforcée de l’image des mineurs.

A cet effet, la demande d’agrément doit être accompagnée de nombreux documents qui sont les suivants :
1° Un extrait d’acte de naissance de l’employeur ou de ses dirigeants, associés et gérants lorsqu’il s’agit d’une société ;
2° Une attestation de versement des cotisations aux organismes de sécurité sociale pour les employeurs en activité au moment du dépôt de la demande d’agrément ;
3° Une attestation par laquelle l’employeur s’engage à faire passer, à ses frais, à l’enfant qu’il emploie l’examen médical prévu à l’article R7124-19-1 ;
4° Tous éléments permettant d’apprécier la moralité de l’employeur ainsi que les conditions dans lesquelles il exercera son activité ;
5° Une pièce établissant l’état civil de l’enfant ;
6° L’autorisation écrite de ses représentants légaux accompagnée de la liste des emplois précédemment ou actuellement occupés par l’enfant ;
7° Tous documents permettant d’apprécier les difficultés et la moralité du rôle que l’enfant est appelé à jouer ;
8° Toutes précisions sur les conditions d’emploi de l’enfant, sur sa rémunération et sur les dispositions prises pour assurer sa fréquentation scolaire.

2.5) Agrément.

L’agrément est accordé par « l’autorité administrative définie à l’article R7124-1 » c’est-à-dire par le préfet du siège de l’entreprise ou bien le préfet de Paris lorsque le siège de l’entreprise se trouve à l’étranger.

L’autorité administrative accorde l’agrément pour une durée d’un an renouvelable, sur avis conforme d’une commission [3].

La commission participe à l’examen des demandes d’autorisation individuelles et des demandes d’agrément en vue d’engager un ou des enfants.

Elle comprend dans chaque département :
1° Un magistrat chargé des fonctions de juge des enfants et désigné par le premier président de la cour d’appel, président ;
2° Le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie ou son représentant, ou, à Paris, le directeur de l’académie de Paris ou son représentant ;
3° Le directeur départemental chargé de l’emploi, du travail et des solidarités ou son représentant ;
4° Un médecin ;
5° Le directeur régional des affaires culturelles ou son représentant, ou, à Paris, un représentant du ministre chargé de la culture, désigné par arrêté [4].

Aussi cette commission peut également entendre toute personnalité qualifiée en raison de sa compétence dans le domaine de la protection de l’enfance ou de sa connaissance du secteur d’activité concerné par la demande [5].

L’agrément, ou le renouvellement d’agrément, ne peut être accordé que lorsque les garanties assurées à l’enfant quant à sa sécurité physique et psychique sont suffisantes.

Par ailleurs, dans le cadre de l’instruction de la demande, l’autorité administrative définie à l’article R7124-1 peut demander la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Aucun agrément ne peut être accordé ou renouvelé s’il apparaît que l’employeur ou l’un de ses dirigeants, associés ou gérants ont fait l’objet d’une condamnation figurant sur ce bulletin [6].

2.6) Suspension de l’agrément.

La durée de la suspension de l’agrément ne peut excéder un mois.

Dans ce délai, la commission, saisie par l’autorité administrative définie à l’article R7124-1, propose à cette dernière, après que l’employeur concerné a été mis en mesure de présenter ses observations :
1° Soit le retrait de l’agrément ;
2° Soit la levée de la suspension si les mesures prises par l’employeur sont de nature à supprimer les risques encourus par l’enfant et à éviter leur renouvellement.

La suspension prend fin à l’expiration du délai d’un mois si l’autorité administrative définie à l’article R7124-1 n’a pas fait connaître sa décision définitive dans ce délai [7].

Source :

- Décret n°2022-727 du 28 avril 2022 relatif à l’encadrement de l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
- Enfants influenceurs : quel statut, quel cadre juridique ?

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1Article R7124-5 du Code du travail.

[2R7124-15 à R7124-18 du Code du travail.

[3Art. R7124-19-2 du Code du travail.

[4Nouvel article R7124-20 du Code du travail.

[5Article R7124-21 du Code du travail.

[6Art. R7124-19-3 du Code du travail.

[7Art. R7124-19-5 du Code du travail.