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Saisie immobilière à Saint-Tropez, lorsque le droit local vient au secours du droit international. Par Laurent Latapie, Avocat.
Parution : mercredi 11 mai 2022
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Exemple jurisprudentiel de saisie immobilière internationale. Procédure de saisie enclenchée à la demande d’une banque luxembourgeoise, sur la base d’un acte de prêt authentique pour des fonds libérables en euros, francs suisses et en yens, contre sa débitrice autrichienne propriétaire d’une demeure à Saint-Tropez. Quel droit appliquer ? Entre règles internationales, dispositions européennes et Convention de Rome, lorsque le droit local propre à l’Alsace-Moselle vient impacter tout simplement le droit français.

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence le 16 septembre 2018 RG 18/08253 qui vient aborder la problématique d’une saisie immobilière sur le territoire français alors que l’ensemble des protagonistes sont de droit étranger.

En effet la saisie immobilière avait été initiée dans le golfe de Saint Tropez à la demande d’un créancier bancaire luxembourgeoise à l’encontre de son débiteur autrichien dont la résidence secondaire était située en France.

Quels sont les faits ?

Madame S était un particulier, de nationalité autrichienne, âgée de 70 ans au moment du prêt.

Celle-ci avait contractée le 25 février 2008 une offre de prêt avec une banque luxembourgeoise.

Cette offre se décomposait en deux volets :

- Le premier volet concernait un prêt relatif à un bien situé en Autriche.
Le prêt était de 6 000 000 euros, utilisable soit en euros, soit en francs suisses, soit en yens.
L’objet du prêt était un rachat de prêt contractés en francs suisses et en euros pour 3 500 000 euros, et pour la mise en place d’un portefeuille pour une contrevaleur de 2 500 000 euros avec capital garanti.

Le prêt était in fine.

La garantie prise est une inscription sur un bien situé en Autriche.

- Le plus important concernait le deuxième volet, le prêt B, relatif à un bien sis à Saint Tropez de 1 187 000 euros utilisable en euros, francs suisses ou yens, prêt in fine sur 5 ans, avec inscription hypothécaire concernant la villa.

C’est ce prêt qui fondait pour le créancier la procédure de saisie immobilière en l’état d’un acte authentique signé en l’étude de Maître G, notaire à La Wantzenau (Bas-Rhin) le 20 mai 2008, contenant prêt de la banque luxembourgeoise pour une somme de 1 424 400 euros publié au 1er bureau de la Conservation des Hypothèques de Draguignan le 27 mai 2008.

La déchéance du terme du prêt en litige avait été prononcée par courrier en date du 21 mai 2010.

La déchéance du terme prononcée, la saisie immobilière initiée.

C’est dans ces circonstances que la banque avait procédé, le 2 septembre 2015, à la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière suivant signification effectuée en Autriche, et ce, sur la base d’une somme réclamée à hauteur de 1 460 890,82 euros, outre divers accessoires.

Par la suite encore, le créancier avait assigné le 27 octobre 2015 Madame S devant le juge de l’orientation et ce, pour une audience du 22 janvier 2016.

Quel droit applicable pour la saisie immobilière ?

Le principal enjeu de cette affaire était de savoir s’il y avait matière à déterminer quel était le droit applicable et s’il y avait ou non prescription au sens du droit française ladite prescription étant biennale.

Il convient de rappeler que l’offre de prêt conclue avec Madame S avait été éditée par la banque le 25 février 2008.

Par la suite, l’acte authentique avait été conclu en l’étude de Maître G le 20 mai 2008.

Il convient de s’intéresser aux dispositions européennes pour déterminer quel est le droit applicable, dans la mesure où :
- Madame S était autrichienne,
- La banque était luxembourgeoise,
- Les fonds prêtés étaient convertibles en euros, francs suisses et yens,
- L’objet du prêt : « Mise en place d’un portefeuille de contre-valeur » dont la gestion était confiée à la banque luxembourgeoise n’était pas démontré,
- La principale garantie prise était le bien sis en France.

