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Journalistes dits pigistes et le traitement de leur précarité : trois décisions intéressantes. Par Inès de Blignières, Avocat.
Parution : samedi 21 mai 2022
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Trois décisions de la Cour d’Appel de Versailles du 16 mars 2022 sur la précarité des journalistes dits pigistes.

Par trois décisions en date du 16 mars 2022, la Cour d’Appel de Versailles dans sa 17ème Chambre a condamné la Société Reworld Media à indemniser la précarité dans laquelle elle a confiné ses journalistes dits pigistes et rappelle que le statut de pigiste ne doit pas s’appliquer à des journalistes salariés permanents.

Il s’agissait de la rédaction d’Auto Moto - deux journalistes rédacteurs et la secrétaire de rédaction - avec des anciennetés supérieures à 10 ans, suite au rachat du titre appartenant à la société Lagardère Active en juillet 2014.
Ils avaient saisi le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt en 2017 pour obtenir un rappel de prime d’ancienneté, l’établissement d’un contrat de travail à durée indéterminée et des dommages et intérêts pour maintien dans un statut précaire. Le Conseil avait fait droit à leur demande de rappel de prime d’ancienneté qui doit se calculer conformément aux dispositions de l’article 23 de la convention collective des journalistes, débouté sur la demande de contrat écrit et sur les dommages et intérêts pour maintien dans un statut précaire.

La Cour condamne Reworld Media au versement d’une somme de 4 000 Euros de dommages et intérêts pour maintien dans un statut précaire, confirme le calcul de la prime d’ancienneté et précise que le contrat écrit n’est pas la norme même s’ils sont présumés titulaires d’un CDI de journaliste professionnel.
L’intérêt de ces arrêts est la prise en compte de la précarité dans le traitement de journalistes dits faussement pigistes qui occupent des postes de journalistes permanents et subissent une dégradation de leurs conditions de travail à l’occasion d’un déménagement, une externalisation et un traitement différent des journalistes permanents et son indemnisation financière.
Le quantum alloué par les Cours d’Appel se situe plus autour de dommages et intérêts à hauteur de 2.500 Euros (CA Versailles 15éme Chambre, 15 février 2012, n°10/01458), (CA Paris Pôle 6 Chambre 3 19 juin 2018, n°1510861).
La condamnation au titre de dommages et intérêts pour maintien dans un statut précaire dans ces trois cas est donc symbolique et conséquente dans cette construction jurisprudentielle.
Ce maintien dans la précarité surprend compte tenu de la situation financière de ce groupe qui a largement les moyens de régulariser ces cas et rappelle l’obligation de l’employeur de ne pas accentuer la précarisation de ces salariés.

Pigistes faites respecter vos droits !

Inès de Blignières, Avocat https://www.inesdeblignieres.fr/