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Le régime indemnitaire des psychologues territoriaux exerçant en périphérie de zones sensibles. Par Tom Riou, Avocat.
Parution : jeudi 12 mai 2022
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Alors que les psychologues territoriaux qui exercent leurs activités au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficient d’un régime indemnitaire avantageux, bénéficiant, de droit, de la Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI), la question de l’octroi de cette NBI peut poser question s’agissant des agents des collectivités territoriales qui exercent leurs fonctions en périphérie de ces quartiers, auprès de leurs habitants.

De nombreux psychologues territoriaux, agents titulaires de la fonction publique territoriale, exercent leurs fonctions auprès de personnes souvent précaires, au sein de structures situées dans ou à proximité de quartiers prioritaires de la politique de la ville (Centres sociaux, ASE, etc.).

Afin de compenser l’exercice de ces fonctions en lien avec les habitants de ces quartiers, ces agents bénéficient, en principe, d’une compensation indemnitaire qui se manifeste par l’attribution, à leur bénéfice, de la Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI).

Si l’octroi de la NBI aux psychologues territoriaux qui exercent leurs fonctions au sein de structures directement implantées dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville ne pose généralement aucune difficulté, les collectivités peuvent freiner l’application de ce régime indemnitaire aux agents exerçant leurs fonctions en périphérie de ces quartiers, en lien avec leurs habitants.

Le droit applicable.

En droit, la NBI, instituée à compter du 1er août 1990 par l’article 27 de la loi n°91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, constitue un élément à part entière de la rémunération des fonctionnaires, sur la base de l’attribution de points d’indice majorés.

Elle est, notamment, versée à certains agents exerçant leurs fonctions dans certains quartiers dont la liste est fixée par décret, ou aux agents exerçant à proximité de ces quartiers, en relation avec leur population.

C’est ainsi qu’à compter de sa version modifiée par le décret n°94-807 du 12 septembre 1994, l’article 1er du décret n°91-711 du 24 juillet 1991 portant attribution de la NBI à certains personnels de la fonction publique territoriale disposait, expressément, que :

« Une nouvelle bonification indiciaire prise en compte pour le calcul de la retraite est versée mensuellement à raison de leurs fonctions aux fonctionnaires territoriaux suivants : (…) 45° Fonctionnaires exerçant leurs fonctions à titre principal dans les grands ensembles ou quartiers d’habitat dégradé dont la liste est fixée par le décret du 5 février 1993 susvisé ou dans les services et équipements publics en relation directe avec la population de ces grands ensembles ou quartiers d’habitat dégradé ».

A cet égard, la liste des quartiers constituant des « quartiers d’habitat dégradé » était, initialement, fixée par décret.

Par la suite, la notion de « quartiers d’habitat dégradé » a été remplacée par celle de « zones urbaines sensibles », à compter de 1996.

Ces textes ont, plus récemment, été abrogés par l’entrée en vigueur du décret n°2006-779 du 3 juillet 2006 portant attribution de la NBI à certains personnels de la fonction publique territoriale, qui a réformé le régime juridique de la NBI.

Le décret n°2006-780 du 3 juillet 2006 portant attribution de la NBI à certains personnels de la fonction publique territoriale exerçant dans des zones à caractère sensible dispose ainsi, dans sa version actuelle, que :

« Les fonctionnaires territoriaux exerçant à titre principal les fonctions mentionnées en annexe au présent décret dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville dont la liste est fixée par le décret n°2014-1750 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains (…) et dans les services et équipements situés en périphérie de ces quartiers et assurant leur service en relation directe avec la population de ces quartiers bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire ».

La notion de « quartiers prioritaires de la politique de la ville » s’étant substituée à celle de « zones urbaines sensibles », il résulte de ces dispositions que doivent bénéficier de la NBI les agents territoriaux :
- qui exercent une des fonctions listées en annexe du décret n°2006-780 du 3 juillet 2006 ;
- à titre principal dans les « quartiers prioritaires de la politique de la ville » ;
- ou dans un service ou équipement situé en périphérie de ces quartiers et assurant leur service en relation directe avec la population de ces quartiers.

