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Le NFT : l’instrument de propriété du Métaverse. Par Philippe Schmitt, Avocat.
Parution : lundi 23 mai 2022
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La mutation que connaît le NFT avec le métaverse offre des perspectives aux juristes pour la gouvernance de ces communautés et l’encadrement des techniques de gamification.

999  999  999 ETH. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les cryptomonnaies, ce montant converti en dollars nord-américains : 2  023  819  997  976,18. Serait-ce le gain d’un super loto mondial ?

Ce prix est celui de la mise en vente de pixels sur The Sanbdox. L’annonce est alléchante « Chaque LAND est un jeton unique (non fongible) reposant sur la blockchain publique Ethereum (ERC-721). Une fois que vous possédez un LAND, vous pouvez le peupler de jeux et de biens ».

Tout est dit. Dans le Métaverse, le NFT devient l’actif lui-même, et non seulement une ligne de codes représentant son enregistrement dans la blockchain, dénommé initialement « certificat » par les juristes pour immédiatement le qualifier « de propriété », démarche qui se comprenait quand le NFT accompagnait la vente d’un bien matériel ou d’une image réplicable sur tout support numérique.

Rappelons les principaux avantages du NFT qui se retrouvent dans le Métaverse. Sa capacité à être transféré et, ses transferts successifs enregistrés.

Ce NFT trouverait sa qualification légale depuis la loi Pacte du 22 mai 2019 dans l’article L522-2 du code monétaire et financier : « (…) constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien », avec pour corollaire éventuellement la réglementation des fonds en jetons numériques (Initial Coin Offering, « ICO ») et les différents régimes applicables aux prestataires selon les services rendus sur les actifs numériques (PSAN).

Dans le Métaverse, s’ajoutent au NFT des caractéristiques que les juristes des domaines techniques savent déjà manier : les normes de la blockchain et le standard utilisé sur celle-ci. Dans le Métaverse, même si des pixels restent des pixels, les NFTs pour leur commercialisation ne peuvent pas être identiques, chaque terrain doit générer un token différent, ce qui renvoie à la capacité de l’outil d’éditer des millions si ce n’est des milliards de variantes (ERC-721 est souvent cité pour les tokens non- fongibles).

La blockchain de NFTs sous un standard adéquat deviendrait un registre des propriétés de ces pixels, certains diront un cadastre bien qu’un cadastre constitue un instrument fiscal [1].

Pour le juriste, les NFTS des Métaverses portent en eux-mêmes un étonnant besoin de normes et de règles à bâtir. En effet, le NFT du Métaverse permet à son titulaire de monétiser l’accès à des espaces digitalisés, dont l’expression visuelle sera celle de bâtiments ou d’espaces de jeux ou commerciaux peuplés d’avatars et de marques, dans le but d’offrir à l’utilisateur une nouvelle identité numérique.

De telles finalités reposent d’une part, sur des règles de gouvernance, ce que les Métaverses ont déjà prévu par l’attribution de tokens de gouvernance et d’autre part, sur des modalités de gamification.

L’organisation de ces gouvernances, et la transposition dans le monde du commerce et du travail des techniques de motivations élaborées pour les jeux, ouvrent d’immenses chantiers pour les juristes.

Philippe Schmitt Avocat www.schmitt-avocats.fr https://www.linkedin.com/in/avocatmarquebrevetmodele/

[1Art. 1 décret du 30 avril 1955 relatif à la rénovation du cadastre.