Il convient de rappeler que l’offre de prêt datait du 25 février 2008 et l’acte notarié du 20 mai 2008.

Dans pareil cas, pour déterminer quel est le droit applicable, entre droit français et droit luxembourgeois, il convient de se reporter à la lecture des articles 7 et 9 de la Convention de Rome de 1980 sur la Loi applicable aux obligations contractuelles,
L’application de la Convention de Rome de 1980.

L’article 3 de la Convention de Rome stipule :

« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat... Le choix par les parties d’une loi étrangère, assorti ou non de celui d’un tribunal étranger, ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat ».

L’article 7 de la même Convention de Rome stipule :

« Lors de l’application, en vertu de la présente Convention, de la loi d’un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application ».

L’article 9 stipule :

« nonobstant les dispositions des quatre premiers paragraphes du présent article, tout contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un droit d’utilisation d’un immeuble est soumis aux règles de forme impératives de la loi du pays où l’immeuble est situé, pour autant que selon cette loi elles s’appliquent indépendamment du lieu de conclusion du contrat et de la loi le régissant au fond ».

A la lecture de ces dispositions, il importe d’apporter quatre séries de précisions :
- Il n’y a pas de commune intention des parties pour une application du droit luxembourgeois,
- La procédure de saisie immobilière est assujettie à des dispositions impératives de droit français,
- Madame S est bien un consommateur,
- Les liens les plus étroits entre les parties sont bien français.

Sur l’absence de commune intention des parties pour le droit luxembourgeois.

La banque considérait qu’il y avait une clause de compétence ou clause judiciaire dans l’acte authentique.

L’offre de prêt avait été signée le 25 février 2008.

Madame S rappelait en tant que de besoin que la traduction de l’offre de prêt, dont la traduction en français avait été remise avant l’audience d’orientation par le créancier ne comprenait aucune information sur le droit applicable ou la compétence des juridictions.

Or, c’est bel et bien l’offre de prêt qui détermine l’accord des parties, l’acte authentique ne faisant que réitérer ledit accord.

Très curieusement, apparaît dans l’acte authentique du 20 mai 20078 relatif à l’affectation hypothécaire, une clause attributive de compétence des juridictions au profit du Luxembourg, et une clause judiciaire insérée sous le chapitre « compétence des tribunaux en cas de litige » dans un acte établi en français, langue que Madame S ne comprenait pas, ne parlait pas, ne lisait pas et n’écrivait pas.

Ainsi peut-on lire : page 12 de l’acte : « Compétences des tribunaux en cas de litige :

Tous les litiges pouvant surgir à propos des présentes seront portés à la connaissance du tribunal du siège du préteur », donc devant les juridictions luxembourgeoises.

« Le présent acte sera soumis à la Loi luxembourgeoise pour tout ce qui concerne les clauses et conditions du prêt et les tribunaux compétents sont ceux du Grand-Duché du Luxembourg.

Toutefois, la banque se réserve la faculté de déroger à cette attribution de juridiction, si elle le juge opportun ».

Or, il était impossible pour l’emprunteur de comprendre la signification et la portée de cette clause, qui n’apparaissait qu’au stade de l’acte authentique, rédigée en langue française.

Cette clause peut être considérée comme obscure si ce n’est abusive au sens de l’article L212-1 du Code de la Consommation qui vient sanctionner les clauses abusives comme étant réputées nulles et non avenues.

Par voie de conséquence, il n’y avait aucune commune intention des parties d’appliquer le droit luxembourgeois.

En l’absence de clause claire et précise concernant le droit applicable, il y avait matière à se référer au droit international privé européen, le contrat en litige étant de nature internationale.

En outre, il était spécifié dans le contrat que : « pour ce qui concerne l’affectation hypothécaire, celle-ci sera soumise à la loi de la situation du bien donné en garantie ».

Il était donc bel et bien fait référence au droit français et à ses dispositions impératives.