Les psychologues territoriaux exerçant leurs fonctions dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou en périphérie d’un tel quartier, en relation directe avec leur population, bénéficient, ainsi, d’une NBI de 30 points d’indice majoré.

La notion d’exercice des fonctions « à titre principal », dans une zone éligible.

Si les psychologues territoriaux qui exercent leurs fonctions en périphérie des quartiers prioritaires de la ville, en lien avec leurs habitants sont éligible au bénéfice de la NBI, la question de l’exercice de leurs fonctions « à titre principal » peut poser une difficulté, les collectivités employeurs pouvant s’opposer à l’octroi de la NBI aux agents qu’elle n’estime pas exercer leurs fonctions « à titre principal » en lien avec les habitants de tels quartiers.

A cet égard, la doctrine administrative retient que pour être considéré comme exerçant « à titre principal », ses fonctions dans une zone éligible, l’agent doit y exercer pour plus de la moitié de son temps de travail.

La jurisprudence retient, pour sa part, qu’ont droit à la NBI les fonctionnaires territoriaux qui exercent leurs fonctions à titre principal au sein d’un quartier prioritaire de la politique de la ville ou dans les services situés en périphérie d’un tel quartier, sous réserve, dans ce second cas, que l’exercice des fonctions assurées par l’agent le place en relation directe avec les usagers résidant dans ce quartier.

Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé que, saisi d’un recours contentieux portant sur l’attribution de la NBI à un agent exerçant ses fonctions en périphérie d’un quartier prioritaire de la politique de la ville, le Juge administratif doit vérifier si l’agent exerce ses fonctions au contact des habitants dudit quartier et non se limiter au contrôle de l’affectation géographique de l’agent.

Cela étant, dès lors que l’agent est éligible à la NBI, le versement de cet avantage est obligatoire pour la Collectivité, étant précisé qu’aucune délibération de son organe délibérant n’est nécessaire pour ouvrir le droit au bénéfice de cette NBI.

Du fait de ce caractère obligatoire du versement de la NBI à l’agent exerçant des fonctions y ouvrant droit, il a, notamment, été jugé que l’administration ne peut pas limiter le droit au versement de la NBI, notamment par référence à une durée maximale d’occupation d’un emploi.

L’autorité territoriale se trouve ainsi placée en situation de compétence liée dans l’attribution de la NBI, dès lors que l’agent en remplit les conditions d’attribution.

S’agissant du point de départ du versement de la NBI, la jurisprudence a pu confirmer que les agents doivent bénéficier de la NBI, y compris rétroactivement, à compter de la date à laquelle leurs fonctions les rendaient éligibles à ce régime indemnitaire.

Que faire en cas de refus d’octroi de la NBI aux psychologues territoriaux exerçant leurs fonctions à titre principal en lien avec les habitants de quartiers prioritaires de la politique de la ville ?

Dans l’hypothèse où la collectivité territoriale employeur refuserait d’octroyer la NBI aux psychologues territoriaux qui exercent leurs fonctions à titre principal en lien avec les habitants de quartiers prioritaires de la politique de la ville, des voies de droit existent pour solliciter le bénéfice de ce régime indemnitaire.

En effet, les agents peuvent, le cas échéant, contester le refus d’octroi de la NBI qui leur serait opposé, par l’engagement d’un recours administratif (gracieux ou hiérarchique) auprès de leur administration, ou par la saisine du tribunal administratif territorialement compétent, dans le respect d’un délai de recours de deux mois suivant la notification d’une décision de refus.

L’agent pourra, devant cette juridiction, solliciter l’annulation de la décision par laquelle la Collectivité territoriale lui aura refusé le bénéfice de la NBI, par l’introduction d’une requête au fond.

Il pourra, également, être demandé au Juge d’enjoindre à l’administration d’octroyer le bénéfice de la NBI à l’agent, le cas échéant avec effet rétroactif, si la créance n’est pas prescrite.

Tom Riou, Avocat au Barreau de Paris [->tomriou.avocat@gmail.com] https://www.tomriou-avocat.com/