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La récente réforme en droit du travail espagnol approuvée par le Conseil des ministres. Par Emilie Poignon, Milena Gismondi, Avocats et Sarah Rémy, Juriste.
Parution : vendredi 20 mai 2022
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La nouvelle réforme en droit du travail espagnole est entrée en vigueur le 31 décembre 2021 et prévoit de nombreuses modifications afin de mettre fin à la précarité des contrats de travail.

En Espagne, le Conseil des ministres a approuvé le décret-loi royal 32/2021, du 28 décembre, sur les mesures urgentes de réforme du travail, la garantie de la stabilité de l’emploi et la transformation du marché du travail reprenant l’ « accord national » conclu le 23 décembre 2021 entre le gouvernement, les syndicats et les employeurs.

Le décret-loi royal 32/2021 est officiellement entré en vigueur le 31 décembre 2021.

La dernière réforme en droit du travail en Espagne datait de 2013 (loi Rajoy 3/2012 du 22/12/2013).

Selon l’article 86 de la Constitution espagnole, les décrets-lois doivent être soumis au Congrès (équivalent de l’Assemblée Nationale en France) dans un délai de 30 jours afin qu’ils soient validés ou refusés.

En l’espèce, le Congrès a eu jusqu’au 7 février 2022 pour se positionner sur la réforme.

Yolanda Diaz, Ministre du travail et de l’économie sociale, a déclaré que

« Nous avons besoin d’une nouvelle norme du travail pour mettre fin au fonctionnement inefficace et injuste du marché du travail ».

Cependant, cette réforme a été jugée pour beaucoup comme trop légère et ne réformant pas en profondeur le droit du travail contrairement à ce qui avait été annoncé par le gouvernement.

Les principales nouveautés de cette réforme peuvent se résumer en quelques points :

- Le contrat à durée indéterminée devient le contrat de droit commun, comme c’est déjà le cas en France ;
- Contrats à durée déterminée : le contrat pour un travail ou un service spécifique disparait. Les seuls contrats à durée déterminée pouvant désormais être conclus sont ceux pour accroissement temporaire de l’activité ou pour remplacement d’un salarié. Les sanctions sont renforcées et pourront atteindre jusqu’à 10 000 euros d’amende par salarié lorsque le recours à ce type de contrat exceptionnel est injustifié.
- Contrats de formation :
- Contrat de formation en alternance (anciennement appelé « contrat de formation et d’apprentissage ») : ils pourront également être conclus avec des étudiants de l’université qui ne réalisent pas une formation professionnelle, comme c’est déjà le cas en France. Ce type de contrat est réservé aux moins de 30 ans, pour une durée maximale de deux ans. La rémunération est fixée conformément à la convention collective et ne pourra être inférieure à 60% du salaire conventionnel la première année et 75% du salaire conventionnel la deuxième année. En tout état de cause, la rémunération devra être au moins égale au Salaire Minimum Interprofessionnel ;
- Contrat de formation pour l’acquisition d’une pratique professionnelle :(anciennement appelé « contrat de stage ») : il peut être conclu jusqu’à trois ans après l’obtention du diplôme (cinq ans auparavant) et aura une durée comprise entre six mois et un an (entre six mois et deux ans auparavant) ;
- Contrat à durée indéterminée discontinue : conclu pour des travaux saisonniers ou en lien avec des activités saisonnières mais également pour l’exécution de travaux ayant une période d’exécution certaine, déterminée ou indéterminée ;
- ERTE (« Expediente de Regulación Temporal de Empleo ») : équivalent du chômage partiel en France. Les délais de traitement sont raccourcis et les procédures simplifiées.

La réforme n’affecte pas les contrats déjà en vigueur au 31 décembre 2021 et n’a pas d’effet rétroactif.

Pour les contrats signés après l’entrée en vigueur de la réforme (c’est-à-dire le 31 décembre 2021), les entreprises disposent de trois mois pour adapter les contrats temporaires et de six mois pour supprimer les contrats de travail et de services.

En France, les dernières réformes importantes en droit du travail ont été la « Loi Travail » du 8 aout 2016 ainsi que les Ordonnances de Macron du 22 septembre 2017. Ces ordonnances prévoient notamment :
- Le renforcement de la négociation collective en entreprise (primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche, simplification des accords pour les petites entreprises) ;
- La fusion des instances de représentation du personnel en une instance unique ;
- La sécurisation des modalités de rupture du contrat de travail (obligation de motivation du licenciement dans la lettre de licenciement, proposition de modèles-types de lettre de licenciement, mise en place d’un barème de dommages et intérêts…) ;
- La création du contrat à durée indéterminée de projet…

La réforme en droit du travail espagnole a finalement été approuvée par le Congrès le jeudi 3 février 2022.

Il ressort du décompte final 175 voix pour et 174 voix contre l’approbation de la réforme, avec seulement une voix de différence.

La légitimité de ce vote a cependant été remise en cause car Alberto Casero, député PP de Caceres, a voté par erreur, en faveur de la réforme.

Emilie Poigon, Milena Gismondi, Avocats et Sarah Rémy, Juriste Cabinet d'avocats Lexwell Legal https://lexwell-legal.com