Sur les dispositions impératives.

Il convient de rappeler que le bien immobilier objet du prêt et de la garantie était situé en France dans le golfe de Saint Tropez.

L’affectation hypothécaire ainsi que l’acte avaient été établis par un notaire en France afin justement de garantir l’actif.

L’acte authentique reconnaissait d’ailleurs compétence exclusive au droit français en pareille matière.

Enfin, les dispositions en droit de la saisie immobilière sont d’ordre public tout comme les délais de prescription pour justement saisir le bien immobilier dont s’agit.

Dès lors, il convient une fois de plus de se reporter aux articles 3, 7 et 9 de la Convention de Rome.

La banque soutenait que le droit luxembourgeois était applicable au motif pris de l’article 3-1 du règlement CE n°593/2008 et de ce que l’acte notarié stipulait

« que le présent acte sera soumis à la loi luxembourgeoise pour tout ce qui concerne les clauses et conditions du prêt de telle sorte que le droit luxembourgeois est applicable ».

Or, cela ne se peut pour la simple et bonne raison qu’en application de l’article 29 dudit règlement, l’entrée en vigueur est le 17 décembre 2009, soit postérieurement à la signature des contrats en litige.

Ce règlement CE n°593/2008 était donc inapplicable.

Seule la Convention de Rome dans sa version entrée en vigueur le 1er avril 1991 s’appliquait au contrat en litige au visa des articles 3.7 et 9 sus évoqués.

L’application des règles impératives de droit français en droit de la saisie immobilière sont justement déterminantes pour permettre au créancier de saisir le bien en garantie du prêt, le contrat authentique ayant pour objet le droit réel immobilier de Madame S qui avait la qualité de consommateur.

Sur la qualité de consommateur de Madame S.

La banque tentait d’écarter les dispositions impératives du droit de la consommation au motif pris que Madame S ne serait pas consommatrice, en se référant uniquement aux caractéristiques du prêt, sans en justifier.

La banque n’apportait aucun élément concret au soutien de son allégation.

Madame S n’était en aucun cas une commerçante ou une professionnelle, ne dirigeait aucune entreprise, n’avait aucune activité ou objet social lié à des opérations de placement ou de financement.

Les prêts en question avaient été conclu, en nom propre, à des fins strictement personnelles, et répondre à des besoins personnels.

Madame S était consommatrice tant au regard du droit français que du droit européen.

En droit français, le Code de la Consommation précise :

« Article liminaire
- Consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
Article L311-1.
- Emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, ou un intermédiaire de crédit, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle
 ».

En droit européen, le consommateur ne peut être que celui qui contracte pour ses besoins personnels ou domestiques.

La Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, définit le consommateur comme

« toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle la Directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs définit comme toute personne physique qui dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’activité commerciale, industrielle, artisanale, ou libérale ».

La définition du consommateur n’a donc rien à voir avec les caractéristiques du crédit.

Sur les liens les plus étroits avec le droit applicable.

Il convient de rappeler que l’interprétation du droit applicable au sens de l’article 4 de la Convention de Rome est que le contrat est régi par la Loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Est présumé présenter de tels liens celui ou la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a au moment de la conclusion du contrat sa résidence habituelle, cette présomption étant écartée lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays.

Or, Madame S est autrichienne et vit tantôt en Autriche, ce qui n’est pas le Luxembourg et a défaut à Saint Tropez, qui n’est pas plus le Luxembourg.

Le prêt a d’ailleurs été rédigé en français sous la forme authentique, afin d’obtenir un titre exécutoire permettant justement la saisie immobilière en litige.

Le prêt quant à lui est chiffré en euros, en francs suisses et en yens.

Là encore sur la monnaie choisie, qui peut d’ailleurs surprendre (en yen) le contrat ne donne pas force et vigueur au Luxembourg, le prêt étant en euros en franc suisse et le yen n’y étant pas assujetti par nature au droit luxembourgeois.

