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Créance indemnitaire née d’une action en nullité de la période suspecte.
Parution : dimanche 15 mai 2022
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La compensation en vertu de l’existence d’un lien de connexité entre la dette de restitution consécutive à l’annulation d’une opération contractée en période suspecte et une créance admise au passif du débiteur est exclue.

Cet article est issu de la documentation Difficultés des entreprises des Editions Législatives.

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Une EARL consent à une société coopérative agricole un warrant agricole et une cession de créance. L’EARL est mise en redressement judiciaire en 2014, et bénéficie d’un plan de redressement arrêté par un jugement en 2016. Le commissaire à l’exécution du plan assigne la société coopérative en nullité du warrant agricole et de la cession de créance, au motif qu’ils avaient été consentis après la cessation des paiements de l’EARL, en l’occurrence en période suspecte.

Un jugement du 5 mars 2019 fait droit à cette demande et condamne la société coopérative au paiement de certaines sommes. En exécution de ce jugement, le commissaire à l’exécution du plan fait signifier à la société un commandement aux fins de saisie-vente. La société le conteste devant le juge de l’exécution en demandant la compensation entre les condamnations prononcées et sa créance connexe, admise au passif de la procédure collective.

La cour d’appel ayant admis la compensation pour connexité des créances, le commissaire à l’exécution du plan se pourvoit en cassation.

Absence de connexité

Le commissaire à l’exécution du plan soutient l’absence de connexité des créances en rappelant « que pour être connexes, les créances doivent dériver d’un même contrat ou d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations entre les parties ». Il ressort des constatations de l’arrêt attaqué que la créance de la coopérative provenait de la livraison de semences et engrais tandis que celle de l’EARL résultait du jugement du 5 mars 2019 et constituait donc une créance indemnitaire née d’une action en nullité de la période suspecte et non pas une créance contractuelle. Même si cette créance indemnitaire avait pour origine l’annulation d’un warrant agricole et d’une cession de créance, ceci ne pouvait suffire à caractériser la connexité exigée par la loi.

Ainsi, en retenant néanmoins que la créance issue du jugement de condamnation était tout aussi indissociable de la relation d’affaires des deux parties que celle détenue par la coopérative agricole pour la seule raison qu’elle résultait de l’annulation d’un warrant agricole et d’une cession de créance, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 622-7 du code de commerce.

Absence de compensation

La Cour de cassation fait droit à la demande du commissaire à l’exécution du plan et censure l’arrêt d’appel sur le fondement des articles 1347 du code civil, L. 622-7, L. 631-14, alinéa premier, L. 632-1 et L. 626-25 du code de commerce.

Elle précise que les sommes recouvrées suite à la restitution par le créancier des sommes qu’il a reçues au titre d’opérations annulées à la demande du commissaire à l’exécution du plan agissant dans l’intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer l’actif du débiteur, entrent dans le patrimoine de ce dernier et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers.
Toute compensation en vertu de l’existence d’un lien de connexité est donc exclue entre la dette de restitution consécutive à l’annulation d’une opération contractée après la date de cessation des paiements et une créance admise au passif du débiteur.

De la même manière, la Cour de cassation réfute toute idée de connexité fondée sur un ensemble contractuel telle que retenue par les juges d’appel laquelle résulterait de ce que les créances à compenser procèdent, l’une comme l’autre, des liens d’affaires étroits qui unissaient les parties dans le cadre d’un ensemble contractuel prévoyant que l’EARL écoulait sa production auprès de la seule coopérative qui, inversement lui fournissait les marchandises nécessaires à cette production, un compte courant accueillant les flux réciproques générés par ces opérations.

Certes, les liens décrits par les juges d’appel peuvent correspondre à la notion d’ensemble contractuel généralement admise par la jurisprudence. Mais, le contexte particulier de la constitution de garanties en période suspecte exclut la possibilité d’une telle qualification. Le caractère indemnitaire de la créance est issu du prononcé de la nullité desdites garanties, ce qui l’extrait du champ contractuel (réduit ou étendu) existant entre les parties.

Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I

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