Dans l’acte est prévu une reconnaissance de dette et suivie immédiatement après d’une affectation hypothécaire sur le bien tropézien.

Il convient de s’intéresser à un jugement rendu par la Cour de cassation du 16 septembre 2015 [1].

« Attendu qu’il incombe au juge français, saisi d’une demande d’application d’un droit étranger, de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l’aide des parties, et de l’appliquer
Vu l’article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

Attendu, selon ce texte, qu’en l’absence de choix par les parties, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; qu’est présumé présenter de tels liens celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ; que cette présomption est écartée lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ».

Ainsi, dans cette jurisprudence, la Cour de cassation retient le droit italien au motif pris :
- Que le cautionnement était rédigé en italien,
- Qu’il avait été conclu en Italie,
- Que le prêteur avait son siège en Italie,
- Que l’emprunteur avait sa résidence habituelle en Italie.

Que le contrat de prêt dont l’acte de cautionnement constituait la garantie était régi par la loi italienne.

Or, et concernant Madame S :
- Le prêt B était relatif au bien de Saint Tropez, France,
Le contrat était rédigé en français, (alors que l’emprunteur ne parlait ni ne lisait français),
- Il était conclu en France,
- Il visait une garantie immobilière sur un bien situé en France,
- Madame S résidait régulièrement dans cette résidence française.

Madame S était donc bien fondée à solliciter l’application de la prescription biennale.

Sur la prescription biennale pour le consommateur en droit français.

Il convient de rappeler que l’offre de prêt conclue par Madame S et éditée par la banque le 25 février 2008, se décomposait en deux volets.

La déchéance du terme du prêt en litige avait été prononcée par courrier en date du 21 mai 2010.

Ce n’est que le 2 septembre 2015, que la banque luxembourgeoise a procédé à la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière accessoires

Dès lors, plus de 5 ans se sont écoulés entre la date de déchéance du terme et la signification du commandement de payer.

Madame S était bien fondée à solliciter l’application des dispositions impératives du droit de la consommation et découlant de l’article L137-2 devenu L218-2, lequel texte précise : « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

Il y avait donc bien matière à prescription.

Dès lors le créancier était prescrit, l’ensemble de la procédure de saisie immobilière était également prescrit et la banque ne pouvait donc pas procéder à la réalisation de cet actif.

Pour autant cette argumentation n’est pas retenue par la Cour d’Appel d’Aix en Provence.

Sur le droit applicable, la Cour d’Appel rappelle que le contrat de prêt date du 25 février 2008 concernant l’offre de prêt, il a été réitéré en la forme authentique le 20 mai 2008 en l’étude de Maître G, notaire à. la Wantzenau (67).

Il a été rappelé que le bien immobilier dont la saisie est poursuivie est situé dans le Var (83).

Selon l’article 3 de la Convention de Rome en son premier alinéa, dont Madame S revendique à juste titre l’application en raison de la date du financement,

« le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou une partie seulement de leur contrat... ».

L’acte authentique, établi avec la garantie d’intervention d’un notaire, énonce que Madame S a comparu personnellement à l’acte.

Aucun élément ne permet sérieusement de douter de sa connaissance de la langue française, et l’officier ministériel qui a dressé l’acte apporte, par son concours, la sécurité d’une bonne compréhension de ses mentions par les personnes comparaissant devant lui, auxquelles il donne lecture de leurs engagements avant de recueillir la signature de chacun.

L’acte authentique comporte en page 12, un paragraphe intitulé « compétence des tribunaux en cas de litige » lequel indique que tous les litiges seront portés à la connaissance du tribunal du siège du prêteur, et que le contrat est soumis à la loi luxembourgeoise pour tout ce qui concerne les clauses et conditions du prêt et les tribunaux compétents seront ceux du grand-duché de Luxembourg.

En l’état, les parties ont donc opté de manière claire et non équivoque pour l’application au contrat, en cas de litige, de la loi luxembourgeoise.

L’application de la Loi luxembourgeoise.

Ce n’est qu’en raison du lieu de situation de l’immeuble saisi et au titre de la procédure de saisie immobilière que le juge français devient compétent.

Dès lors Madame S ne sera pas suivie dans son argumentaire lorsqu’elle prétend bénéficier du droit de la consommation français avec la qualité de consommateur alors que le droit luxembourgeois comme l’a retenu à juste titre le premier juge, édicte une prescription décennale seule applicable au litige, sur le fondement de l’article 189 du Code de Commerce luxembourgeois, qui n’est pas acquise ni invoquée.

Au niveau du droit applicable entre droit français, luxembourgeois et européen, la Cour d’Appel d’Aix en Provence donne raison à l’application du droit luxembourgeois et c’est finalement par le droit local français que le juge français va pouvoir écarter les prétentions de la banque et que Madame S va préserver son bien.

L’application du droit local, spécificité en droit français.

En effet selon l’article R321-3 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, le commandement de payer valant saisie immobilière, doit à peine de nullité, présenter le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que le taux des intérêts moratoires.

Cette contestation a été présentée devant le juge de l’exécution elle est donc recevable au regard de l’article R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, précité, et ne constitue pas une exception de procédure au sens de l’article 74 du Code de Procédure Civile mais bien une défense au fond, afin de combattre la portée juridique du commandement de payer, acte qui fonde la saisie immobilière.

Il convient de s’intéresser au décompte intégré au commandement de payer délivré le 2 septembre 2015 qui indique au titre du décompte des sommes réclamées :
- Principal au 7 juillet 2015 1 460 890.82 euros
- Accessoires évalués à 20% du capital mémoire
- Intérêts au taux de 20% l’an mémoire
- Frais de recouvrement à venir mémoire.

Dû sauf mémoire 1 460 890.82 euros.

Il convient de reprendre la lettre de déchéance du terme, en date du 21 mai 2010, qui sommait la débitrice de verser avant le 18 juillet 2010, une somme de 1 196 213 184 yens, et de retenir que le commandement de payer ne précise pas à quel titre et de quelle façon la somme est passée à un montant de 1 460 890.82 euros en 5 ans, alors que certes l’ouverture de crédit fonctionnait en compte courant, mais uniquement jusqu’à la fermeture de celui-ci, le 21 mai 2010,de sorte qu’ à tout le moins, le décompte des intérêts échus depuis, aurait dû être détaillé à l’acte délivré plusieurs années plus tard, à sa date de délivrance, le 2 septembre 2015, avec cette fois, une connaissance précise des intérêts et du taux à prendre en compte pour le passé.

Aucune vérification du décompte n’est possible pour le débiteur, qui ne savait donc pas quel montant payer pour éviter la poursuite de la saisie.

Il est également curieux que le taux des intérêts soit mentionné à hauteur de 20% l’an qui ne correspondent pas au taux d’intérêt contractuel stipulé et que les accessoires soient également évalués de manière forfaitaire à 20% du capital sans aucune justification, ce forfait n’ étant évoqué qu’au titre de l’inscription hypothécaire à prendre, ce qu’indique la page 5 du contrat notarié, pour garantir une dette que la banque, lors du commandement de payer valant saisie devait chiffrer plus précisément.

Le commandement sera donc à ce titre déclaré nul.

Sur l’existence d’un titre exécutoire, Madame S invoque le bénéfice de l’article 794-5 du Code de Procédure Civile applicable en Alsace Moselle.

Le droit local spécificité très particulière au sein du droit français, est venu sanctionner le créancier saisissant empêchant par là même la validité de la saisie immobilière faute de décompte précis de ce dernier.

Laurent Latapie, Avocat à Fréjus et Saint-Raphaël, Docteur en Droit, Barreau de Draguignan www.laurent-latapie-avocat.fr

[1Cour de cassation - Chambre Civile 1 16 septembre 2015 n° de pourvoi : 14-10373.